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Commission d’enquête visant Attac et les écologistes : toutes les digues tombent

Attac, Dernière Rénovation et Extinction Rebellion sont convoqués à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une commission d’enquête sur les « groupuscules auteurs de violence ». Dans une séquence allant des menaces de l’Intérieur vis-à-vis de la Ligue des droits de l’Homme à la dissolution des Soulèvements de la Terre, ce nouvel épisode confirme l’orientation prise du gouvernement vis-à-vis du mouvement social et écologiste : la criminalisation. 

 

L’interrogation est venue dès le début : que font-ils là, ces trois militants de Dernière Rénovation, dans cette audition à l’Assemblée nationale ? Leur collectif, engagé pour la rénovation thermique des bâtiments, se revendique de la longue histoire de la désobéissance civile et de l’action non-violente. Or, la commission d’enquête qui les entend ce 27 juin a pour objet « la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences ».

Extinction Rebellion, également convoqué, a refusé de s’y rendre. Attac a également reçu une convocation : l’audition de ses représentants se tiendra le 11 juillet. « ATTAC est une association reconnue d’intérêt général, qui explicite dans son statut être non violente, pacifiste, pour la justice sociale. Qu’est ce qu’elle vient faire dans une telle commission, hormis pour montrer qu’elle est dans le viseur  ? », s’en inquiète Youlie Yamamoto, porte-parole de l’organisation.

Les questions posées ce mercredi à Dernière Rénovation ne trompe pas. Le député LR Patrick Hetzel, président de la commission d’enquête, interroge leurs liens avec « les black blocks » – sans définir cette notion, qui désigne pourtant un mode d’action, non un groupe d’individus défini. Dans la foulée de Dernière Rénovation est d’ailleurs auditionné le journaliste Thierry Vincent, auteur du livre « Dans la tête des black blocs – Vérités et idées reçues ». « Est ce que votre organisation donne des consignes en la matière ? ». Face au recadrage des militants de Dernière Rénovation, qui réexpliquent leur objet et leur mode d’action, le député ne lâche pas l’affaire : « donc en tant que Dernière Rénovation vous ne participez pas aux manifestations ? notamment celle autour de Sainte-Soline ? »

La période visée par la commission d’enquête s’étend du 16 mars au 3 mai 2023. Pour rappel, le 16 mars marque la date de recours au 49-3 dans le cadre de la réforme des retraites. Une regain du mouvement social s’était ensuivi, avec des rassemblements spontanés chaque soir dans différentes villes du pays. Cette période couvre aussi d’importantes mobilisations écologistes, notamment celle à Sainte-Soline, fin mars, dans le cadre de la lutte contre les méga-bassines.

 

Au quatrième sous-sol de la DGSI

 

« Le pouvoir en place a choisi la voie de la répression : c’est ne pas comprendre la détresse dans laquelle on est face au dérèglement climatique », argumente Pierre Taieb, militant de Dernière Rénovation, lors de l’audition. Celui-ci encourage les députés à considérer « une autre issue : l’action politique. Aujourd’hui le meilleur moyen de pacifier l’action militante, c’est de lui donner des victoires politiques ».

Ce qui est loin d’être le choix du gouvernement, vu les événements des dernières semaines. Rien que ce mercredi 28 juin, au moins huit porte-paroles syndicaux et associatifs dont certains responsables de la CGT, Solidaires et la Confédération Paysanne sont convoqués à la gendarmerie dans les Deux-Sèvres pour « organisation d’une manifestation interdite » à Sainte-Soline.

Une semaine auparavant, la dissolution des Soulèvements de la Terre était actée en Conseil des ministres. Le 5 puis le 20 juin, deux coups de filet menés par la sous-direction antiterroriste ont visé des activistes écologistes en lien avec les Soulèvements.

Ces gardés à vue sont, pour certains, retenus dans le quatrième sous-sol de la DGSI, relatent plusieurs députés qui leur ont rendu visite. Ambiance. « Ils étaient sept, pris chez eux au petit matin par les moyens de l’antiterrorisme. Je le redis : ce sont des gens qui n’ont pas acheté des bombes et des kalachnikovs ; ce sont des gens qui ont démonté des bâches et des tuyaux. Voilà le niveau de terrorisme dont on est en train de parler… », souligne Maxime Laisney, député (LFI) de la Marne.

Arrestations avant dissolution : pourquoi le gouvernement craint-il tant les Soulèvements de la Terre ?

Le recul se joue aussi sur le terrain judiciaire. Le 23 juin, la célèbre association anti-corruption Anticor a perdu son agrément au tribunal administratif. Et pour cause : l’arrêté de renouvellement de l’agrément, rédigé par les services du Premier ministre, comprenait plusieurs erreurs : de quoi invalider, aux yeux du tribunal, la démarche.

Si le gouvernement « cherchait à lutter contre la corruption, non seulement, il n’aurait pas intégré ses erreurs de rédaction dans l’arrêté, mais plus encore, il aurait davantage participé à l’audience », a réagi l’avocat Vincent Brengarth, auprès de FranceInfo. « Lassociation Anticor gêne, parce qu’elle sort des dossiers avec des mises en cause au plus haut sommet de l’État », a-t-il ajouté. La présidente d’Anticor elle-même, Elise Van Beneden, interrogée par Libération, « se pose la question de l’incompétence ou de la malveillance des services du Premier ministre ».

 

« Re-légitimer l’usage de la force publique »

 

Dans les discours aussi, des digues sont tombées. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin – appuyé ensuite par la Première ministre Élisabeth Borne – s’en était par exemple pris à la Ligue des droits de l’Homme, début avril. « Je ne connais pas la subvention donnée par l’Etat, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées », avait-il menacé devant la commission des Lois, alors qu’il était interrogé sur l’usage de la force lors des manifestations contre la réforme des retraites et à Sainte-Soline.

La proposition de lancer la commission d’enquête est également apparu début avril. Elle a été initiée par Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, aux côtés de Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons. Ce timing fait dire à  Youlie Yamamoto d’Attac que cette commission est avant tout une façon de « re-légitimer l’usage de la force publique ».

Celle-ci avait été largement mise sous le feu des projecteurs, et remise en question, après les 6 000 grenades lancées à Sainte-Soline fin mars, et les violences et interpellations infligées aux manifestants opposés à la réforme des retraites. Il s’agit donc, analyse-t-elle, de mettre en place un narratif incriminant la radicalité du mouvement social et écologiste pour « justifier ce qu’il s’est passé, alors qu’ils ont franchi un certain nombre de lignes rouges ».

 

« En profiter pour faire le procès de la politique de Macron »

 

Mais cette commission peut-être aussi perçue comme une « intimidation », et une volonté aussi de « décourager », ajoute Youlie Yamamoto. Ce à quoi la porte-parole d’Attac ne compte pas se résigner. « Le fait qu’il y ait cette criminalisation, c’est le signal que l’on vise juste, que l’on appuie là où ça fait mal. Ce sont eux qui passent à l’offensive : on est obligés de se défendre. Au moins cela permet de mettre ces questions dans le débat public. On va s’en saisir, et en profiter pour faire le procès de la politique de Macron ». 

Face à cette dérive autoritaire, résume le député Maxime Laisney, il s’agit de « faire front commun, syndicats associations partis politiques. Car les libertés publiques sont les conditions de réalisation de toutes les autres luttes. »

Le rapporteur spécial pour les libertés de l’ONU a été reçu, la semaine dernière, par Mathilde Panot en tant que présidente du groupe LFI-NUPES. Depuis le mouvement des Gilets Jaunes en 2019, « il demande à être reçu officiellement par Emmanuel Macron » , relate le député de la Marne. C’est en effet la condition nécessaire pour qu’il puisse, en tant qu’expert onusien, engager l’écriture d’un rapport sur l’état des libertés publiques en France.

 

Crédit photo : Dernière Rénovation

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