Le centre social auto-organisé l’Attiéké a été expulsé par les forces de l’ordre jeudi 17 août, au petit matin à Saint-Denis en région parisienne. Ses habitants ont appelé à un premier rassemblement le soir même devant l’ancien squat.
L’expulsion était attendue, mais est tombée sur les habitants de l’Attiéké en plein été. Les CRS ont enfoncé la porte à 6 h du matin, sous l’œil intéressé des propriétaires du bâtiment : la Fédération française de triathlon. En sursis depuis la décision du tribunal de Saint-Denis du 16 décembre 2016, la quarantaine de résidents a organisé des piquets anti-expulsion au printemps, une fois la trêve hivernale terminée. Des petits-déjeuners et des distributions de tracts à la population dionysienne ont rythmé la vie de l’Attiéké pendant plusieurs semaines.
L’expulsion de ce jeudi matin met fin à une aventure sociale et politique longue de près de quatre ans dans une des villes les plus pauvres de la région parisienne. En plus d’apporter des solutions immédiates aux difficultés d’hébergement, l’Attiéké a été un espace de luttes collectives sur le logement. Chaque semaine, ses permanences ont dispensé conseils juridiques, coups de main et entraide aux mal-logés. Parfois, de nouvelles luttes ou initiatives, comme la création du collectif « Pas d’enfants à la rue », y sont nées.
« Des assistances sociales de la ville ont renvoyé des personnes vers l’Attiéké » s’amuse Louise, une militante libertaire pour le droit au logement impliquée dans le centre social. D’autres permanences ont vu le jour. Une fois par semaine des cours de français, ainsi qu’une aide administrative pour les démarches des personnes sans-papiers sont proposés. Un centre de loisirs ouvert aux enfants du quartier a été crée. Enfin, soirées débats ou concerts de soutien participent à la vie politique du lieu.
Un symbole des luttes pour le logement dans les quartiers populaires
Les problèmes de logement dans la ville de Saint-Denis sont récurrents. Avec 42 % de logements sociaux et un tiers d’habitations insalubres dans son centre, la commune dionysienne cumule les difficultés. L’Attiéké fondé en octobre 2013 fait suite à une longue lutte de mal-logés opposant la mairie communiste de Saint-Denis et des habitants expulsés de leur immeuble insalubre voué à la réhabilitation.
Plusieurs semaines d’un campement devant la mairie conduisent à leur expulsion par la police à la demande du maire. Devant l’absence de proposition de relogement, une partie des mal-logés réquisitionne un lieu, avec le soutien de militants libertaires et antiautoritaires. Ils fondent le centre social Attiéké. Relogement, régularisation et réquisition sont leurs mots d’ordre. L’auto-organisation est structurée autour d’assemblée générale hebdomadaire réunissant habitants et soutiens.
D’abord ignorés par la municipalité, cette dernière reçoit les habitants et soutiens du squat fin 2015, mais aucune revendication n’aboutit. « L’Attiéké est connu partout, on a même eu des visites de personnes venant de province » explique Icham (le prénom a été changé). Sans-papier, il est présent depuis 2013. Toutes ses démarches pour obtenir un logement ont échoué.
Pendant quatre ans, l’Attiéké a rayonné pour devenir une référence en Seine-Saint-Denis. « Depuis l’ouverture, plus de dix mille personnes ont fréquenté le lieu » souligne Louise, avant de pointer le rôle du centre social dans les rencontres des collectifs luttant contre les violences policières dans les quartiers populaires.
L’expulsion de l’Attiéké ne met pas fin aux luttes pour le logement à Saint-Denis. « Les problèmes de logement sont toujours là, même si les personnes précaires ont été dispersées », explique Axel, un des soutiens du centre social. Pour ce jeudi soir, plusieurs résidents dormiront en urgence chez des soutiens. Cependant, plusieurs logements ont déjà été réquisitionnés préventivement par les membres de l’Attiéké.
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