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Revalorisations dans l’Éducation nationale : pour gagner plus, travailler plus


Que ce soit pour les AED, les AESH ou les enseignants, le mandat de Pap Ndiaye devait être celui la revalorisation salariale. Or, derrière les annonces, une réalité commune émerge et relie les travailleurs de l’Éducation nationale : pour gagner plus, il faudra travailler plus.

 

En 2022, c’était une grande victoire de Sud Éducation. Les assistants d’éducation (AED) et les accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH) allaient enfin pouvoir profiter de la prime REP et REP+, à laquelle ils n’avaient, injustement, pas droit. Pourtant, en 2023, la majorité de ces précaires de l’Éducation nationale n’a toujours pas vu la couleur de cet argent.

Le paiement de cette indemnité n’interviendra pas avant le mois d’avril 2023, a annoncé le ministère. Soit quatre mois de retard. Cette prime mensuelle devait être versée dès le 31 janvier, après publication du décret en décembre 2022, rappelle Sud Éducation, qui a produit une fiche détaillée à destination des personnels pour en calculer le montant.

Ce retard annoncé « nourrit de l’incompréhension, et maintient le sentiment d’être méprisé. C’est très mal vécu par les collègues », assure Virginie Schmitt, responsable du pôle AESH pour la CGT Educ’action. De plus, les versements diffèrent, car les AESH ont deux types d’employeurs. D’un côté, les rectorats avec les Directions des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN). De l’autre, les lycées employeurs (EPLE).

Dans le département de Meurthe-et-Moselle par exemple, où exerce Virginie Schmitt, l’EPLE a déjà versé la prime REP depuis le 1er janvier. Pas le rectorat. « Dans mon établissement, ma collègue embauchée par le lycée employeur l’a eu. Pas moi, qui suis employée en CDI par la DSDEN », témoigne l’AESH. « Ce n’est jamais la même chose d’un département à l’autre, ou selon les employeurs…  Il n’y a pas d’égalité de traitement entre nous. »

 

Vers des missions d’animation pour les AESH ?

 

Cet épisode rappelle qu’aucun euro ne sera obtenu dans la facilité pour les AESH et AED. Au-delà de cette seule prime, en effet, ces professionnelles précaires et à temps partiel, très majoritairement des femmes, attendent toujours des précisions quant à la revalorisation de leurs salaires. Le gouvernement communique autour d’une augmentation de 10 % pour septembre 2023. Mais les contours sont encore flous, et le ministère envisage de la conditionner en partie à l’extension de leurs missions.

Et ce, en particulier dans la fonction publique territoriale. Face aux difficultés rencontrées dans l’accueil des enfants en situation de handicap sur les temps périscolaires, « ils sont en train de plancher sur un contrat bis. En plus des missions à l’intérieur des écoles, on attribuerait aux AESH des missions d’animation, pour combler les accueils du matin, du soir. Mais avec ça, on change de métier ! », s’indigne Virginie Schmitt. L’idée est de gagner plus… en travaillant plus, sur des missions annexes. « Alors qu’on ne reconnaît déjà même pas notre travail actuel », soupire l’AESH.

 

Pour les AESH, « ce quinquennat n’a pas pris la question de l’inclusion au sérieux »

 

Pour l’heure, ces velléités restent floues. La dernière réunion des organisations syndicales autour des salaires des AESH et AED a eu lieu en juillet 2022 au ministère. Le gouvernement s’était engagé « à rediscuter de cette question dès septembre. Sauf que cette nouvelle réunion n’a jamais eu lieu. Toutes nos demandes d’audiences auprès de Pap Ndiaye sont restées lettre morte », pointe Virginie Schmitt.

 

« Pacte » des enseignants de l’Éducation nationale : les missions précisées

 

Cette idée de conditionner une future revalorisation à de nouvelles missions résonne avec ce qu’il est en train de se passer pour les enseignants. Le gouvernement leur a également promis, pour la rentrée 2023, des augmentations sous deux formes. D’un côté, une revalorisation socle, sans condition, de 10 %. Une réelle avancée.

Mais de l’autre, une revalorisation sous condition de la réalisation de nouvelles missions, baptisée « pacte ». Ce « pacte » prendra la forme d’une prime, de 3 650 euros par an en moyenne. Les bénéficiaires seront ceux qui auront accepté un ensemble de missions annexes, représentant un supplément de 72 heures environ sur l’année.

Ce 8 février, le ministère a convoqué les différentes organisations syndicales pour apporter des précisions sur les missions concernées. Pour le premier degré, il est question que les professeurs des écoles interviennent en 6ème. « Mais quand ? Les professeurs des écoles ont déjà un temps de travail important. C’est un dispositif qui va poser beaucoup de problèmes pratiques », interroge Maud Valegeas, responsable nationale de Sud Éducation.

Pour le second degré, il est question entre autres d’effectuer des remplacements de collègues absents dans son établissement. « Cela vient pallier le manque de personnel ; le ministère a supprimé 8 000 postes en six ans… », réagit là encore la responsable de Sud Éducation. 1 500 postes seront à nouveau supprimés à la rentrée 2023. « Le remplacement en interne est déjà possible, mais les enseignants le font très peu car c’est une surcharge de travail importante ».

 

Les heures supplémentaires dissoutes dans les nouvelles missions

 

D’autres missions comme l’accompagnements des élèves en situation de handicap, la coordination des disciplines, l’aide au devoir le soir, ou encore les « vacances apprenantes », font partie du « pacte ». Or, certaines, comme l’aide au devoir ou les « vacances apprenantes », étaient jusqu’alors rémunérées en heures supplémentaires. « Ce que l’on a comprend désormais, c’est qu’il va y avoir une fusion des heures supplémentaires et des indemnités de missions particulières (travail de coordination, référents culture…) », dénonce Maud Valegeas.

Le 13 mars, le ministère organisera une réunion de synthèse et rendra ses arbitrages. Pour l’heure, les organisations syndicales sont majoritairement très critiques vis-à-vis du « pacte ». Sur le plan de sa mise en œuvre pratique, d’abord. Mais aussi sur ce qu’il aggraverait en matière d’inégalité hommes-femmes. En ayant moins la charge du travail domestique et des enfants que les femmes, « les hommes prennent plus de missions… Tout le monde fait le constat qu’il n’y a pas de prise en compte de cette inégalité », conclut la responsable syndicale.