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Assurance chômage : hold-up – Saison 3


Des négociations sur les règles de l’assurance chômage doivent s’ouvrir au mois de septembre. Et se conclure mi-novembre, pour entrer en application au 1er janvier 2024. Au cœur de l’été, le gouvernement a envoyé une lettre de cadrage aux syndicats et au patronat. Objectif : entériner les reculs des précédentes réformes pour les chômeurs et faire main basse sur une partie des excédents qu’elles ont dégagé pour l’Unedic.

 

Ce n’est pas le genre de mesures qui soulèvent les foules – les premiers concernés n’en percevant pas toujours les conséquences – pourtant, c’est un choix déterminant pour les droits des privés d’emploi. Le gouvernement veut orienter une partie des excédants de l’Unedic vers France travail et France compétences. Et donc réduire les marges financières de l’organisme chargé de gérer l’assurance chômage. Ce qui évite de questionner et éventuellement revenir sur les restrictions de droits pour les chômeurs, qui avaient été justifiées par le gouvernement en 2019 par une trajectoire financière défavorable de l’Unedic.

 

Aujourd’hui, les comptes sont très nettement passés au vert. Au mois de juin dernier, l’Unedic prévoyait un solde positif de 18,5 milliards d’euros pour la période 2023-2025 : +4,4 milliards en 2023, +5,4 milliards en 2024, puis +8,7 milliards en 2025. Et pour cette dernière année, quelques 5 milliards d’économies dues aux différentes réformes de l’assurance chômage. C’est-à-dire les milliards non versés aux chômeurs, en vertu de plusieurs critères modifiés au cours des deux dernières années. À savoir, les moindres ouvertures de droits liées à l’allongement du nombre de mois requis pour celles-ci. Mais aussi du fait de la baisse des allocations suite au changement de mode de calcul des indemnités. Et enfin à cause de la réduction du temps d’indemnisation de 25 % depuis le 1er février 2023.

Bref, des excédents très largement réalisés sur la baisse des droits des demandeurs d’emploi. Mais pas question pour autant pour le gouvernement de desserrer la ceinture des demandeurs d’emploi, maintenant que les comptes de l’Unedic sont positifs. L’exécutif s’apprête à affecter les excédents à autre chose qu’à l’assurance chômage. Et pas qu’un peu !

 

Bonneteau gouvernemental

 

Le détournement que le gouvernement propose au menu des négociations correspond à un montant de 11,5 à 12,9 milliards d’euros d’ici 2026. C’est ce qu’ont découvert les syndicats de salariés et les organisations patronales dans la lettre de cadrage que leur a envoyé la Première ministre le 1er août dernier. Depuis 2019, le gouvernement a pris l’habitude de corseter les discussions entre syndicats et patronat sur l’assurance chômage, en fixant en préalable les objectifs à atteindre. Puis en reprenant totalement la main, en cas d’échec des négociations contraintes.

Cette fois-ci, il demande d’affecter une partie de l’argent de l’assurance chômage à sa politique de l’emploi et à celle de la formation. Ainsi Pôle emploi qui se transformera en France travail et deviendra un guichet unique d’entrée dans la recherche d’emploi se verra destinataire d’une partie des excédents de l’Unedic. Ce que ne dit pas le document de cadrage, c’est si, dans un contexte où le gouvernement a demandé des économies à tous les ministères, il maintiendra son niveau de participation au financement de Pôle emploi.

Autre destinataire des subsides non versés aux chômeurs : France compétence, dont 64 % à 72 % des ressources financent l’apprentissage, cheval de bataille d’Emmanuel Macron, qui a promis un million de contrats d’apprentissage par an. Et qui, pour se faire, arrose largement les entreprises d’argent public. Ainsi, une partie des sommes amputée aux demandeurs d’emploi irait financer les patrons selon les désirs du gouvernement, dans la mesure où celui-ci verse 6000 euros aux entreprises pour financer tout ou partie de la première année d’un apprenti.

 

Pas de nouveaux droits pour les chômeurs

 

Une option rejetée par l’ensemble des syndicats de salariés qui préféreraient redonner des droits aux demandeurs d’emploi. Ou au moins, accélérer le désendettement de l’Unedic, pour pouvoir faire face à une dégradation de la situation de l’emploi. En effet, la dette cumulée de l’organisme public s’élevait à 60,7 milliards d’euros fin 2022, largement alourdie par la décision gouvernementale de lui faire en partie porter le coût du chômage partiel massif des débuts de la pandémie en 2020 et 2021. Pour un montant de 18,4 milliards d’euros tout de même.

Si le gouvernement inscrit bien le désendettement de l’Unedic dans les objectifs des négociations, pas question pour lui d’améliorer les droits des chômeurs. Au contraire, il demande à ce « que le mode de calcul du salaire journalier de référence ne crée pas d’incitation plus favorable que le régime actuel ». Or c’est l’élément de la réforme de l’assurance chômage qui a fait plonger le niveau des allocations, dégradant très fortement les revenus des demandeurs d’emploi indemnisés. De même pas touche à la réduction de 25 % de la durée d’indemnisation, quand le taux de chômage est inférieur à 9 %, au sens du Bureau international du travail.

Et si d’aventure, les syndicats et le patronat avaient idée de s’entendre sur une mesure favorable financièrement aux chômeurs, le gouvernement prévient : « la nouvelle convention d’assurance chômage ne devra pas dégrader la situation financière du régime, par rapport à celle qui aurait prévalu en pérennisant les règles en vigueur au 1er juillet 2023 ». Ainsi, pour une mesure d’amélioration, le gouvernement réclame une mesure faisant des économies.

 

Rendez-vous en septembre

 

Avec un tel cadrage étatique, il semble improbable qu’un accord intervienne entre syndicats et organisations patronales. Certes, ces derniers, cogestionnaire de l’Unedic, se sont montrés sceptiques sur l’utilisation de plusieurs milliards d’euros de l’organisme public au bénéfice de France travail et de France Compétences. Mais ceux-ci pourraient être tiraillés entre le souhait de réduire la dette rapidement, dans une période de remontée des taux d’intérêt, et l’avantage que leur procure le financement de l’apprentissage.

Un point d’accord pourrait donc exister entre patronat et syndicat sur le refus du détournement des fonds de l’Unedic, mais seulement sur cette question. En effet, les trois organisations patronales (Medef, CPME et U2P) soutiennent totalement les précédentes réformes du gouvernement sur le chômage, là où les syndicats unanimes les dénoncent. D’ailleurs, les cinq organisations de salariés qui participeront aux réunions (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC) comptent se voir la semaine prochaine pour élaborer des positions et stratégies communes en vue des négociations, dont la date d’ouverture est encore en discussion. Les cartes de chacun seront donc dévoilées dans le courant du mois de septembre.