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Gardes à vue terminées pour des militants Solidaires opposés à la loi Darmanin


 

Deux militants syndiqués à Solidaires ont subi des gardes à vue ce week-end avant d’être relâchés ce lundi. Le premier, Olivier, avait été interpellé lors de la manifestation de samedi contre la loi Darmanin. Le second, Benoît, avait simplement participé à un rassemblement organisé le lendemain en soutien à Olivier. Solidaires appelle à « être très vigilants » sur ces actes ciblés. 

 

Une centaine de personnes s’agglomère à la sortie du métro Olympiades, dans le 13ème arrondissement de Paris, ce lundi 20 février dans l’après-midi. Ce rassemblement vise à soutenir deux militants du syndicat Solidaires, interpellés au cours du week-end.

D’abord, il y a eu Olivier. L’homme a été interpellé samedi 18 février lors de la première grande manifestation contre le nouveau projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », dite loi Darmanin. Motifs retenus : « entrave à la circulation » et « outrage et rébellion ». Placé en garde à vue, il a été déféré ce lundi au parquet, devant un juge du tribunal de grande instance de Clichy. Il n’y a pas eu de comparution immédiate, mais une audience est prévue en juin.

Suite à cette arrestation, l’UCIJ (Uni.es contre l’immigration jetable), un collectif d’associations et de syndicats né en 2007, a organisé un premier rassemblement de soutien, dimanche. Celui-ci a été nassé par les forces de l’ordre. Benoît C., un militant présent, avait donné son contact au commissariat en tant que référent, au cas où une communication devait être établie au sujet du rassemblement. Il a été « invité à venir discuter dans le commissariat », retrace Cybèle David, porte-parole de Solidaires, au micro, devant la foule rassemblée.

Sauf qu’il n’en est jamais ressorti. Une garde à vue a été prononcée, à 15h, dimanche. « C’est absolument scandaleux, la manière dont les choses se sont passées », s’indigne la militante. Benoît C. a passé la nuit au commissariat.

 

Après la doctrine Lallement, la « répression ciblée » ?

 

« On est à la fois abasourdis et très en colère », témoigne Murielle Guilbert, co-déléguée de l’union syndicale Solidaires. Des rassemblements devant des commissariats, « on fait ça depuis je ne sais combien d’années. Je n’ai pas mémoire de gardes à vue comme ça, avec une recherche des responsabilités quant à l’organisation du rassemblement de soutien… », déplore-t-elle.

Depuis plusieurs mois, un discours s’installe : l’idée que la doctrine du maintien de l’ordre en manifestation se serait adoucie depuis le départ du préfet de police de Paris Didier Lallement. Mais ces interpellations invitent à penser autrement. « Il va falloir être très vigilants », prévient Murielle Guilbert. « On avait la bonne surprise d’avoir des manifestations contre la réforme des retraites avec moins de répression, de gazages, de coupures des cortèges par les CRS, par rapport au préfet Lallement. Mais si c’est pour avoir une répression ciblée vis-à-vis des militantes et militants plus grande… On ne pourra pas dire qu’il y a de réelles avancées », avertit la responsable.

« Ne croyons pas que les logiques de répression aient disparu », alerte également la députée Danielle Simonnet (LFI), présente au rassemblement aux côtés de Sandrine Rousseau (EELV). Ces deux dernières semaines, les exemples se sont multipliés. Les Rosies, connues pour leurs chants et chorégraphies en manifestation, ont subi une garde à vue, le 7 février, après une action devant l’Assemblée nationale contre la réforme des retraites. Des lycées et étudiants opposés à la réforme ont aussi été placés « gardes à vue toute la nuit, y compris des mineurs de 16 ans. Avant d’être libérés sans poursuite », souligne la députée.

 

 

Samedi, la marche contre la loi Darmanin avait pour sa part fait l’objet d’une interdiction partielle, par arrêté préfectoral, la veille. Une partie du parcours, autour du CRA de Vincennes, avait ainsi été interdite. Le jour-même, le dispositif policier « n’a même pas respecté ce qui avait été « accepté » par la préfecture, imposant, sur plusieurs tronçons, de manifester sur une moitié de la chaussée » retrace le collectif Marche des Solidarités sur ses réseaux. Cette restriction « a causé quelques problèmes avec la circulation. Donc, des camarades ont tenté de faire avancer sans qu’il y ait de souci. C’est dans ce contexte là qu’Olivier a été interpellé », précise Cybèle David, de Solidaires.

 

« Le ministre de l’Intérieur en fait son dossier »

 

À 14h50, dix minutes avant la fin des 24 heures de garde à vue pour Benoît, le cortège se dirige vers le commissariat. Les soutiens, recevant l’ordre de rester sur le trottoir, entament une série de chants. « Darmanin en prison, Benoît à la maison ! » scandent-ils, sous la surveillance d’une vingtaine de policiers postée à l’entrée du commissariat.

Des pistaches et des paquets de M&M’s ont été achetés pour Benoît. À chaque fois que la porte du commissariat s’ouvre, les manifestants tendent le cou. Mais l’attente se prolonge. Ce n’est que vers 15h30 que leur camarade sort enfin, sous les applaudissements nourris. Les traits tirés, sous un bonnet bleu, il remercie la foule et invite, d’un geste de la main, à quitter le plus vite possible ce lieu où il a passé la nuit.

« La loi Darmanin, c’est un sujet sensible pour le pouvoir. Le ministre de l’Intérieur en fait son dossier », soutient Murielle Guilbert. « Ce n’est pas anodin que ces arrestations arrivent à l’occasion des manifestations contre le projet de loi Darmanin », estime également Vincent, membre d’Attac et de l’UCIJ. « C’est un projet de loi liberticide, qui va menacer de répression, d’exclusion, d’expulsion, toute une partie de la population du pays ».

Rendez-vous est donné le 4 mars, prochaine journée de mobilisation contre le projet de loi Darmanin. L’UCIJ organise plusieurs manifestations et des rencontres-débats dans plusieurs villes de France. D’ici là, Solidaires compte bien répliquer aux interpellations d’Olivier et Benoît. « On donnera des suites. On va y réfléchir collectivement. Ces atteintes à la liberté, y compris à la liberté de soutenir des camarades, doivent être dénoncées fermement », conclut Murielle Guilbert.