Chômage

Chômage : combien allez-vous perdre après le 1er octobre ?

Le gouvernement vient de publier au Journal officiel, la veille de son entrée en vigueur, le nouveau décret réformant l’assurance chômage. À compter de vendredi, le mode de calcul du salaire journalier de référence qui sert à déterminer le montant des allocations change. Selon l’Unédic, 1,15 million de demandeurs d’emploi devraient subir une baisse de leurs indemnités mensuelles au cours de la première année de mise en œuvre. Explications.

 

Tout n’est pas encore joué, mais le gouvernement n’a jamais été aussi près de finaliser sa réforme de l’assurance chômage, entamée trois ans plus tôt. Maintenant que le décret est enfin publié, plusieurs organisations syndicales vont intenter un recours devant le Conseil d’État. Rien n’est donc totalement perdu pour les demandeurs d’emploi. Cependant, il n’est pas certain que la haute juridiction administrative suspende le texte comme elle l’avait fait au mois de juin, alors que celui-ci aura connu un début d’application. En effet, avec cette manœuvre gouvernementale consistant à publier le décret d’application le plus tard possible, l’audience du Conseil d’État ne pourra avoir lieu qu’après le 1er octobre.

Par conséquent, le décret du 29 septembre va s’appliquer à compter de vendredi. C’est à ce moment-là que le calcul du salaire journalier de référence (SJR), servant à déterminer le montant des allocations, sera modifié. Enfin, dans les mois à venir, lorsque la situation économique le permettra, selon des indicateurs choisis par le gouvernement, le nombre de mois travaillés nécessaires pour ouvrir et recharger des droits au chômage sera allongé à six mois.

 

Montant des allocations chômage : ce qui change

 

Avant d’illustrer les effets de la réforme sur le montant des allocations, une première précaution s’impose : seuls les demandeurs d’emploi dont la fin de contrat interviendra après le 1er octobre seront affectés par la réforme. Ainsi, si vous êtes en cours d’indemnisation, votre Aide au retour à l’emploi (ARE) ne sera pas modifiée. En tout cas, tant que vous ne retravaillez pas et ne vous réinscrivez pas au chômage.

Jusqu’à présent, pour calculer votre allocation, Pôle emploi additionnait l’ensemble de vos salaires bruts au cours des 12 derniers mois. Il les divisait ensuite par le nombre de jours où vous aviez travaillé pendant cette période. Puis multipliait le chiffre obtenu par 1,4. Il obtenait ainsi le salaire journalier de référence (SJR). Enfin, pour fixer le montant de votre allocation journalière, Pôle emploi retenait le calcul le plus avantageux entre deux opérations. Soit 40,4 % de votre SJR + 12,12 euros, soit 57 % de votre SJR.

Mais avec la réforme, la période de référence passe de 12 à 24 mois. Par conséquent, au moment où votre dernier contrat de travail ouvrant droit à indemnisation prend fin, Pôle emploi rembobinera votre parcours sur deux années pour noter le premier contrat de travail et fixer ainsi le début de votre période de référence. En clair, si vous finissez un CDD de six mois le 1er novembre 2021, il est possible de comptabiliser l’ensemble de vos contrats depuis le novembre 2019. Si vous avez travaillé un mois en décembre 2019, votre période de référence s’étale sur deux ans.

Et ce changement est associé à un grand bouleversement : les jours non travaillés de votre période de référence seront comptabilisés pour calculer votre SJR. De cette façon, la totalité de vos salaires sera divisée par un nombre de jours plus important, ce qui fera automatiquement baisser votre SJR. Ensuite, comme avant, les mêmes taux de 40,4 % + 12,12 euros ou 57 % sont appliqués pour le calcul de votre allocation qui, elle aussi, baissera automatiquement. Initialement, le gouvernement avait prévu de compter l’ensemble des jours d’inactivité. Mais après une première censure du Conseil d’État, il a instauré un plancher. Les jours d’inactivités ne pourront pas dépasser 43 % de l’ensemble des jours retenus dans le calcul avec vos jours travaillés.

 

Cela vous paraît compliqué. Prenons des exemples.

 

Nous vous épargnerons le détail des calculs extrêmement complexes après l’entrée en vigueur de la réforme dans sa dernière mouture. Pour rendre cela concret, nous nous appuierons sur quatre cas types réalisés par l’Unédic fin avril 2021. Ceux-ci restent valables dans la mesure où le décret du 29 septembre est un copié-collé de celui du 30 mars dernier. Pour autant, ceux-ci peuvent être perturbés par le fait que les périodes de confinements ne compterons comme des périodes d’inactivité.

 

Cas 1 : emploi continu

Au sortir de ses études, Manon enchaîne deux CDD de trois mois sans interruption. Elle n’a pas de période d’inactivité. Elle est payée 1550 euros brut par mois pour les deux contrats. Elle s’inscrit à Pôle emploi qui lui ouvre des droits puisqu’elle cumule six mois travaillés.

=> Après le 1er octobre, son allocation chômage sera de 965,96 €. Elle aurait eu le même montant sans la réforme.

 

Cas 2 : emploi discontinu, période d’inactivité de trois mois

Alexandre qui a fini ses études en même temps que Manon a travaillé deux fois trois mois en CDD pour un salaire mensuel brut de 1550 euros. Mais entre ses deux contrats, il a connu une période d’inactivité de trois mois. À la fin de son second contrat, ayant cumulé six mois travaillés, il s’inscrit à Pôle emploi.

=> Après le 1er octobre, son allocation chômage sera de 792,05 €. Elle aurait été de 965,96 € avant la réforme. Soit une différence de 173,91 € pour le même nombre de jours travaillés et le même salaire que Manon.

 

Cas 3 : emploi discontinu, période d’inactivité de six mois

Nora justifie aussi de deux CDD de trois mois payés 1550 euros brut mensuels sur sa période de référence. Mais sa période d’inactivité entre ses deux contrats est de six mois. Elle aussi a cumulé six mois travaillés lui permettant d’ouvrir des droits à Pôle emploi.

=> Après le 1er octobre, son allocation chômage sera de 677,66 €. Elle aurait été de 965,96 € avant la réforme. Soit une différence de 288,30 € pour le même nombre de jours travaillés et le même salaire.

 

Cas 4 : emploi discontinu, période d’inactivité de dix mois

Jules a trouvé un travail bien rémunéré : 2800 euros brut mensuels. Il a effectué un premier CDD de cinq mois. Trop court pour ouvrir des droits. Par la suite, il a été en inactivité pendant dix mois, avant de trouver un nouveau CDD de 5 mois avec la même rémunération. A la fin de ce second contrat, avec 10 mois travaillés cumulés, il s’inscrit à Pôle emploi.

=> Après le 1er octobre, son allocation chômage sera de 980,53 €. Elle aurait été de 1521,79 € avant la réforme. Soit une différence de 541,26 €.

 

Ce qu’il faut en retenir

 

Ces quatre cas ne sont qu’une petite partie des situations particulières que peuvent rencontrer les demandeurs d’emploi. Ils ne permettront pas d’illustrer à la perfection votre situation personnelle. Par contre, ils éclairent parfaitement les leviers sur lesquels joue la réforme entrant en vigueur au 1er octobre 2021. Plus un demandeur d’emploi connaît des périodes d’inactivité pendant sa période de référence pouvant aller jusqu’à deux ans, plus ses allocations sont amputés. Plus ces périodes sont longues, plus la baisse est importante.

Certes, la ministre du Travail argumente que la durée d’indemnisation est allongée avec la réforme et qu’il n’y a pas de manque à gagner. Mais outre qu’une grande partie des chômeurs retrouvent une activité avant la fin de leurs droits, la question reste : comment payer ses factures chaque mois avec des allocations si faibles ? D’autant qu’en plus des diminutions déjà évoquées, le diable se cache dans les détails. Selon Mathieu Grégoire qui a produit ses propres calculs, la réforme aurait des effets induits renforçant les inégalités entre chômeurs ayant travaillé le même nombre de jours pour un même salaire. Selon le moment dans le mois où le contrat de travail débute ou finit, l’indemnité pourrait être extrêmement rabotée.

En tout cas, les plus précaires, qui alternent périodes travaillées et inactivité, seront les plus concernés par le changement des règles de l’assurance chômage. L’Unédic considère que 1,15 million de demandeurs d’emploi verront leur Aide au Retour à l’Emploi diminuée en moyenne de 17 %. Soit quatre chômeurs indemnisés sur dix. À moins que le Conseil d’État se rebiffe face à la manœuvre du gouvernement et suspende encore la réforme dans le courant du mois d’octobre.