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En attendant le 7 mars : « veillée d’armes » dans l’Éducation nationale


 

En attendant le 7 mars et le potentiel début d’une grève reconductible, Rapports de Force donne la parole à des syndicalistes. Ils et elles nous racontent leur secteur. Aujourd’hui, Claire Guéville, responsable nationale des lycées au sein du SNES-FSU, décrypte les enjeux pour les semaines à venir dans l’Éducation nationale. 

 

Rapports de Force : Comment percevez-vous l’évolution de la mobilisation des personnels de l’Éducation nationale face à la réforme des retraites, depuis janvier ?

 

Claire Guéville : Elle est très importante, malgré un climat dans les établissements scolaires relevant parfois de la résignation et du découragement par rapport aux suppressions de poste, aux réformes successives, au double discours du gouvernement sur la revalorisation salariale… Lors des deux premières journées nationales, en janvier, on était sur des grèves majoritaires. Cela arrive rarement : la dernière fois, c’était en décembre 2019 face à la précédente réforme des retraites. On a même dépassé ces niveaux de mobilisation de décembre 2019, notamment le 31 janvier ! Actuellement, même pendant le tunnel des vacances, la présence des enseignants et personnels de l’éducation n’est pas du tout anecdotique dans les cortèges, y compris jeudi dernier. Ceci étant, on se trouve plutôt dans une période de repli : on est dans la préparation du 7 et 8 mars.

 

Quelle est justement votre stratégie pour préparer ce rendez-vous du 7 mars dans l’Éducation nationale ?

 

Stratégiquement, dans l’Éducation nationale, nous avons décidé de lier les 7 et 8 mars. Le 7, le mot d’ordre est de mettre la France à l’arrêt. Mais à la FSU, nous souhaitons aussi poursuivre les mobilisations et la grève le 8 mars. Pour faire de ce jour de revendication pour l’égalité femmes-hommes un jour de forte revendication sur les retraites, sachant que les femmes seront les plus touchées par la réforme.

Tout le monde fait le choix de s’économiser avant de mettre la France à l’arrêt le 7. La période est celle d’une veillée d’armes, face à un gouvernement qui reste sourd à nos revendications. En attendant, on maintient la pression. On continue le travail d’information et de diffusion des outils de mobilisation. Et puis, on met en place des caisses de grève et des collectes de fonds, avec toute une publicité autour de cela, pour aider tous ceux qui en auraient besoin.

Le levier de l’argent est important pour mobiliser davantage. Nous connaissons un tassement salarial depuis des années, avec une inflation galopante – on prévoit 20 % d’augmentation sur l’alimentation d’ici juin… Il y a un travail d’information sur les aides qui peuvent être débloquées. Chaque section académique de notre syndicat dispose d’une caisse avec une aide forfaitaire d’environ 50 euros par jour, que l’on peut ajuster selon les cas individuels de ceux qui nous sollicitent.

 

L’argent est doublement une question clé dans la période : pour les enseignants, la séquence retraites se mêle aux concertations avec le ministère sur les salaires

 

Oui, et pour tous les collègues, cela reste extrêmement flou. Au niveau syndical, bien sûr, on a davantage d’informations. La revalorisation « socle » promise pour la rentrée 2023 n’est pas à la hauteur de la dégradation salariale depuis 25 ans, qui est de 25 % en moyenne. Dans le meilleur des cas, on sera à 10 % d’augmentation en moyenne, a annoncé le gouvernement. Et on est sur une inflation de 6%. Les collègues ont conscience de l’indigence du niveau d’augmentation proposé. Et puis cette revalorisation socle est axée sur des primes : elle ne comptera pas pour les retraites… En plus, tous les enseignants ne seront pas concernés : il existe différents scenarii, on en saura plus en mars avec les arbitrages du ministère en mars. Quant au « pacte », les personnels connaissent peu de choses, mais ils ont compris qu’ils se faisaient arnaquer : c’est se faire rémunérer moins, pour plus de travail.

 

La négociation salariale concernant les AESH et les AED est, elle, au point mort. Ce sont, en plus, des personnels aux carrières hachées et à temps partiel qui seront touchés de plein fouet par la réforme. Comment leur ouvrir des perspectives dans la séquence actuelle ?

 

Très clairement, ces personnels de l’éducation sont très précaires, en-dessous du seuil de pauvreté, ce qui est indigne d’un pays développé. Cela rend la grève compliquée pour eux, même s’ils se mobilisent. L’un des freins principaux, c’est la précarité matérielle dans laquelle ils se trouvent. Il faut continuer de réclamer un statut, faire des AESH un vrai métier reconnu dans l’éducation nationale. Avec la revalorisation salariale qui va avec. Et arrêter avec les PIAL dans leur forme actuelle, qui les maintienne dans la précarisation permanente. Dans le cadre de ces PIAL, ils interviennent dans plusieurs établissements, donc les solidarités pour se mobiliser se mettent plus difficilement en place.

 

Comment envisagez-vous la suite dans l’Éducation nationale après le 7 mars  ?

 

Nous sommes favorables à la poursuite des mobilisations. On exclut pas la reconduction des grèves, quand elle est décidée localement. Tout est envisageable. On espère un président de la République qui revienne à la raison… Mais de toute façon, on a conscience que ce combat sur les retraites, que l’on espère gagner, ne va pas s’arrêter là. Car les attaques sont multiples : suppressions de postes, réformes sur les conditions de travail… On veut lier la bataille contre la réforme des retraites à celle pour les salaires, et aussi à celle contre les inégalités de genre. Mais aussi à la lutte contre ce « pacte », qui est un outil de management et de destruction du statut de la fonction publique. Pour le moment c’est facultatif, ces missions supplémentaires. Mais on sent que dans la tête d’un certain nombre de décideurs, l’idée est qu’à terme, ce soit obligatoire pour les nouveaux entrants.