Un rassemblement devant le comité d’organisation des Jeux Olympiques (COJO) est prévu ce dimanche, à l’initiative de plusieurs collectifs et associations franciliens. Ces derniers dénoncent les impacts des JO sur le plan social, écologique et des libertés individuelles. À un an et demi de l’événement, leurs alertes promettent d’être de plus en plus entendues au sein de la population. Trop tard ? Ou au contraire, l’occasion de proposer des contre-modèles ?
La billetterie des Jeux Olympiques vient d’ouvrir : dans moins d’un an et demi, Paris donnera le coup d’envoi aux JO 2024. « La mobilisation va s’accélérer, un peu comme la Coupe du Monde pour laquelle on s’est réveillé six mois avant. C’est là que les annonces vont être les plus retentissantes », jauge Arthur, membre du collectif Saccage 2024. Ce collectif, né en 2020, s’oppose aux Jeux Olympiques, à Paris comme ailleurs. Une rencontre internationale avec des militants anti-JO s’étaient même fin mai pour dénoncer ce que ces militants estiment être les objectifs des Jeux Olympiques : « gentrification des villes, spéculation, développement des logiciels de surveillance et la sécurité… » , énumère Arthur.
Ce dimanche, ce collectif et d’autres activistes – pas forcément sur la même ligne anti-JO, mais tous en lutte contre leurs impacts sociaux et environnementaux – se sont donnés rendez-vous pour une large manifestation. Celle-ci vise à dépasser les luttes locales qui ont déjà cours, notamment dans le département de Seine-Saint-Denis, particulièrement concerné par les infrastructures des Jeux. La manifestation aura lieu devant le Comité d’organisation des Jeux Olympiques (COJO), la veille d’un conseil d’administration décisif pour voter un nouveau budget.
Actuellement, une enveloppe de 6 milliards est dédiée aux JO. Mais le 12 décembre, « on risque d’acter le passage à 8 milliards », explique Arthur. Saccage 2024, à l’instar d’autres ONG, anticipe un budget, à terme, de 11 milliards d’euros. « Les prix augmentent partout, et il y a énormément d’argent public qui va partir dans les JO. On nous annonce des coupures d’électricité, il n’y a pas d’argent pour nos écoles, nos hôpitaux ; mais zéro restriction pour les JO », fustige Arthur.
Surveillance, artificialisation des terres : la machine en route
Mais est-ce déjà trop tard pour se mobiliser ? Dans certains domaines, comme la surveillance, la recette est déjà connue : multiplication des caméras, création d’un Centre de renseignement olympique (CRO), vidéosurveillance algorithmique… Une loi JO est prévue début 2023 pour légaliser ce déploiement technologique. En particulier la vidéosurveillance algorithmique, « c’est-à-dire la détection par logiciel d’événements et de comportements dits « suspects » », rappelle la Quadrature du Net. « Une occasion pour les entreprises françaises de montrer leur savoir-faire en matière de répression, et pour le gouvernement de déployer une technologie encore illégale, mais dont les offres commerciales sont déjà très présentes », décrit l’association dans une analyse parue fin novembre.
Du côté des chantiers pour les infrastructures des Jeux, la majorité sont en route. Pourtant, les luttes locales en Île-de-France se sont multipliées ces dernières années. Certaines ont été victorieuses. C’est le cas des jardins ouvriers d’Aubervilliers, longtemps menacés par un centre nautique. Ou, moins connu, le Terrain des Essences, une partie du parc de la Courneuve, « classée Natura 2000. C’est là qu’étaient censées se dérouler les épreuves de tir. Les collectifs sur place ont menacé de plusieurs recours en justice », retrace Arthur. Le COJO a finalement abandonné le projet.
Mais d’autres luttes ne sont pas parvenues à mettre un terme aux projets d’urbanisation. L’échangeur autoroutier dans le quartier Pleyel à Saint-Denis sera, par exemple, bel et bien construit. Il avait soulevé la mobilisation d’habitants et de collectifs écologistes en raison de sa proximité avec des établissements scolaires, ceux-ci craignant l’exposition des enfants à une pollution de l’air intensifiée. Idem pour l’Aire des Vents, « 7 hectares du parc de la Courneuve amputés pour construire le Village des Médias… Le gros oeuvre est déjà fait », soupire Arthur.
Les conditions de travail sur les chantiers des Jeux Olympiques, trop peu documentées
Alors pourquoi continuer d’alerter ? D’abord, parce que plus l’horizon de l’événement approche, plus ces alertes sont médiatisées et entendues dans la population, jugent les activistes. Ensuite, parce que la question de l’après-JO est central. Dans les communications du COJO et de Paris, la notion d’ « héritage », et plus précisément d’ « héritage durable », revient sans cesse.
En face, les différents collectifs montés autour des JO construisent un contre-argumentaire. C’est l’un des principaux axes de travail du Comité de Vigilance 2024 monté par des citoyens dès 2017. « Presque tout ce qui est avant l’ »Héritage » est déjà acté. Il y a encore plus de choses à jouer sur l’après, pour pousser à des projets plus vertueux », abonde Arthur.
Reste, d’ici là, d’autres fronts de lutte à renforcer. En premier lieu, les conditions de travail des ouvriers sur les chantiers des JO. Début décembre, Libération a révélé l’emploi de travailleurs sans-papiers sur certains de ces chantiers. Mais ces espaces continuent souvent de se dérober au regard des activistes, en raison de leur difficulté d’accès. Pourtant, l’enjeu de faire le lien entre enjeux environnementaux et sociaux, avec les ouvriers qui y travaillent, est important.
« On est sur des revendications qui peuvent intéresser des salariés en premier lieu. Le problème, c’est que même les syndicats du BTP ont du mal à s’implanter sur les chantiers », estime Arthur. Et ce pour une multitude de raisons, selon lui : « on trouve plusieurs entreprises sur un même chantier, avec des conventions collectives différentes ; certains travailleurs ont des papiers, d’autres non… La question est donc plus large : comment on politise ces chantiers ? Comment ça se fait que nous, la gauche, nous n’arrivons pas à parler aux ouvriers du BTP ? »
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