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Grève dans l’automobile aux États-Unis : ce qui a été gagné

 

Après six semaines de grève, le syndicat américain United Auto Worker (UAW) a trouvé un accord avec Ford, Général Motors et Stellantis et a mis fin à une grève historique dans l’automobile aux États-Unis. Mais que contient cet accord, que les adhérents de l’UAW doivent désormais ratifier ?

 

Le dernier domino est tombé. Ce lundi 30 octobre, le constructeur américain General Motors (GM) a, comme ses concurrents Ford et Stellantis quelques jours avant lui, conclu un accord de principe avec le syndicat United Auto Worker (UAW) General Motors. En attendant que ses adhérents ratifient le texte, l’UAW a mis fin au mouvement de grève massif qui touche l’industrie automobile américaine depuis le 15 septembre. Au plus fort de la grève, 45 000 des 146 000 membres de ce syndicat travaillant pour ceux que les Américains appellent les « Big Three » ont cessé le travail.

« Le secteur automobile est un secteur clef aux États-Unis, il représente 3% du PNB. Mais depuis 1979, l’UAW négocie des reculs dans l’industrie automobile. Cette grève, c’est une revanche pour récupérer du niveau de vie », soutient Donna Kesselman, professeure à l’université Paris Est-Créteil, sociologue du travail et spécialiste des droits sociaux aux États-Unis, interrogée sur France culture.

A de nombreux égards, Shawn Fain, électricien de 54 ans élu à la tête de l’UAW en hiver 2022, a insisté sur le caractère inédit de l’accord, notamment en matière d’augmentation salariale. Il a souligné le fait que les salaires des employés des Big Three allaient davantage augmenter dans les cinq années à venir (+25%) qu’ils n’ont augmenté entre 2001 et 2022 (+23%). Mais les accords contiennent bien d’autres choses. Détaillons.

 

Des augmentations salariales qui prennent en compte le coût de la vie

 

Le premier des Big Three a avoir craqué, c’est Ford. Et l’accord que le constructeur a conclu avec l’UAW, le 29 octobre, a servi de modèle pour les accords ultérieurs avec GM et Stellantis. Il prévoit 25% d’augmentation générale des salaires, d’ici avril 2028, portant les salaires les plus élevés à environ 42 dollars de l’heure, selon le syndicat. L’augmentation s’élève  à 11 % dès la ratification, puis suivent trois augmentations annuelles de 3 %, avant une augmentation finale de 5 % en 2028.

« Cela fait à peu près 6% d’augmentation par an, ce qui est déjà une belle victoire, d’un point de vu français », commente Jean-Philippe Juin, chargé du collectif automobile au sein de la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM) CGT. Mais ce n’est pas tout : l’UAW a aussi négocié des augmentations liées au coût de la vie, suspendues en 2009. Elles devraient faire en sorte que l’inflation n’efface pas les gains salariaux et conduire les augmentations totales à environ 33 %. Si cela reste inférieur aux 40 % que Shawn Fain réclamait au départ (chiffre ramené à 36 % avant le début de la grève, le 15 septembre) c’est nettement plus que les 9 % proposés par Ford en août. Enfin, l’accord réduit à trois ans le temps nécessaire aux travailleurs pour atteindre le niveau de rémunération le plus élevé, contre huit ans auparavant.

 

Lutter contre la division des travailleurs

 

Un des autres enjeux de la grève dans l’automobile aux États-Unis était la fin des « tiered wage arrangements », aussi appelés « arrangements à plusieurs niveaux ». Un accord qui divise les travailleurs de l’automobile en deux catégories, en fonction de leur date d’embauche, et maintient les nouveaux employés à des salaires inférieurs. Grâce à la grève, ces arrangements ont été supprimés dans plusieurs usines chez Ford, mais pas dans la totalité. Chez GM et Stellantis, les informations n’ont pas encore été communiquées. La victoire n’est donc pas totale sur ce point alors que ces accords faisaient partie des cibles principales de l’UAW. En effet, en plus d’être injuste, ce système nuit grandement à la lutte collective en divisant les salariés entre eux.

 

Striketober : comprendre le retour des grèves aux Etats-Unis

 

« Les arrangements à plusieurs niveaux hantent le mouvement syndical depuis les années 1970, mais nous atteignons enfin un point critique. L’élimination des niveaux était l’une des principales revendications de l’UAW, souvent affichée en évidence sur des T-shirts et des pancartes », déclare Joseph McCartin, professeur d’histoire du travail à l’Université de Georgetown, dans le Washington Post.

Dans plusieurs usines Ford, par exemple, les travailleurs récemment arrivés, qui commencent actuellement à 16,67 dollars de l’heure seront bientôt reclassés comme permanents, ce qui leur permettra de gagner au moins 24,91 dollars de l’heure. Ainsi, si les augmentations générales de salaires atteignent les 25%, pour ces salariés spécifiquement, elles sont bien plus importantes. De même, l’UAW a obtenu l’augmentation des salaires des travailleurs intérimaires particulièrement importante, puisqu’elle est estimée à 150% à horizon du mois d’avril 2028.

 

Préparer la suite de la grève automobile aux États-Unis.

 

Tout au long du conflit, l’UAW a été préoccupée par la question de la transition écologique et notamment par son impact économique sur sa zone d’intervention syndicale. En effet, le développement des véhicules électriques remet en question la survie de la filière thermique. De nombreux emplois pourraient être amenés à disparaître dans ce secteur dans les prochaines années.

Afin de préparer les batailles à venir, l’UAW a donc négocié et obtenu (chez chacun des Big Three), le droit de lancer une grève lorsqu’une usine prévoit de fermer, ce qui n’est pas un droit indiscutable aux États-Unis, contrairement à la France.

Enfin, l’UAW a négocié l’extension de l’accord cadre obtenu par la récente grève à des usines de voitures électriques. Ford a ainsi accepté de l’étendre à une future usine de batteries située dans le Michigan et GM a accepté de le faire dans une de ses entreprises.

En revanche, le syndicat n’a pas obtenu la semaine de 32 heures, qui faisait partie de ses revendications. Les salariés des Big Three resteront à 40 heures. Il n’a pas non plus réussi à rétablir pour tous les salariés, le régime de retraite traditionnel à prestations définies et les soins de santé des retraités qui valent pour les travailleurs embauchés avant 2007.

 

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