En prévision des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le gouvernement prévoit un arsenal sécuritaire. Au-delà de l’objectif d’assurer sans accrocs la tenue d’un événement exceptionnel, des acteurs associatifs comme la Quadrature du Net craignent le « passage à une autre échelle » en matière de surveillance.
Le projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques a été adopté par le Sénat le 31 janvier. Depuis le 1er février, le texte est en première lecture à l’Assemblée nationale. Il se trouve actuellement entre les mains de la commission des lois, avant d’être discuté en séance publique. Les mesures qu’il contient viennent compléter celles déjà créées par loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Le gouvernement a choisi, lors de la présentation en Conseil des ministres le 22 décembre, que la procédure accélérée serait utilisée. La navette parlementaire est donc réduite. Le calendrier, resserré. Le texte ne fera l’objet que d’une seule lecture par chaque Chambre (au lieu de deux). Pourtant, il comporte des mesures autour de nouvelles technologies de sécurité qui mériteraient un large débat public.
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L’une d’elles soulève toutes les oppositions : le déploiement de la vidéosurveillance algorithmique, ou vidéosurveillance automatisée (VSA). Celle-ci repose sur l’usage de « caméras augmentées ». Ces caméras couplées à des logiciels d’intelligence artificielle visent à détecter des mouvements de foules, colis ou comportements « suspects » dans le périmètre des enceintes sportives et dans les transports en commun. Un cadre juridique expérimental est crée jusqu’au 30 juin 2025 par l’article 7 du projet de loi. Il sera valable dès promulgation de la loi.
Vidéosurveillance algorithmique, au coeur des enjeux
On pourrait se dire qu’à événement exceptionnel, dispositif exceptionnel pour assurer la sécurité des visiteurs français et étrangers. Sauf que les Jeux représentent une « opportunité », prévient la Quadrature du Net : « légaliser ces technologies, d’abord pour un grand événement exceptionnel, ensuite pour les généraliser ». Nice, Marseille, Metz, Vannes… À l’heure actuelle, une vingtaine de villes testent déjà la VSA (voir la cartographie établie par la Quadrature). « C’est tout ce travail d’acceptabilité, de réception sociale par la population de ces technologies qui se joue ».
L’intérêt pour le maintien de la sécurité des événements est « minime par rapport aux risques énormes que ça pose en termes de société de surveillance », estime Noémie Levain, juriste à la Quadrature, au micro de France Inter. Aussi dangereuse que la reconnaissance faciale selon elle, la VSA représente « un passage à une autre échelle ».
Ces outils d’analyse des images peuvent conduire à une collecte « massive » de données personnelles, note également la CNIL dans son avis rendu le 4 janvier. Celle-ci insiste sur le fait qu’un tel déploiement, même expérimental, « constitue un tournant ». Et qu’il s’agit de mieux en définir les lignes rouges.
Des technologies testées en prévision des Jeux Olympiques
Comme le rappelle les auteurs de l’enquête Le sport sous surveillance dans L’Équipe Explore, un nombre conséquent de technologies sont déjà testées dans le cadre d’expérimentations menées par le ministère de l’Intérieur, en prévision des JO. Un exemple : le logiciel d’analyse d’images XXII CORE (de l’entreprise XXII) a été testé en octobre dans la Gare du Nord à Paris.
L’Intérieur a investi, en avril 2022, 25 millions d’euros dans un vaste programme d’expérimentation en matière de surveillance et de cybersécurité. D’ici le premier trimestre 2023, 180 technologies auront été testées dans des gares ou des lieux sportifs, soulignent les auteurs de l’enquête.
Enfin, près de 15 000 caméras supplémentaires vont être déployées pour les JO et la Coupe du Monde de Rugby, rappelle la Quadrature du Net. Et ce, grâce à une enveloppe de 44 millions d’euros via les « plans Zéro Délinquance ». La Coupe du Monde de rugby qui se déroulera à l’automne sera, pour la France « l’occasion d’affiner son dispositif », assume la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Travailleurs et public des Jeux sous surveillance
À ce stade, le Sénat a renforcé le contrôle du personnel engagé dans le cadre des JO. Les intérimaires en charge de fonctions « sensibles » au sein de la RATP pourront faire l’objet d’une enquête administrative sur demande des agences d’intérim pendant la durée des Jeux.
Les sénateurs ont aussi renforcé les sanctions contre les intrusions dans les enceintes sportives : un mode d’action qui a pu être utilisé notamment par des militants écologistes de Dernière Rénovation, durant Roland-Garros par exemple. L’amende en cas d’intrusion est portée à 3 750 euros au lieu de 1 500. Et le contrôle des billets d’accès des spectateurs, renforcé.
Au niveau du public, le recours à des scanners corporels sera possible à l’entrée des enceintes sportives accueillant plus de 300 personnes. Cette technique est déjà utilisée dans les aéroports. « Elle permettra de fluidifier les contrôles et d’éviter des goulots d’étranglement », défend le gouvernement.
Enfin, un centre de renseignements spécialement dédié a déjà été créé en 2022. Il sert déjà, en amont des Jeux, à « produire une analyse stratégique des risques et l’actualiser de manière régulière », indique la mairie de Paris. Pendant l’événement, il visera à « contrôler en permanence les niveaux de risques », en coordination avec les services judiciaires et de police.
Crédit photo : Saccage 2024
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