Ce 5 novembre, Michelin a annoncé la fermeture de ses sites de production de Vannes et de Cholet, 1254 emplois sont menacés. Côté syndical, on peine à croire qu’un maintien de l’emploi reste envisageable. Néanmoins, on entend maintenir la pression pour que le PSE négocié ne soit pas au rabais.
Nous sommes en avril 2024 et le président du groupe Michelin, Florent Menegaux, s’assure un joli coup de communication. Pour lui, le SMIC “n’est pas suffisant”, déclare-t-il au Parisien. Dans sa boîte, modèle de “capitalisme social”, on paye les salariés à “un salaire décent”, soit entre “1,5 fois et 3 fois le salaire minimum“. Le président ne s’oublie pas dans l’équation, et se verse d’ailleurs la très décente somme d’1,1 million d’euros. A quoi s’ajoute “une prime variable à 150 % maximum (soit 1 650 000 euros)”.
A peine sept mois plus tard, Michelin annonce la fermeture de ses usines de Vannes et de Cholet. L’arrêt de l’activité sera échelonné entre juillet 2025 et juillet 2026. En cause, selon le groupe, la surcapacité de ces sites et leur perte de compétitivité. Les productions qu’ils assurent actuellement seront délocalisées en Italie et en Pologne. En 2024, Michelin (132 000 salariés dans le monde) a pourtant versé plus de 1,4 milliard en dividendes et rachats d’action et bénéficié des crédits d’impôts compétitivité mis en place par l’Etat, souligne l’économiste Maxime Combes. Par cette décision, Michelin rejoint Exxon, Valéo, Auchan… dans la longue liste des boîtes qui, depuis 1 ans, suppriment massivement des emplois.
Une annonce “extrêmement brutale”
“Ce 5 novembre, les salariés de Cholet ont été maltraités. Alors que la fermeture du site avait déjà fuité dans la presse (via le secrétaire général du parti communiste, Fabien Roussel, ndlr), nous avons été réunis dans une salle pour une annonce. En une vingtaine de minutes à peine, on nous a distribué un papier et dit que le site allait fermer. C’était extrêmement brutal et choquant pour les salariés“, raconte Nicolas Robert, délégué syndical central Sud Michelin, basé sur le site de Chollet.
Aux 964 emplois de Cholet, site de production de pneus et de gomme, s’ajoutent les près de 300 du sites de Vannes, qui s’attèle à la fabrication de renforts métalliques. Au total, la décision de Michelin aboutit à la suppression de 1 254 emplois, en grande partie des ouvriers. “On considère qu’en fermant ces deux sites, Michelin perd 15% de ses effectifs ouvriers en France“, précise le syndicaliste. Dans l’Hexagone, la manufacture française des pneumatiques Michelin (MFPM) compte environ 16 000 salariés, dont 6000 ouvriers.
La mobilisation démarre
Dans les jours qui ont suivi l’annonce, les salariés du site de Cholet et de Vannes ont exprimé leur colère et leur dégoût. A Vannes, environ 200 personnes ont manifesté, ce 8 novembre, à proximité de la zone industrielle du Prat. La mobilisation s’est doublée d’une manifestation à Clermont-Ferrand, siège du groupe, le même jour.
A Cholet, certains salariés sont entrés en grève, montant un piquet devant leur entreprise. S’ils “ont repris le chemin de l’usine” ce 12 novembre, selon Nicolas Robert, le piquet tient toujours et ceux qui travaillent en 2×8 s’y relaient pour empêcher les camions d’accéder à l’usine. Ce 13 novembre, la CGT Michelin appelle seule à une nouvelle manifestation à Clermont-Ferrand, alors qu’un Comité social et économique central (CSEC) doit préciser le plan de fermeture des deux usines. Des cars de salariés venus d’autres sites sont prévus.
La CGT n’est cependant que la quatrième organisation syndicale en termes de représentativité au niveau du groupe, dominé, dans l’ordre, par la CFE-CGC, la CFDT et SUD. “Cette mobilisation arrive, selon nous, trop tôt. Nous préférons nous mobiliser en intersyndicale une fois que les détails concernant les fermetures seront donnés“, assure Issam Zioini, secrétaire de section Sud Michelin à Clermont-Ferrand. Son syndicat, premier dans le collège ouvrier, ne croit toutefois pas possible d’empêcher les fermetures. “Jamais la direction n’est revenue sur une fermeture d’usine. On ne peut pas commencer à mentir aux salariés. Néanmoins, si Michelin se veut toujours un “patron social”, il va falloir qu’il montre sa bonne foi et paie des indemnités… je ne vais pas dire “décentes” car le terme de “salaire décent” ne me plait pas, mais plutôt des indemnités indécentes !“, affirme Nicolas Robert de Sud Michelin. Pour l’heure, L’indemnité supplémentaire proposée par le groupe est de 35 000 euros brut, plus 500 euros bruts par année d’ancienneté. Soit moins que ce qu’ont obtenus les salariés de l’usine fermée de la Roche-sur-Yon, en 2019
La mobilisation des agents de production pourrait toutefois être entravée par divers dispositifs, qui valorisent leur productivité sous forme de primes, rendant les grèves d’autant plus coûteuses. D’une part la “rémunération variable des agents” : une prime mensuelle de 200€ délivrée lorsqu’un certain niveau de production est atteint – et validée par le manager. De l’autre la “prime d’engagement” de 400€ qui, à Cholet, n’est versée que si les deux ateliers atteignent leurs objectifs de production. “Cette prime a été annoncée la semaine dernière par les managers“, pointe le délégué syndical. Malgré tout, le syndicat entend bien mener la bataille. “Il va falloir user de l’émoi politique et médiatique que suscitent ces fermetures“, conclut Nicolas Robert.
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