La journée mondiale de mobilisation pour le droit à l’avortement, ce 28 septembre, s’ouvre dans un contexte européen – voire mondial – tendu sur la question. La montée en puissance de partis politiques d’extrême-droite, en France comme dans des pays voisins, laisse craindre des restrictions à venir du droit des femmes à disposer de leur corps.
Le collectif unitaire « Avortement en Europe, les femmes décident », rassemblant des associations féministes, des organisations syndicales et des partis politiques, appelle à manifester dans plusieurs villes, ce mercredi, pour la journée mondiale du droit à l’IVG. À Paris, la marche partira le 28 septembre, à 18h30, de la place de la Bastille. « Il est grand temps de garantir le droit à l’avortement en l’inscrivant dans la Constitution française et dans la Charte européenne des droits fondamentaux », soutient leur communiqué.
Car en matière de droit à disposer de son corps, ces organisations ne le savent que trop bien : rien n’est jamais acquis. Cet été, la Cour Suprême des États-Unis a remis en cause le droit à l’avortement, laissant libre cours aux États pour décider de son application ou non. Et cette tendance à la régression concerne aussi l’Europe, dont la France.
Contraception, IVG, suivi de grossesse : des batailles constantes
Le 8 septembre, des députés Rassemblement national (RN) ont déposé une proposition de résolution visant à « faire de l’année 2024 une année dédiée à la relance de la natalité française ». Les termes IVG ou avortement n’y sont pas mentionnés tels quel. Les députés privilégient des formules plus consensuelles, déplorant « la réalité sociale que traversent des millions de nos concitoyens, qui s’inquiètent de leur capacité à pourvoir aux besoins économiques de l’enfant ». Mais ils citent en exemple la Hongrie et sa « politique de natalité ambitieuse », ou encore la Pologne.
La Pologne a interdit l’avortement, sauf cas (très) exceptionnels, suscitant des réactions massives de citoyennes dans le pays, notamment fin 2020. Quant au gouvernement hongrois d’extrême-droite, dirigé par Viktor Orban, il est également anti-avortement. Mais face à une société civile favorable au maintien de ce droit, autorisé par la législation nationale depuis 1953, il procède par étapes. Le 12 septembre, un décret est venu durcir les règles en vigueur. Toutes les femmes souhaitant effectuer une IVG en Hongrie se verront désormais présenter les « fonctions vitales du foetus » – concrètement, elles seront obligées d’écouter les battements du coeur, selon la presse hongroise –. Cette disposition va rendre « plus ardu l’accès à l’avortement », commente Amnesty International auprès de l’AFP. Et « traumatisera davantage de femmes déjà en situation difficile ».
En Italie, Meloni contre « les multinationales de l’avortement »
Plusieurs élections législatives en cette fin du mois de septembre laissent craindre des restrictions dans d’autres pays voisins. Le 25 septembre, l’Italie a vu l’arrivée de Giorgia Meloni, du parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia, au poste de Première ministre. Celle-ci fait du « soutien à la natalité et à la famille » l’une de ses priorités, et souhaite créer « un fonds pour supprimer les causes économiques et sociales qui peuvent pousser les femmes à ne pas terminer leur grossesse » : des tournures rappelant celles utilisées par les députés RN. Le tout, pour contrer les « multinationales de l’avortement », selon ses termes, révélateurs de sa véritable cible : le droit à l’IVG.
Mi-septembre, en Suède, c’est le parti nationaliste Démocrates de Suède qui s’est installé en force suite aux législatives. Là encore, la menace de régression plane. « L’avortement est devenu un enjeu géopolitique », prévient la politilogue Bérengère Marques-Pereira dans La Nouvelle République. « Où se jouent non seulement l’autonomie et la santé sexuelle et reproductive des femmes, mais aussi l’avenir des régimes démocratiques face à la montée des régimes autoritaires. La régression des droits des femmes est bien l’une des expressions majeures de la régression démocratique. »
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