Bergams

Contre la fermeture de Bergams, veiller jour et nuit sur l’usine


 

Vendredi 12 novembre, le tribunal de commerce d’Évry se penchera sur le dossier de liquidation judiciaire déposé par Bergams pour son usine de Grigny, en Essonne. Sur place, les salariées (majoritairement des femmes) en grève depuis bientôt deux mois veillent 24 heures sur 24 à ce que la direction ne vide pas leur « maison »

 

L’audience qui scellera le destin de l’usine Bergams de Grigny (Essonne) se tiendra vendredi 12 novembre, à 11 heures. Une semaine auparavant, la direction avait déposé un dossier pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire du site, au bout de deux mois de grève d’une majorité de ses salariées. Ces dernières se rassembleront, aux côtés des organisations syndicales, devant le tribunal de commerce d’Évry, dès 10 heures.

Tout est désormais entre les mains du juge. Pour cette usine francilienne du géant de l’agroalimentaire, employant 280 personnes, « il pourra s’agir d’un redressement, d’une décision d’observation, d’une liquidation immédiate… On ne sait pas du tout », résume Nicolas d’Andrea, délégué syndical FO de l’entreprise.

Face à cette incertitude, le piquet de grève tient toujours. Avec une idée fixe : assurer une présence jour et nuit. Il s’agit de « surveiller 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, que la direction ne retire pas les machines ou les vende », affirme Nicolas d’Andrea. Une façon d’anticiper la suite : « s’il n’y a plus de machines sur le site, nous n’aurons aucun repreneur derrière ». 

« Les machines, l’estimation de leur prix, l’état des locaux, vont être pris en compte pour la liquidation. S’ils déménagent les machines, les locaux seront vides, il n’y aura plus rien… », s’inquiète aussi Véronique. Employée par Bergams depuis vingt ans, cette gréviste de la première heure craint des coups bas. « S’il n’y a plus de matériel, ou que quelque chose est cassé, il ne faudra pas qu’ils puissent dire que c’est la faute des grévistes… » Alors elle continue de venir, tous les jours. « Bon, je ne fais plus les sept heures comme avant. Mais j’y vais au moins cinq heures », glisse-t-elle.

 

Bergams, « c’est notre maison »

 

Les grévistes s’organisent par roulements. « Il y a toujours au moins 3 ou 4 personnes présentes durant la nuit », raconte Véronique. Elle assure que c’est ainsi depuis le début du mouvement de grève. Et précise : « les femmes ne font généralement pas la nuit, parce que ça pourrait être dangereux ». Elles sont majoritaires, parmi les effectifs de l’entreprise Bergams.

On compte aussi « des personnes âgées, et ça fait mal au coeur. Faire deux mois dans la rue, dans le froid, comme ça, c’est difficile » souligne Fatima Bakhakh, déléguée syndicale SUD de l’entreprise. Mais hors de question d’abandonner le poste de garde. Pas seulement pour veiller sur le matériel. « Pour nous, aussi », insiste-t-elle. Parce qu’ici, « c’est notre maison. Certains y travaillent depuis 30 ans. On ne va pas tout laisser ! »

Vendredi dernier, la direction aurait, selon nos interlocuteurs, donné des consignes par téléphone aux salariés non-grévistes. « Elle leur a dit de ne plus venir travailler jusqu’à nouvel ordre», assure Nicolas d’Andrea. Elle leur aurait aussi « demandé de vider leurs casiers », complète Véronique. Hier, l’usine était complètement vide de ses derniers salariés, selon les témoignages recueillis.

 

Rester attentifs à l’issue de l’audience

 

Interrogée sur ce coup de téléphone, ainsi que plus généralement sur l’audience de vendredi, la direction n’a, pour le moment, pas répondu à nos questions. Dans un échange précédent, elle argumentait que « depuis le 20 septembre, du fait de la grève et du blocage, d’importants clients historiques de la société ont été contraints de cesser leurs relations commerciales avec Bergams ». Et affirmait que sa « priorité » était de « se placer sous la protection du Tribunal de commerce ».

Les grévistes, eux, veilleront à ce qu’il ressortira de l’audience. « On attend de voir ce que ça va donner », se méfie Fatima Bakhakh. « Parce que même s’ils trouvent un repreneur, on veut revenir aux 35 heures, à nos conditions de travail d’avant » – celles antérieures à l’accord de performance collective qui fut le déclencheur de la grève.