Cette première journée de grève appelée conjointement par la CGT, la FSU, Solidaires, FO dans certains départements, et une partie des gilets jaunes, est plutôt une réussite. Les manifestations ont été nettement plus fournies que lors du précédent défilé syndical du 14 décembre, ou lors des derniers actes des gilets jaunes. Entre 137 200, selon la police, et 300 000 personnes, selon la CGT ont participé aux 160 manifestations organisées sur l’ensemble du territoire.
Indéniablement un succès de participation et probablement un précédent dans la rencontre entre syndicalistes et gilets jaunes. Les manifestations du 5 février ont été massives dans la plupart des grandes villes, dépassant les derniers rendez-vous, qu’ils soient syndicaux ou gilets jaunes. Une chose est sûre, nombre de ces derniers se sont mis en grève, contribuant ainsi à la réussite de cette journée, chose impensable il y a encore quelques semaines. La manifestation parisienne a réuni 30 000 personnes selon la CGT, 18 000 selon la préfecture de Paris. À titre de comparaison, la police comptabilisait seulement 6000 manifestants pour la journée de grève du 14 décembre, et 10 500 pour l’acte XII samedi dernier. Sur l’ensemble du territoire, le ministère de l’Intérieur a comptabilisé 137 200 manifestants pour le 5 février, contre 300 000 pour la CGT.
Ainsi, autour de 10 000 personnes ont défilé dans les rues de Toulouse et 7000 dans celles de Lyon où « les boîtes sont sorties » aux dires d’un syndicaliste CGT. À Marseille, ville où les écarts entre les chiffres des organisateurs et de la police sont toujours les plus grands, les autorités ont comptabilisé 5200 manifestants. À Bordeaux, Nantes, Clermont-Ferrand ou Montpellier, autour de 4000 syndicalistes et gilets jaunes ont manifesté. Ils étaient autour de 5000 à Rouen et au Havre, 3500 à Caen, et près de 3000 à Lille. Enfin, dans de nombreuses villes moyennes les cortèges ont atteint ou dépassé le millier de manifestants.
La convergence n’est pas un long fleuve tranquille
C’est plus un jalon qu’une complète convergence. La CGT, longtemps réservée sur une association avec les gilets jaunes, a annoncé une trentaine d’initiatives communes sur les 160 manifestations prévues le 5 février. Dans les faits, les rencontres entre syndicalistes et gilets jaunes ont pris des contours très divers d’une ville à l’autre, mais ont dynamisé les cortèges. À Toulouse, où des convergences ont déjà eu lieu, le gros des troupes a cependant été fourni par les organisations syndicales. Le matin, 200 gilets jaunes ont bloqué un péage avant d’en être délogés par la police vers 11 h et de s’éparpiller vers d’autres actions. À Lyon, où la présence de l’extrême droite dans les manifestations du samedi occasionne régulièrement des tensions, la jonction avec environ 500 gilets jaunes a été particulièrement fluide. Même chose à Clermont-Ferrand, où le jaune a été porté indistinctement par des syndicalistes et 500 habitués des défilés du samedi.
À l’inverse, à Lille, la méfiance n’a pas totalement disparu. Le dépôt par la CGT d’un parcours de manifestation inhabituellement court, et l’abandon rapide du défilé par ses militants n’a pas ravi les gilets jaunes présents. En tentant de poursuivre le défilé, ils ont été accueillis par les forces de l’ordre qui ont immédiatement fait usage de grenades lacrymogènes, prétextant que la manifestation n’était pas autorisée au-delà du parcours déposé. A Montpellier, la CGT a été dépassée par une vague mêlant gilets jaunes, syndicalistes, et jeunes qui a pris la tête de la manifestation. En s’en tenant mordicus au parcours sous-dimensionné déposé en préfecture, la centrale syndicale a, un temps, coupé le cortège en deux parties. Cette fois sans conséquences, contrairement à Lille.
Cependant, malgré quelques raidissements ici ou là, des jonctions ont bien eu lieu entre militants syndicaux et manifestants des samedis. Au Mans, le barbecue revendicatif d’un millier de militants de la CGT s’est transformé en une « manifestation sauvage » dans les rues de la ville, après l’arrivée de 250 gilets jaunes. De nombreux syndicalistes s’y sont joint. Même chose en Normandie, où 1500 personnes ont poursuivi la journée après la manifestation à Caen en bloquant des ponts, avant de se diriger vers la raffinerie. À Nantes, gilets jaunes et gilets rouges ont bloqué ensemble les accès à l’aéroport, immobilisant de nombreux camions. Ainsi, même si l’appel à une grève illimitée des gilets jaunes a buté sur les mêmes difficultés rencontrées par les syndicats pour mobiliser l’ensemble des salariés des quelques 150 000 entreprises en France, il a créé un précédent, et appelle d’autres mobilisations communes.
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