À Lyon, les agents municipaux ont prévu une grande journée de grève ce jeudi 2 septembre pour lutter contre l’augmentation de leur temps de travail. Mais la majorité écologiste au pouvoir a décidé de modifier les modalités de leur droit de grève… une semaine à peine avant le début du mouvement.
A Lyon, à la différence d’autres collectivités, le Conseil Municipal n’a pas encore délibéré concernant l’application de la loi de transformation de la fonction publique votée en 2019. Or le temps presse puisqu’elle doit être mise en œuvre au plus tard au 1er janvier 2022.
Mesure phare du programme d’Emmanuel Macron, celle-ci vise à diminuer le nombre de fonctionnaires territoriaux en augmentant leur temps de travail. A Lyon, 3 jours de congés payés sont ainsi menacés. Dans de nombreuses autres collectivités où la loi a été appliquée, les syndicats ont souvent appelé à plusieurs journées de grève, notamment à Paris.
Dans la capitale des Gaules, les syndicats réunis dans une intersyndicale large (CGT, SUD, UNSA, CFDT, CFTC, FO) ont annoncé dès le mois de juillet qu’ils déposeraient un préavis de grève du 30 août au 3 septembre avec un temps fort le 2 septembre, jour de la rentrée scolaire, afin de s’opposer à la réforme.
La grève des agents de Lyon cassée par anticipation
C’était compter sans un coup bas de l’administration et de la majorité municipale : le 23 août, à peine une semaine avant le début du préavis de grève, les agents de la ville de Lyon reçoivent une note de service signée par leur direction générale des services. Elle leur signale plusieurs modifications de leur droit de grève.
Alors que la retenue du salaire était proportionnelle au nombre d’heures manquées dans la journée (entre 1h et 24h), les agents perdront désormais automatiquement un jour complet de salaire quel que soit le temps de grève effectué dans cette journée. C’est la mesure qui affecte le plus la mobilisation à venir. « La possibilité de faire grève une heure permet aux salariés qui ont de petits salaires de revendiquer leurs droit. On a l’impression que c’est se mettre en grève à moindre frais mais ce sont des gens qui ont des petits salaires pour qui même une heure c’est déjà un sacrifice », explique Filomène Pitinzano secrétaire générale de l’UNSA territoriaux à la ville de Lyon.
A cela s’ajoute l’obligation de prévenir de leur mouvement de grève 48 heures à l’avance et de signaler 24h à l’avance en cas de renoncement à la grève. Cerise sur le gâteau : la note de service stipule que ces modifications prennent effet au 31 août, soit au beau milieu de la semaine de grève. Les salariés se voient ainsi obligés de prévenir de leur journée de grève du 2 septembre dès le 31 août à la prise de leur service (parfois à 6h30) sous peine d’être hors la loi.
Confusion chez les agents de Lyon en grève
Pour les syndicats, c’est la douche froide : la grande journée de grève du 2 septembre est particulièrement mise à mal par la note de service. « Imaginez vous que votre droit de grève change quasiment la veille d’une grosse journée de mobilisation. Les salariés sont perdus ! Ils ne savent plus s’ils doivent faire une heure de grève ou un jour, ni quand la déclarer. Dans toute cette confusion, mobiliser est bien plus difficile », témoigne Sébastien Douillet, secrétaire général de la CGT ville de Lyon, le syndicat majoritaire.
« Le 2 septembre, c’est le jour de la rentrée. Dans les écoles, les agents auraient bien posé une heure ou deux de grève pour aller à la manifestation devant l’hôtel de ville mais ils ont aussi leur conscience professionnelle et ne veulent pas poser une journée entière ce jour-là. On est en train de les faire culpabiliser alors que la grève est un droit », explique Filomène Pitinzano de l’UNSA.
La situation est d’autant plus confuse que les syndicats ne reconnaissent pas la note de service du 23 août limitant leur droit de grève comme légale. Ils ont d’ailleurs initié une procédure en référé au tribunal administratif. « La loi de transformation de la fonction publique indique qu’une négociation avec les syndicats doit avoir lieu pour modifier le droit de grève. Si celle-ci n’aboutit pas, un délai d’un an doit s’appliquer avant que le Conseil Municipal ne puisse délibérer à ce sujet. Or on n’a jamais rien négocié avec personne et le conseil municipal n’a pas délibéré non plus », assure Vincent Gras secrétaire général de la CFDT à la mairie de Lyon.
Ecolos et Insoumis main dans la main contre la grève
Quel que soit le résultat du référé, la note de service aura considérablement perturbé l’organisation de la grève du 2 septembre. La limitation de celle-ci est d’ailleurs revendiquée par la majorité municipale. En obligeant les agents à faire grève à la journée Laurent Bosetti, membre de France Insoumise et adjoint à la « promotion des services publics » entend bien réduire les effets de la grève.
« Dans les cantines, une seule heure de grève posée à midi par quelques agents suffit à paralyser le service. Les parents sont obligés de venir chercher leurs enfants à l’école, ce qui coupe leur journée. Ils sont à bout, se sentent pris en otage et nous envoient des lettres de plaintes et des pétitions. Certains nous disent qu’ils vont envoyer leurs enfants dans le privé, d’autres qu’ils risquent le licenciement à force de manquer le boulot », assure Laurent Bosetti.
Il ajoute : « Comme ces grèves sont particulièrement visibles et impactantes à peu de frais, elles sont devenues le principal levier syndical que ce soit pour des mots d’ordre locaux mais aussi pour des mots d’ordres nationaux auxquels la municipalité ne peut pas répondre. Or la grève doit être un dernier recours ». « On n’avait jamais vu ça même sous Gérard Colomb », tonne Sébastien Douillet de la CGT.
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