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Arrestations avant dissolution : pourquoi le gouvernement craint-il tant les Soulèvements de la Terre ?


Ce mardi, des dizaines de militants ayant participé à une action écologiste des Soulèvements de la Terre ont été arrêtés et placés en garde-à-vue. Quelques jours auparavant, une vague similaire d’arrestations a eu lieu. Tout ceci intervient alors que demain aura lieu la dissolution officielle du mouvement, annoncée d’abord par Gérald Darmanin, puis relancée par Emmanuel Macron lui-même. Pourquoi donc cet acharnement ?

 

Ce mercredi 21 juin, en Conseil des ministres, la dissolution des Soulèvements de la Terre sera actée par décret. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin l’a confirmé, ce mardi, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée. Mouvement né début 2021, les Soulèvements de la Terre agrègent des centaines de collectifs locaux, associations et syndicats (Confédération Paysanne, France nature environnement, Youth for Climate…) mais aussi des activistes plus isolés, autour de la défense des terres nourricières, des écosystèmes et des ressources en eau. Basées sur un soutien national à des luttes écologistes locales, les actions des Soulèvements ont eu un écho grandissant dans les médias et au sein de la population, jusqu’à devenir une cible privilégiée du gouvernement.

Ce mardi également, tôt dans la matinée, au moins 18 personnes ont été arrêtées et placées en garde-à-vue, alertent les porte-paroles des Soulèvements. Les arrestations ont eu lieu « dans une dizaine de lieux différents à travers la France, notamment à Notre-Dame-des-Landes ». Un coup de filet perçu comme « une opération de communication et d’intimidation » à la veille de la dissolution. Le parquet d’Aix-en-Provence annonce, de son côté, 14 interpellations au total.

Ces arrestations font suite à une précédente opération menée par la gendarmerie et la Sous-direction anti-terroriste, le 5 juin. Un coup de filet similaire avait abouti à près de quinze perquisitions, suivies de gardes de vues allant parfois jusqu’à 82 heures. Motifs invoqués, pour ces deux opérations successives ? « Destruction en bande organisée » et « association de malfaiteurs », en lien avec une occupation de l’usine Lafarge menée par des centaines de personnes en décembre 2022, près de Marseille.

 

« Nous engagerons un recours » contre la dissolution des Soulèvements de la Terre

 

Gérald Darmanin avait, le premier, fait part de son intention de mener cette dissolution, le 28 mars, après la dernière mobilisation des Soulèvements contre les méga-bassines à Sainte-Soline. Suite à cette offensive de l’Intérieur, de nouveaux comités locaux des Soulèvements avaient vu le jour – il en existe 170 à ce jour – ; et une tribune de soutien avait collecté une centaine de milliers de signataires.

 

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Surtout, du côté du gouvernement, les équipes d’Elisabeth Borne freinaient la publication du décret de dissolution. Le fait que les Soulèvements s’apparentent à une constellation de divers collectifs, assemblées et antennes de coordination locales, pose de nombreux obstacles juridiques. C’est Emmanuel Macron lui-même, lors du Conseil des ministres de la semaine dernière, à quelques jours du week-end d’actions contre la ligne ferroviaire Lyon-Turin, qui a relancé la machine.

« Dès le lendemain à 22h08, nous recevions une nouvelle notification de dissolution, avec un délai de trois jours en plein week-end, qui ne laisse pas de place au contradictoire, pour présenter nos observations », racontent les porte-paroles des Soulèvements. « Nous contestons le fondement juridique comme matériel de cette dissolution et nous engagerons un recours contre cette mesure liberticide si elle était prononcée. »

 

« Nous sommes parvenus à instaurer un rapport de force populaire »

 

Pourquoi donc cette volonté, jusqu’au plus haut niveau de l’État, d’empêcher le mouvement de poursuivre sous sa forme actuelle ? « Au fond, si le gouvernement menace aujourd’hui de nous dissoudre, c’est parce que nous sommes parvenus à instaurer un rapport de force populaire face au secteur du BTP et au complexe agro-chimique », jugent ses portes-paroles dans un communiqué paru le 15 juin.

 

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D’abord, il y a en effet l’enjeu de la massification des actions. Le meilleur exemple reste Sainte-Soline, contre les méga-bassines. Lors de la dernière action de mars, les organisateurs annonçaient 30 000 manifestants (6 000 selon la préfecture). C’est quatre fois plus que lors de la précédente mobilisation, sur le même site, en octobre 2022. « Le discours de Gérald Darmanin nous qualifiant d’« éco-terroristes », mine de rien, a scandalisé et rendu le mouvement d’autant plus massif », décryptait auprès de Rapports de Force Léna Lazare, activiste des Soulèvements. « Après ça, on a reçu des invitations venues d’Italie, de Suisse, d’Allemagne. Des liens se sont créés avec des luttes fortes de pays voisins ».

Ensuite, il y a la question de la teneur des actions. « Notre stratégie fait peur. On voit bien que les militants écologistes ont envie de passer à la vitesse supérieure : des projets écocidaires se font partout, on a très peu de prise sur nos vies… On se rend compte qu’il va falloir faire advenir les choses par nous-mêmes, et que cela passe par des actions de désarmement et de sabotage », complétait Léna Lazare.

Mercredi après-midi, des rassemblements contre la dissolution et en soutien des activistes arrêtés sont prévus dans plusieurs villes de France. Les porte-paroles des Soulèvements de la Terre prévoient quant à eux une conférence de presse en fin de journée, devant le Conseil d’État, pour faire part de leurs réactions.

En outre, le mouvement annonce déjà ses prochaines dates de mobilisation. En premier lieu, le « convoi de l’eau », du 18 au 27 août, contre les méga-bassines – qui n’ont donc pas fini de faire parler d’elles.

 

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