« Je ne le crains pas, je le souhaite », répondait Philippe Martinez à la question : « craignez-vous un printemps social ? » C’était il y a quelques jours au Grand Jury RTL-Le Figaro. Mais ce jeudi 4 février, pour la première journée de grève et de manifestation interprofessionnelle de l’année 2021, l’explosion n’est pas là. Autour de 100 000 manifestants dans toute la France selon nos premières estimations, dont 20 000 annoncés par la CGT à Paris. En tout, 165 rendez-vous sur l’ensemble du territoire, afin de défendre l’emploi et les services publics, à l’appel de la CGT, Solidaires, la FSU et d’organisations de jeunesse. Dans les défilés, des salariés du spectacle, de l’énergie, des étudiants, mais aussi des agents municipaux ou des salariés concernés par des plans sociaux. Mais pas en masse. Le pari des syndicats de s’appuyer sur une série de grèves sectorielles pour déboucher sur une « journée de convergence » n’a pas vraiment pris. Pas plus que n’avait vraiment eu de succès une autre initiative pour l’emploi le 23 janvier : celle de réunir les « boîtes en lutte » contre les licenciements. Ce jour-là : 2000 manifestants à Paris, 4000 selon les plus optimistes.
Pourtant, les motifs de mobilisation ne manquent pas. Hasard du calendrier, l’institut d’études et de statistiques du ministère du Travail éditait aujourd’hui son tableau de bord sur la situation du marché du travail. Et le tableau n’est pas reluisant. Déjà 93 500 ruptures de contrats dans le cadre de PSE depuis mars 2020. Soit trois fois plus que l’année précédente. Chiffre auquel il faut ajouter 6 400 procédures de licenciements collectifs pour motif économique, hors PSE. Les nouvelles ne sont pas meilleures pour les jeunes. Le nombre d’embauches, en CDI ou en CDD de plus de trois mois, des moins de 26 ans est en recul de 14,2 %. Et ce, malgré le dispositif gouvernemental « un jeune une solution » qui distribue des aides publiques aux entreprises pour qu’elles embauchent.
Pour autant, ni toutes ces difficultés sociales ni les licenciements d’aubaine de certaines entreprises n’ont servi de carburant à la journée du 4 février. Si le feu couve, c’est encore à bas bruits. Les manifestations du jour correspondent à « un sommet de l’iceberg des colères sociales » estime Simon Duteil, un des deux porte-parole de Solidaires. Des colères qui s’exprimeront peut-être au printemps. Ou plus tard. Une fois la sortie du tunnel, d’une épidémie qui écrase tout, visible. En tout cas, c’est ce que craignent et pronostiquent trois économistes du FMI qui ont étudié les effets des pandémies du passé. Pour eux, « les troubles n’apparaissent généralement pas immédiatement ». Par contre, le « risque de pics de troubles sociaux […] d’émeutes et de manifestations antigouvernementales augmente » par la suite, et pourrait même, selon eux, conduire à la chute de gouvernements dans les deux années à venir.
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