Le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, approche. Dès ce weekend, et pendant toute la semaine prochaine, le mouvement féministe tentera de renouer avec la dynamique ascendante qui le portait avant l’épidémie en multipliant les manifestations partout en France. Entre convergence des luttes et tensions politiques, panorama des évènements à venir.
« En 2020, on n’a pas pu manifester. En 2021, on sera là. » Tel est le mantra du collectif Nous Toutes, souvent à la manœuvre dans l’organisation des manifestations contre les violences faites aux femmes qui auront lieu ce weekend et toute la semaine prochaine. En 2020, le confinement d’hiver n’a pas permis au mouvement féministe, pourtant en pleine dynamique ascendante, de rassembler autant que d’habitude, cette année les organisatrices espèrent donc que les manifestations seront aussi fournies qu’elles l’étaient en 2019. À l’époque, 50 000 personnes s’étaient réunies à Paris et 150 000 dans toute la France.
« Ce samedi, on attend beaucoup de monde à Paris, on sent un réel engouement », assure Marylie Breuil, membre de l’antenne parisienne du collectif Nous Toutes. « Exceptée l’année où on était confinées, les 3 années précédentes nous étions à chaque fois surprises par le nombre de manifestantes. On compte bien l’être encore cette année », assure Marion, militante au planning familial habituée des manifestations féministes lyonnaises.
Violences faites aux femmes : la réalité des chiffres
Tout comme le 8 mars, le 25 novembre est une échéance clef de la lutte féministe internationale. L’occasion de rappeler la réalité chiffrée des violences patriarcales pour peser sur les annonces et les mesures politiques qui interviennent généralement dans la période.
Avant tout les féminicides : 152 en 2019, 102 en 2020, déjà 101 cette année. Mais aussi les violences sexuelles, dont les collectifs féministes rappellent sans cesse le caractère sexistes. D’après les données du ministère de l’intérieur, analysées dans le bilan statistique sur l’insécurité et la délinquance de 2020, 54 800 victimes de violences sexuelles ont été enregistrées en 2020 par les services de police et de gendarmerie. Parmi elles, 24 800 personnes ont été enregistrées comme victimes de viols ou de tentatives de viols. 87 % sont des femmes et plus d’une violence sur quatre a lieu dans le cadre familial. Les femmes sont également 32% à déclarer avoir subi du harcèlement sexuel au travail (IFOP 2018).
Des chiffres encore loin de la réalité puisque l’enquête Cadre de Vie et Sécurité de l’INSEE, basée, elle, sur des questionnaires, estime que sur la période 2016-2018, les violences sexuelles ont fait en moyenne 294 000 victimes par an, soit près de six fois plus que ce qui est comptabilisé par le ministère de l’intérieur. Un cortège dédié à la question de cette « double peine » (être victime et ne pas être écoutée et par conséquent hésiter à déposer plainte) sera d’ailleurs présent au sein de la manifestation parisienne, indice de la grande diversité des luttes qui convergeront dans les manifestations de cette semaine.
Multiplicité des luttes
Partout en France, les cortèges à venir devraient démontrer la grande diversité du mouvement féministe et des questions qui l’agitent. À Paris, le collectif Nous Toutes a choisi de défiler le 20 novembre, journée mondiale du droit de l’enfant. « Les récentes révélations de #Metoo inceste [ ndlr : et du livre la Familia Grande de Camille Kouchner ] ont bien montré que l’inceste était aussi une violence patriarcale, qui a toute sa place dans nos manifestations », explique Marylie Breuil. Pour marquer le coup, un cortège jeune prendra la tête de la manifestation parisienne.
Outre ce cortège jeune et celui du collectif « double peine », évoqué plus haut, un cortège #Metoo politique sera également visible. En lien avec une tribune signée dans Le Monde par 285 femmes, dont des députées, il dénonce les violences sexuelles et sexistes au sein de la sphère politique ainsi que l’omerta qui règne dans ce milieu. La tribune rappelle ainsi que « trois candidats ou potentiellement candidats à l’Elysée sont déjà cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles ». De nombreux autres cortèges en mixité choisie seront également présents. A Lyon, les femmes ouïghours ainsi que les femmes sans papiers et les victimes de violences gynécologiques prendront la parole au sein de la manifestation en plus des organisatrices.
Manifester le jour du souvenir trans ?
Quelques dissensions entre différents collectifs participant à la manifestation sont toutefois venus obscurcir le ciel bleu de la convergence des luttes. Si la manifestation parisienne se tient le jour des droits de l’enfant, ce jour est également celui du TDoR (Transgender Day of Remembrance), « journée du souvenir trans ».
« Cette manifestation est l’occasion de mettre la pression sur le gouvernement qui fait généralement des annonces en matière de droit des femmes le 25 novembre. Il fallait donc obligatoirement que notre manifestation ait lieu avant. Manifester ce 20 novembre, c’était également l’occasion de lier la lutte des femmes et celle pour les droits des enfants. Pour ne pas invisibiliser la cause trans, on a avancé l’heure de la manifestation et on appelle à rejoindre le rassemblement pour le TDoR qui a lieu à 18h », explique Marylie Breuil.
Mais, au sein même des multiples collectifs Nous Toutes, ces explications n’ont pas convaincu tout le monde. À Toulouse, où le mouvement féministe, particulièrement vivace, a réussi à réunir 3000 personnes en manifestation l’an dernier malgré la pandémie, le collectif Nous Toutes 31 a fait un autre choix. « Nous manifestons le dimanche pour ne pas qu’il y ait de concurrence avec le TDoR », annonce Malika de Nous Toutes 31. Même choix à Montpellier où la manifestation aura lieu le dimanche. Dans ces deux villes des manifestations de nuit auront également lieu le 25 novembre.
À Lyon, où la manifestation contre les violences faites aux femmes est organisée par le collectif Droit des femmes, auquel appartient Nous Toutes, le choix a encore été différent. « Nous ne voulions pas faire d’ombre au TDoR mais nous ne voulions pas non plus manifester un soir en semaine », explique Marion, membre du collectif. La manifestation se tiendra donc le 27 novembre alors que le 25 novembre, un rassemblement aura lieu sur la place Bellecour, organisé par le collectif LIÉ.E.S en hommage aux femmes assassinées.
Lire aussi : Où aller manifester contre les violences faîtes aux femmes
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.