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Retour sur terres, une journée pour « être dans l’action dès le surlendemain du second tour »

Le 26 avril, soit 48 heures après la réélection d’Emmanuel Macron, des dizaines d’actions ont été menées par une centaine de collectifs écologistes partout en France. Baptisée « Retour sur terres », cette journée nationale visait à interpeller sur l’artificialisation des sols et la préservation de la biodiversité. Les activistes s’interrogent sur les modes d’actions qu’il faudra déployer dans le nouveau quinquennat qui s’ouvre, face à une urgence climatique de plus en plus pressante. 

 

Sur une place ensoleillée, à Palaiseau (Essonne), plusieurs dizaines de personnes s’amassent. Une marionnette, qui fait deux fois leur taille, les surplombe. Elle représente une grande mésange, en tenue d’avocat. Sa longue robe noire flotte légèrement avec le vent. Un symbole du « vivant qui se défend », présentent les activistes écologistes réunis.

Ce mardi 26 avril, une centaine de collectifs a mené des actions coordonnées partout en France. Sous une même bannière : « Retour sur terres ». À Palaiseau, l’action a été initiée par la Coordination des luttes locales Ile-de-France, née des Marches des Terres en octobre dernier. Elle a réuni ici plusieurs mouvements (Collectif pour le Triangle de Gonesse, Sauvons les Jardins d’Aubervilliers, Stop Val Béton, Collectif contre la ligne 18…) sur un territoire hautement symbolique : le plateau de Saclay.

Ce plateau comporte 2 300 hectares de terres agricoles. Le Grand Paris Express, gigantesque plan de nouvelles lignes de transports, les menace. Or, ces terres sont « parmi les plus fertiles d’Europe », argumentent les collectifs. « Il n’existe aucun moyen de compenser la perte de telles terres ». Et ce, pour une amélioration très minime, estiment-ils, de l’accès aux transports en commun.

« On est contents d’être dans l’action dès le surlendemain du second tour », glisse Liane, souriante et énergique. « Plutôt que d’être en train de déprimer ! », complète à ses côtés Jérôme, la voix calme. Tous deux ont milité dans plusieurs des collectifs réunis aujourd’hui.

 

Après les petites victoires, continuer à défendre le Triangle de Gonnesse et les Jardins d’Aubervilliers

 

« Suite à des élections dans lesquelles nous ne plaçons aucun espoir (…) nous pouvons donner un signal de résistance fort en attaquant les projets injustes et polluants et les entreprises écocidaires partout sur le territoire », expose la coordination de ces collectifs sur son site. « Au local, nous pouvons remporter des victoires », rappelle-t-elle aussi. Plus d’une quarantaine ont été cartographié, ces deux dernières années, par le média Reporterre.

Mais ces victoires sont souvent nuancées. Emmanuel Macron, par exemple, a pu se targuer d’avoir annulé le projet du mégacomplexe EuropaCity, sur le Triangle de Gonesse, qui avait rencontré une importante contestation citoyenne. Mais rien n’est terminé. Une nouvelle gare, accompagnée de la nouvelle ligne 17 du Grand Paris Express, s’y fera coûte que coûte, avait annoncé Jean Castex dans la foulée.

Or, comme à Saclay, les terres de Gonesse sont particulièrement nourricières et garantes d’une riche biodiversité. « Ils essaient désespérément de pousser l’urbanisation du Triangle, pour justifier la gare. Ils en sont au quatrième ou cinquième projet sur le Triangle », explique Liane. Pour l’heure, aucun n’aboutit. Les investisseurs privés « deviennent frileux quand ils savent qu’il y a une résistance locale », croit la militante.

L’ambitieux plan du Grand Paris Express pèse lourd. Très lourd. Plus de 40 milliards d’euros. L’équivalent de sept années de budget de la région Île-de-France. Est-il possible de continuer à faire pression face à ce géant ? Le duo de Liane et Jérôme hésite. « C’est le rouleau compresseur, ici comme partout. Ils placent les gens devant le fait accompli ».

Tous deux évoquent tout de même le cas des Jardins d’Aubervilliers, qu’ils ont participé à défendre. Une décision judiciaire a donné raison aux activistes en février 2022. Mais la bétonnisation avait déjà commencé. Et seules certaines parcelles auront la garantie d’en être protégées. « On obtient des victoires, mais après coup, ou trop tard, ou partielles », souffle Liane.

 

« On a pas d’autre solution que d’articuler nos luttes »

 

La bataille judiciaire est l’un des axes importants de toutes les luttes réunies à Saclay en ce 26 avril. Une bonne nouvelle pour les activistes vient de tomber le jour-même. Le recours auprès du Conseil d’Etat déposé par Le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) et France Nature Environnement contre la ligne 17 a été accepté. « La mobilisation va continuer pour la préservation des terres et l’autonomie alimentaire ! » s’enthousiasme un membre du CPTG en annonçant la nouvelle au micro.

Améliorer le partage des stratégies, notamment dans les tribunaux, est dans l’esprit de chacun. Le pouvoir politique cherche à « nous diviser, à stigmatiser et isoler chaque composante de nos mouvements. On a pas d’autre solution que d’articuler nos luttes », estime Liane. « Et ce, en matière de thématiques : antifascisme, féminisme… Comme de savoirs-faire : juridique, désobéissance civile… »

« Nous aussi on bétonne nos terres. Nous aussi, on reçoit des déchets du Grand Paris », explique Catherine, membre du collectif  Stop Val Béton, pour expliquer sa présence à la marche du jour. Ce collectif citoyen bataille contre le projet Val Bréon 2. Celui-ci consiste en une extension du parc logistique Val Bréon 1 en Seine-et-Marne, menaçant 150 hectares de terres agricoles. La présidente de la communauté de communes leur a réaffirmé en octobre dernier son souhait de mettre en oeuvre le projet coûte que coûte. Prochain objectif : monter une réunion publique pour sensibiliser les habitants du coin. « Les questions environnementales, elles commencent au niveau local ! » soutient Guillaume, enseignant engagé dans le collectif.

 

« Dans leurs têtes, les gens se radicalisent »

 

Sur le plan de l’articulation des luttes, celle autour des méga-bassines dans le marais poitevin est exemplaire aux yeux de Jérôme et Liane. Des milliers de personnes y ont convergé fin mars, pour dénoncer l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie. On y trouvait des paysans, militants autonomes et activistes du climat, réunis par les Soulèvements de la terre. Des actions de sabotage régulières ont lieu. Mais voilà : « c’est plus facile de démanteler une méga-bassine clandestinement, que le plateau de Saclay. Ce n’est pas en un coup de cutter qu’on y arrivera », soupire Jérôme.

Dans le quinquennat à venir, Jérôme espère donc une « massification » des mouvements écologistes, pour peser face aux grands projets. Mais aussi l’émergence de davantage d’« actions plus radicales menées par des petits groupes. Dans leur tête, les gens se radicalisent… Mais il faudrait que cela se manifeste concrètement ». Des citoyens et organisations passent un cap. C’est le cas de la Confédération Paysanne, habituée des actions de blocages, qui s’engage désormais dans des sabotages de méga-bassines jugées illégales dans leur fonctionnement.

« C’est inspirant », conclut l’activiste en évoquant cet exemple. À ses côtés, Liane éclate de rire : « inspirant », ça sonne « un peu vocabulaire start-up nation » à ses oreilles. Jérôme surenchérit : « j’attends une disruption dans nos luttes ! »