RTT, congés : l’État comme les entreprises pourront se servir


 

Par une nouvelle ordonnance, le gouvernement impose aux agents de la fonction publique la perte de RTT et de congés pendant la période de confinement. Le 25 mars, soit deux jours après l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, il avait déjà autorisé les entreprises à faire de même, malgré quelques garde-fous.

 

C’est à croire que le confinement était des vacances ! Les agents de la fonction publique d’État qui étaient éloignés de leur lieu de travail se verront amputés de jours de repos. Pour celles et ceux qui ont bénéficié d’une autorisation spéciale d’absence (ASA) entre le 16 mars et le 16 avril, l’ordonnance du 15 avril, publiée dès le lendemain au Journal Officiel, prévoit le retrait de 5 jours de RTT. Une décision qui concerne les fonctionnaires qui ont été en arrêt pour garder leurs enfants. Une double peine pour ces agents confinés avec des enfants enfermés à domicile après la fermeture des écoles. Particulièrement pour les parents isolés, majoritairement des femmes, pour qui ce moment a été un vrai travail à temps plein, bien éloigné de repos ou de vacances.

Même tarif pour celles et ceux dont les services ont fermé ou l’activité a été supprimée pendant cette période, parce que non compatible avec le télétravail et la réduction de la circulation du Covid-19. Cinq jours de RTT en moins, entre le 16 mars et le 16 avril. Et rebelote entre le 17 avril et la fin de l’état d’urgence sanitaire ou la reprise d’activité : 5 jours de RTT ou de congés annuels en moins. Soit en tout 10 jours de repos qui sautent en deux mois de confinement pour celles et ceux ayant été placés en ASA. L’exécutif n’a pas oublié la situation des agents ne bénéficiant pas de RTT ou les ayant déjà épuisées. Pour eux, ce sera six jours en moins pris sur les congés annuels ou le compte épargne temps. Enfin pour les temps partiels, le nombre de jours récupérés par l’administration sera au prorata du temps de travail.

Dans la fonction publique d’État, seuls les enseignants, sur lesquels le gouvernement compte pour la sortie progressive du confinement le 11 mai, ne sont pas concernés par l’ordonnance. Pour les deux autres fonctions publiques, là où l’exécutif a eu la décence de ne pas appliquer ces mesures aux agents hospitaliers, il n’en est pas de même pour les territoriaux. L’État renvoie le soin d’appliquer les mêmes dispositions aux directions des collectivités locales : communes, départements et régions.

 

Je télétravaille, tu télétravailles… ils nous prennent des RTT

 

Le 25 mars, soit deux jours après l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, il avait déjà autorisé les entreprises à faire de même, malgré quelques garde-fous.

Le télétravail ne serait-il pas du travail ? C’est ce que pourrait laisser penser l’ordonnance du 15 avril. En la matière, le gouvernement fait « grâce » de la période allant du 16 mars au 17 avril en termes de RTT imposées, mais permet de soustraire 5 journées entre le 17 avril et la reprise d’activité. Cette récupération de RTT ou de jours de congés est à la discrétion des petits chefs en fonction « des nécessités de service », précise l’article 2 de l’ordonnance. Enfin, le délai pour prévenir les agents concernés est fixé à un jour franc. Arbitraire garantie !

Que ce soit pour le télétravail ou les autorisations spéciales d’absence, le gouvernement ne cache pas ses intentions : la reprise de l’activité économique. Le rapport de présentation de l’ordonnance explique que « les agents publics auront un rôle important à jouer pour relancer l’activité dans notre pays et cela nécessitera la mobilisation et l’implication de l’ensemble des agents ». Hors de question pour l’État que des fonctionnaires puissent faire valoir l’ensemble de leurs congés dans les mois qui viennent. Pour lui, « il convient donc d’anticiper dès à présent cette sortie pour garantir la continuité des services publics en évitant toute désorganisation ».

 

Les entreprises privées ne sont pas en reste

 

La même logique prévaut pour le secteur privé. Dès le 25 mars, une ordonnance dérogeait au Code du travail pour permettre notamment d’allonger la durée légale hebdomadaire à 60 h au lieu de 48 H. La question des congés annuels et des RTT y était aussi abordée. Sous réserve d’un accord d’entreprise ou de branche, les employeurs peuvent imposer le moment de la prise de 6 journées de congés. Si dans les grandes entreprises, cette obligation d’accord limite les possibilités des patrons, dans les petites, cela sera bien plus facile. En plus des six journées de congés, et là unilatéralement, les employeurs peuvent imposer et déplacer jusqu’à dix jours de RTT. Avec pour seule limite dans le texte : « lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie »

Des mesures qui dans le privé vont bien au-delà de l’État d’urgence sanitaire puisqu’elles courent jusqu’au 31 décembre 2020. Certaines entreprises se sont d’ailleurs empressées d’utiliser ces nouvelles dispositions. C’est le cas notamment de la SNCF. Sa direction n’a certes pas réussi à imposer un accord aux organisations syndicales pour supprimer des congés, pour autant, début avril, elle a imposé la prise de 5 RTT (appelés repos compensateur dans l’entreprise) pendant la période de confinement. À n’en pas douter, un cas qui risque de faire école.