La commission des comptes de la Sécurité sociale s’attend à un déficit de la sécurité sociale s’élevant de 1,7 à 4,4 milliards d’euros en 2019. L’équilibre pronostiqué par le gouvernement pour cette année se trouve plombé par plusieurs mesures libérales visant à défiscaliser le travail. Un vrai cadeau pour les entreprises qui appellera peut-être de nouvelles mesures d’austérité dans les dépenses de santé.
La faute aux gilets jaunes ? Pas vraiment, contrairement à ce que laissent entendre la plupart des titres de presse aujourd’hui. Reprenant les éléments du rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale rendus publics ce mardi, ceux-ci mettent en avant deux responsables : le ralentissement économique, et les gilets jaunes auxquels des concessions auraient été faites à travers les mesures d’urgence prises par l’exécutif le 10 décembre 2018. Une présentation quelque peu tronquée.
La commission des comptes de la Sécurité sociale pointe comme première cause : des prévisions de croissance de la masse salariale surestimées. En langage simple, cela signifie que les rémunérations brutes versées aux salariés ont moins progressé en 2019 que prévu. En cause, au moins pour partie, le choix d’Emmanuel Macron le 10 décembre de ne pas augmenter les salaires et le SMIC, mais d’inciter le patronat à octroyer à la place une prime exonérée de cotisations sociales. Une drôle de façon de mettre en musique le discours du gouvernement sur le « travail doit mieux payer », dans la mesure où cette prime lie finalement la rémunération des salariés au bon vouloir de leurs employeurs. Mais aussi aux résultats des entreprises, plutôt que de rémunérer le travail par du salaire.
Moins de prestations sociales pour les salariés, plus d’exonérations pour les patrons
Ainsi, alors que la loi de finances votée à l’automne prévoyait une hausse de 3,5 % de la masse salariale en 2019, les prévisions actualisées tablent sur 3,1 % et même 2,9 % pour les salaires soumis à cotisations pour la Sécurité sociale. Manque à gagner : 1,7 milliard d’euros, dont 900 millions de cotisations. En effet, la prime Macron n’est pas la seule mesure affaiblissant les comptes de la Sécurité sociale. L’avancement au 1er janvier de l’exonération de cotisations sociales participe aussi à réduire les recettes pour un montant de 1,2 milliard. Les grands gagnants de ces dispositifs ne sont ni les gilets jaunes ni les 25 millions de salariés en France. Pour eux, si le net augmente sur la fiche de paye, la part du salaire socialisé correspondant à leur protection sociale baisse d’autant.
Les réels gagnants de l’opération sont les employeurs qui voient leurs cotisations patronales purement et simplement supprimées. Les autres mesures participant à accroître le déficit de la Sécurité sociale sont celles portant sur une partie des retraités. L’annulation de l’augmentation de la CSG avant les élections européennes correspond à 1,7 milliard selon la commission des comptes de la Sécurité sociale. Ainsi, le gouvernement, loin de modifier sa politique économique face au mouvement des gilets jaunes, a sorti le chéquier de la protection sociale collective.
C’est donc bien le choix politique de favoriser les entreprises qui est à la source d’une augmentation du déficit de la Sécurité sociale aujourd’hui. Un choix appliqué avec constance gouvernement après gouvernement, le plus souvent au nom de la préservation de l’emploi. Déjà en 2016, le montant des exonérations de cotisations à la Sécurité sociale s’élevait à 27,6 milliards, alors que le « trou de la sécu » était de 7,8 milliards cette année-là. Mais le déficit qui tournait autour de la barre des 10 milliards entre 2003 et 2008 avait bondi à plus de 23,5 milliards en 2009 et même 28 milliards en 2010, juste après la crise financière qui avait détruit de nombreux emplois, et donc les cotisations associées.
Afin de résorber les déficits, compensés en grande partie par l’État (87,1 % en 2016), les ministres de la Santé sous les présidences de Nicolas Sarkozy, de François Hollande et maintenant d’Emmanuel Macron se sont attachés à diminuer les remboursements et à réduire les dépenses de santé en mettant l’hôpital à la diète. Avec pour résultat aujourd’hui des services de soins sous pression. Dans le même temps, l’allongement de l’âge de départ à la retraite a réduit le déficit de la branche vieillesse. Finalement, une seule chose n’a pas été réalisée : faire baisser réellement le nombre de chômeurs. Pourtant cela aurait augmenté mécaniquement les recettes en augmentant le nombre de cotisants.
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