Les 970 départs volontaires chez Michelin, d’ici 2021, sont toujours à l’ordre du jour. Par contre, les contreparties ayant présidé à la signature d’un accord par trois syndicats du constructeur de pneumatique ont été suspendues par la direction du groupe début février.
« Michelin, c’est un exemple parfait de ces entreprises qui ont à la fois une très grande productivité » et qui « a toujours été attachée dans le même temps au dialogue social et à la formation ». À la fois et en même temps. Emmanuel Macron a placé les éléments de langage faisant sa marque de fabrique, lors de son déplacement en Auvergne sur le site Michelin du centre technologique de Ladoux. C’était le 25 janvier dernier, au lendemain de sa prestation remarquée lors du sommet de Davos. Pourtant l’entreprise au Bibendum est engagée dans un nouveau plan de départ volontaire portant sur 970 postes d’ici 2021.
Ces dernières années, le numéro un du pneu français a mis en œuvre plusieurs accords de compétitivité dans ces usines. Dès juin 2013, la direction annonce la suppression de 730 emplois sur les 926 du site de Joué-lès-Tours. L’activité poids lourds est transférée à l’usine de La Roche-sur-Yon. Malgré plusieurs grèves et un blocus du site en octobre, plus de 80 % des salariés finissent par approuver un accord présenté par la direction. Ce dernier propose 706 suppressions d’emploi, au lieu de 730 initialement, majoritairement des départs en préretraite. En contrepartie, Michelin s’engage à créer 170 emplois dans son usine de Vendée, et d’y faire passer la production de 800 000 à 1,6 million de pneus. De maigres compensations pour des salariés s’étant battus le dos au mur. Les syndicats CFDT, CGC et SUD ont signé fin novembre un accord qualifié par la direction « d’expression de ce que doit être le dialogue social ».
Michelin se lance alors dans la négociation de « contrats de progrès de réactivité et de productivité ». En 2015, les syndicats CFDT et SUD signent celui du site de Roanne, menacé de fermeture. Après un référendum, une centaine d’emplois disparaissent sur 850. De plus, la flexibilité est accrue par une nouvelle organisation du travail. Michelin investit 80 millions sur le site. Même chose à La Roche-sur-Yon en 2016, où la CGC et SUD avalisent par leur signature un référendum portant sur plus de flexibilité en échange d’investissements assurant un volume de production et la pérennité du site. Ici, ni la CGT ni FO ne signent. À Clermont-Ferrand, la direction ferme un atelier employant 300 personnes faute d’avoir trouvé un accord. Dans le groupe, les relations entre les organisations syndicales se tendent significativement.
Des accords gagnant-perdant ?
Un nouveau plan de départs volontaires a été présenté par le constructeur de pneumatiques portant sur la période 2018-2021. Il prévoit 970 suppressions de postes, principalement dans l’encadrement, à Clermont-Ferrand. Un plan signé fin 2017 par la CGC, la CFDT et SUD, arguant de conditions de départ plutôt favorables. Deux mois plus tard, c’est la douche froide. Le 7 février 2018, la direction de Michelin annonce lors d’un comité central d’entreprise (CEE) une pause dans les investissements prévus par l’accord de 2016 à l’usine de La Roche-sur-Yon. Pour la CGT, cela équivaut à « six machines de fabrication en moins dont deux partant en Espagne et deux en Roumanie ». Le nombre de pneus produit, au lieu d’atteindre les 1,6 million promis en 2013, n’excédera pas les 850000. Une baisse des ambitions qui fait craindre à la CGT une délocalisation de la production des pneus poids lourds.
« Avec cette annonce, le site de La Roche-sur-Yon est en danger », confirme Jérôme Lorton, délégué syndical central SUD. Inquiet, il rappelle que depuis des années la direction conditionne la compétitivité des sites à la massification de la production. Son syndicat, signataire jusque-là des accords « pactes d’avenir », considérait que cela représentait la seule solution permettant le maintien des sites et un nombre moindre de suppressions d’emploi. Quitte à accompagner les restructurations du groupe. L’annonce de la direction est vécue par le syndicaliste comme une « rupture du contrat moral du Pacte d’avenir ». Une décision qui passe mal également du côté de la CGC et de la CFDT, autres signataires. Une réunion extraordinaire du CEE est d’ores et déjà convoquée pour le 22 février.
« C’est des milliers de suppressions d’emploi qui ont eu lieu chez Michelin. Cela dépend de la date que l’on retient », avance Jérôme Lorton. Le groupe compte aujourd’hui 114 000 salariés dans le monde. Dans son fief à Clermont-Ferrand, les effectifs devraient passer en dessous de la barre symbolique des 10 000 employés d’ici 2021. À titre de comparaison, ils étaient de 28 000 en 1982. Pourtant, le géant mondial du pneu se porte bien. En 2016, le groupe a réalisé un résultat net en hausse de 43,3 %. Des signaux au vert confirmé en 2017 où les bénéfices atteignent 1,69 milliard d’euros, en croissance de 2,6 %. Pour la distribution des dividendes, même tendance, l’action Michelin étant passée de 105 à 125 € en un an.
Un exemple parfait, Michelin ? Apparemment oui pour le chef de l’État qui a élargi les possibilités de référendum d’entreprise à l’initiative de l’employeur par ordonnance à l’automne, en vantant, lui aussi, le dialogue social. Un dialogue social souvent qualifié d’innovant par la direction de l’entreprise et par la presse. Dans son numéro du 19 janvier, le nouveau magazine Ebdo souligne la conversion de l’entreprise à de nouvelles méthodes de management moins autoritaires : « la responsabilisation ». Ainsi, l’hebdomadaire annonce que d’ici 2025, toutes les équipes de l’usine de La Roche-sur-Yon devront être capables de s’organiser elles-mêmes dans leur travail. À condition évidemment que Michelin ne ferme pas le site.
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