Les 13 et 16 septembre, des milieux professionnels aussi dissemblables que les agents de la RATP et les professions libérales se sont tour à tour mis en grèves pour s’opposer au projet du gouvernement Macron. Si leurs revendications divergent, ils se retrouvent sur un point : la réforme ne leur convient pas.
Le gouvernement Macron souhaitait sa réforme des retraites plus juste et rassembleuse, c’est finalement contre lui qu’elle pourrait bien rassembler. Le 13 septembre, à la RATP, une intersyndicale réunissant l’UNSA, la CGT, la CFE-CGC, SUD et FO déclenchait une mobilisation historique avec des taux de grévistes avoisinant les 100% dans certains secteurs. Elle mettait à l’arrêt plus d’une dizaine de lignes du métro parisien, montrant ainsi l’opposition des agents à la réforme Delevoye qui sera présentée au parlement d’ici juillet 2020, après les élections municipales. Cette dernière prévoit la suppression du régime spécial des agents RATP, qui leur permet à l’heure actuelle, de partir à la retraite à 55,7 ans en moyenne contre 62 voire 64 après la réforme.
Si cette mobilisation a été un succès c’est avant tout grâce à la participation, rare, de l’UNSA syndicat majoritaire depuis les élections professionnelles de 2018 dans cet ancien bastion rouge auparavant tenu par la CGT. La réussite des grèves à venir – les syndicats n’excluent pas une grève illimitée en décembre – dépend donc en partie de la participation du syndicat réformiste à la mobilisation et de ses négociations futures avec le gouvernement autour des enjeux corporatistes. Laurent Escure, numéro un de l’UNSA, avait d’ailleurs rencontré Emmanuel Macron la veille de la grève.
Les professions libérales vent debout
Le 16 septembre, bien moins accoutumées à la grève que les agents RATP, ce sont les professions libérales qui ont arrêté le travail pour aller défiler dans les rues parisiennes. A la tête de la manifestation qui a rassemblé quelques milliers de personnes, on trouve Christiane Férhal-Schuhl. Cette avocate et présidente du Conseil national des barreaux (CNB) est parvenue à fédérer cet été quatorze professions contre le projet de réforme Delevoye au sein d’un nouveau collectif nommé SOS retraites.
Si le mouvement peut étonner, puisqu’il est constitué des milieux socio-professionnels (avocats, notaires, pilotes de lignes, podologues…) les plus sensibles au discours macroniste, force est de constater que bon nombre de ces professions libérales craignent, elles aussi, pour leur retraite. La réforme les concerne en effet à double titre puisqu’elle menace à la fois d’accroître leur cotisation retraite et prévoit la fin de leurs caisses de retraite autonomes.
En effet, si un salarié verse à peu près 28% de son salaire brut en cotisation retraite (dont 16% payé par le patron), la réforme Delevoye prévoit de généraliser ce taux aux professions libérales qui, payant seules leurs cotisations, versent environ 17% de leur brut. Un impact sur leur pouvoir d’achat que ces professionnels jugent non négligeable.
Pour ce qui est des caisses de retraite autonomes, tous les participants à la manifestation du 16 septembre en possèdent une. Elles sont largement bénéficiaires puisqu’elles atteignaient, fin 2015, 27 milliards d’euros pour l’ensemble des caisses des professions libérales hors avocats, selon le rapport de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Elles permettent à ces professions de garantir les retraites des cotisants pour les années à venir.
A ne pas s’y tromper, le refus d’en perdre la gestion témoigne aussi d’une volonté de protéger les intérêts propres de la profession au détriment de celui de tous les travailleurs comme le montre le discours tenu par des bâtonniers parisiens dans le Journal du Dimanche en juillet : « Quel signe est donné à tous ceux qui ont une gestion saine et équilibrée de leur prévoyance [si] les économies qu’ils ont mises par sécurité de côté peuvent leur être confisquées pour combler les déficits abyssaux de ceux qui ont été moins prévoyants ! ».
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