La motion de censure qui aurait pu faire tomber la réforme des retraites a été rejetée de peu. Une nouvelle séquence de la bataille contre la réforme des retraites s’ouvre. Les grèves et les manifestations en redeviennent le centre névralgique et les cartes sont rebattues.
Le gouvernement a eu chaud à l’Assemblée, il va continuer d’avoir chaud dans la rue et les entreprises. En plus d’une réforme largement impopulaire dans le pays, d’un 49-3 balayant le vote des députés à l’Assemblée nationale, il peut désormais ajouter un nouveau point à la longue liste de ses échecs : le vote extrêmement serré sur la motion de censure déposée par le groupe LIOT.
À 9 voix près, le gouvernement échappe à une censure qui aurait directement renvoyé la réforme des retraites aux oubliettes. Élisabeth Borne a beau s’afficher droite dans ses bottes, et clamer dans l’hémicycle à moitié vide que « l’antiparlementarisme est à l’Assemblée », elle ressort extrêmement affaiblie de cette séquence parlementaire. Affaiblie pour mener une bataille qui se recentre désormais sur la rue et les entreprises.
On va les forcer à retirer la réforme
Ce n’est pas une surprise : depuis l’annonce du 49-3, les syndicats, les grévistes et les manifestants ont bien compris que la bataille contre la réforme des retraites ne se terminerait pas sur un vote à l’Assemblée. Quelques minutes avant le vote, Place Vauban à Paris où un millier de personnes ne sont rassemblées, Gabriel ne pense pas que le gouvernement puisse réellement être censuré. « Bien sûr, j’aimerais bien me tromper et que cette réforme ne passe pas dès maintenant. Mais de toute façon ce n’est pas grave, il faut continuer le mouvement. » Ce professeur d’histoire-géo ne croyait déjà pas que la mobilisation pourrait se renforcer après l’usage du 49-3. « J’étais un peu pessimiste sur le fait que les gens se mobilisent après jeudi, mais on voit qu’il y a un nouvel élan », confie-t-il depuis cette place qui se situe à quelques pas de l’Assemblée.
Non loin de lui, Aurélien, Pierre et Adèle étudiant·es à Paris, participent à leur premier mouvement social. Ils entretiennent encore l’espoir que le gouvernement puisse être censuré mais n’arrêteront pas la lutte quoi qu’il en soit. « On va les forcer [à retirer la réforme] », assure Aurélien. Comme à Paris, dès l’annonce du résultat du vote de la motion de censure, des rassemblements et manifestations se sont formés dans de très nombreuses villes. Et ce malgré la pression policière et les charges, notamment à Paris et Lille. Dans l’ensemble des cortèges du soir, les jeunes sont très largement majoritaires. Une situation nouvelle qui montre que le mouvement social est loin d’être aux abois et a encore des cartes dans sa manche.
Des cartes dans sa manche
Le rebond de la mobilisation pourrait bien parier sur un sursaut de la jeunesse. « Nos assemblées générales ont vu leur nombre tripler depuis le 49-3 du gouvernement », annonce le syndicat étudiant l’Alternative. Comme un symbole : le campus de Paris 1 Tolbiac a réuni cette après midi près de 1000 étudiants en assemblée générale. Ces derniers ont voté lundi l’occupation du campus considéré de longue date comme un bastion du militantisme étudiant et surnommé « Tolbiac la rouge ».
Le rebond pourrait aussi venir des raffineries. Des grèves dures y ont démarrées ce week-end, mettant à l’arrêt l’outil de travail et enclenchant le début d’une pénurie de carburant. Dans le même temps, les dockers annoncent à nouveau trois jours de grèves, les salariés de l’énergie multiplient les actions chaque jour et les poubelles s’entassent toujours à Paris, malgré la réquisition des éboueurs.
Enfin, depuis maintenant une semaine, les actions se blocages touchent de très nombreuses villes aux premiers heures du jour et ciblent diverses infrastructures économiques. Ainsi, rien n’est joué. Les regards se tournent vers le jeudi 23 mars. Les manifestations du jour pourraient acter un nouveau rebond de la mobilisation, malgré l’échec de la motion de censure.
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