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Droits au chômage : Gabriel Attal dévoile une réforme extrêmement violente


Avec cette réforme, combien seront-ils de salariés à se retrouver sans droits au chômage à l’issue d’un CDD de 6 mois ? Combien seront-ils à basculer vers le RSA, en à peine plus d’un an, suite à un licenciement venant conclure une vie de travail ? Assurément, des centaines de milliers. Durant le week-end, Gabriel Attal a annoncé les mesures qui s’appliqueront au 1er décembre aux personnes privées d’emploi. Avec Bastamag, nous revenons sur une des réformes de l’assurance chômage les plus dures, depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

 

« Ce n’est pas une réforme d’économie, mais de prospérité et d’activité », assure Gabriel Attal dans son interview accordée à La Tribune du dimanche (parue dans la soirée du 25 mai), à laquelle il a réservé ses annonces sur la réforme de l’assurance chômage. Pourtant, c’est bien des économies que le gouvernement a réalisées le 28 décembre dernier, en publiant au Journal officiel un arrêté ponctionnant 12 milliards d’euros à l’Unédic (chargée de la gestion de l’assurance chômage, en coopération avec France Travail), pour la période 2023-2026. Des milliards soustraits à la couverture du risque de perte d’emploi, majoritairement réaffectés à l’aide aux entreprises pour développer l’apprentissage. Aujourd’hui, le gouvernement réduit encore les droits au chômage. Le ministère du Travail a affirmé en attendre 3,6 milliards d’économies par année pleine. Soit trois fois plus que lors de la grande réforme du chômage de 2019.

Pour ce qui est de la « prospérité », elle ne concernera pas les demandeurs d’emploi. Pour elles et eux, et en premier lieu les 2,6 millions de personnes indemnisées (moins de la moitié des demandeurs d’emploi le sont), ce sera une nouvelle punition à compter du 1er décembre 2024, le temps que France Travail mette à jour ses logiciels. Les demandeurs d’emploi de demain auront moins de possibilités d’ouvrir des droits à l’assurance chômage, avec une durée d’indemnisation encore réduite et des protections supprimées pour les chômeurs les plus âgés.

Quant à la réforme « d’activité », elle sera bien modeste, de l’aveu même du gouvernement, puisque celui-ci espère 90 000 personnes supplémentaires en emploi avec cette réforme, sur plus de 6 millions d’inscrits à France Travail, soit… 1,5 % des demandeurs d’emploi actuels.

 

Privation de droits au chômage

 

Qu’en sera-t-il une fois cette énième réforme mise en œuvre ? À la fin d’un CDD ou d’une mission d’intérim de six mois : rien ! Aucun droit ouvert. Et évidemment, pas d’allocation. À compter du 1er décembre, il faudra avoir travaillé huit mois, au lieu de six aujourd’hui, pour bénéficier d’un revenu de remplacement pendant une durée similaire à sa période travaillée.

En quelques années, le nombre de mois travaillés pour bénéficier d’une allocation aura donc doublé – avant la réforme de 2019, il n’en fallait que quatre. Dans le même temps, la période de référence sur laquelle l’ensemble des temps d’emploi comptent aura été réduite. Avec la réforme annoncée dans la presse ce week-end, les huit mois travaillés seront comptés sur une période de 20 mois, contre 24 mois auparavant et 28 mois avant 2019. Avec pour effet d’exclure certains demandeurs d’emploi de l’indemnisation.

« Le ministère nous a dit qu’il y aurait 185 000 personnes par an en dessous du seuil », assure Denis Gravouil, le négociateur CGT pour l’assurance chômage, qui accompagnait Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le 23 mai, au ministère du Travail. Près de 200 000 personnes ayant travaillé moins de huit mois verront ainsi leur indemnisation soit supprimée, soit retardée le temps qu’elles retrouvent un emploi pour atteindre le nouveau seuil de huit mois. Un document de l’Unédic du 17 mai 2024 avait évalué les effets d’une augmentation du nombre de mois travaillés, avec plusieurs scénarios compris entre sept mois et douze mois. Ses résultats sont sans appel. Pour un passage à sept mois (l’Unédic n’a pas évalué l’hypothèse à huit mois), 11 % des allocataires verraient l’ouverture de leurs droits retardés. Presque une personne sur deux concernée par ce retard aurait des droits au chômage décalés d’au moins un an, pour cause de période d’emploi trop fractionnée. Le choix du gouvernement s’étant finalement fixé à huit mois, le pourcentage d’allocataires concernés sera donc supérieur.

« Cette mesure est particulièrement dure pour les jeunes de moins de 25 ans, surreprésentés parmi les précaires », expliquait la CGT, après son entrevue avec Catherine Vautrin, dans un communiqué de presse. Après six mois de travail, ceux-ci ne pourraient prétendre qu’au contrat d’engagement jeune pour avoir des ressources, explique Denis Gravouil. Soit une allocation de 528 euros par mois si la ou le jeune salarié est rattaché à un foyer fiscal non imposable (316 euros sinon).

Intérimaires et CDD sont particulièrement ciblés. « La moitié de ceux qui sont inscrits à Pôle emploi le sont après des CDD », rappelle le négociateur CGT pour l’assurance chômage. Déjà en 2019, le passage de quatre mois travaillés à six mois pour ouvrir des droits avait eu pour effet d’exclure de nombreux demandeurs d’emploi de l’indemnisation. Selon le « suivi et effets de la réglementation d’assurance chômage », publié en février 2024 par l’Unédic, on compte 30 000 ouvertures de droits de moins chaque mois suite à la réforme de 2019. Ce sont principalement celles et ceux – jeunes ou peu diplômés – « ayant généralement des parcours d’emploi discontinus, près de 9 intérimaires sur 10 sont impactés par la réforme », explique l’Unédic. Pendant que deux tiers des « personnes entrées après une fin de CDD » sont également concernées.

Pour se représenter l’impact de cette mesure allongeant la période travaillée, le gouvernement attend qu’elle rapporte 2,8 milliards par année pleine, sur les 3,6 milliards d’économies attendus par la réforme. Les autres économies seront réalisées sur la baisse de la durée d’indemnisation et sur la suppression d’aménagements dont bénéficiaient les seniors.

 

Baisse de la durée d’indemnisation

 

Non content de rendre l’assurance chômage inaccessible à près de 200 000 salariés arrivant en fin de contrat, le gouvernement va également réduire la durée d’indemnisation pour tous les autres. Celle-ci était déjà passée de 24 mois à 18 mois en février 2023. Mais en inscrivant une période de référence de 20 mois pour l’ouverture de droit, il réduit la durée d’indemnisation mécaniquement. La réforme de 2023, dite de la contracyclicité, prévoit que si le taux de chômage est inférieur à 9 %, la durée maximale d’indemnisation diminue de 25 %. Aujourd’hui, elle est de 18 mois maximum, parce que la durée de référence est de 24 mois (donc 24 mois moins 25 %, soit six mois de moins, puisque le taux de chômage est de 7,5%). Après le 1er décembre, la durée maximale d’indemnisation passera à 20 mois, à laquelle il faut soustraire 25 % si le taux de chômage ne remonte pas. La nouvelle durée d’indemnisation sera donc de quinze mois.

Ainsi, en deux ans, la couverture du risque lié à la perte d’emploi est passée de 24 mois maximum à quinze mois maximum. Et elle pourrait même baisser encore si le taux de chômage descendait en dessous de 6,5 %, un nouveau palier que l’exécutif a annoncé ce week-end. Dans ce cas, elle dégringolerait à douze mois, ce qui représenterait la moitié de la durée d’indemnisation d’avant 2023.

Il est encore tôt pour mesurer pleinement les effets de la réforme de 2023, puisqu’un an après son entrée en vigueur, l’Unédic expliquait qu’elle ne concernait pour l’heure que 12 % de l’ensemble des allocataires. Cependant, dans son document d’évaluation du 17 mai dernier, l’association gestionnaire estime que le passage à douze mois maximum d’allocations dégraderait la situation d’un million d’allocataires.

 

Une boucherie pour les seniors

 

Gabriel Attal a annoncé que le décret qui sera publié le 1er juillet modifiera profondément les droits au chômage des salariés privés d’emploi les plus âgés. Parce qu’il est plus difficile de trouver un travail après 50 ans, les plus de 53 ans bénéficiaient avant 2023 de 30 mois d’indemnisation et les plus de 55 ans de 36 mois. Après un premier coup de rabot l’an dernier, le gouvernement leur impose une double peine.

En plus de devoir travailler deux ans de plus pour partir à la retraite, ceux-ci devront attendre l’âge de 57 ans pour obtenir une durée d’indemnisation plus longue que les quinze mois que le gouvernement réserve maintenant aux chômeurs. La borne d’âge de 53 ans est purement et simplement supprimée et celle de 55 ans est décalée de deux ans, à 57 ans. Ainsi, un salarié licencié à l’âge de 55 ans aura perdu 58 % de sa durée d’indemnisation par rapport à 2022, puisque celle-ci sera passée de 36 mois à quinze mois. Et même à l’âge de 57 ans, il ne bénéficiera de son allocation que pendant 22 mois et demi contre 27 mois après la réforme de 2023.

À côté de cette saignée, le gouvernement créé un « bonus emploi senior » qui consiste à compléter le revenu d’un senior qui aurait pris un emploi à un salaire inférieur à celui qu’il avait pour ouvrir des droits. Mais seulement pendant un an. Une mesure considérée comme une déqualification et rejetée par l’ensemble des syndicats de salariés. Un cadeau pour le patronat, explique le syndicat des cadres CFE-CGC : « Je suis une entreprise, je balance tout le monde à 55 ans, et après deux ans de chômage je les récupère à moitié prix », s’insurgeait son président, François Hommeril, dans les colonnes de Libération en fin de semaine dernière.