Le patronat israélien compte sur les indiens pour remplacer les travailleurs palestiniens : des syndicats s’opposent

 

Depuis le 7 octobre, les Palestiniens employés en Israël se sont vu retirer leurs permis de travailler. Conséquence : le patronat israélien de la construction se retrouve en pénurie de main-d’œuvre et cherche à les remplacer par des travailleurs indiens. Les syndicats indiens s’y opposent fermement.

 

« En ce moment, nous négocions avec l’Inde et attendons de savoir si le gouvernement israélien nous soutiendra. Nous espérons embaucher 50 000 à 100 000 travailleurs indiens pour assurer le fonctionnement de l’ensemble du secteur et le ramener à la normale ». Ce 1er novembre, Haim Feiglin, vice-président de l’Association des constructeurs israéliens, syndicat patronal, témoigne dans un reportage diffusé sur Voice of America (média d’Etat américain). Il expose, tranquillement, la solution qu’il a trouvé à la crise de main d’œuvre qui touche son secteur depuis le 7 octobre.

 

Le patronat israélien compte sur les indiens

 

Depuis l’attaque du Hamas, qui a fait plus de 1300 morts, dont un millier de civils parmi les Israéliens, le secteur de la construction est en partie à l’arrêt dans son pays. Et pour cause : environ 110 000 Palestiniens détenant un permis de travail en Israël se le sont vu retirer. La majorité d’entre eux travaillaient dans le secteur particulièrement pénible et dangereux de la construction. Au total, au moins 25% des travailleurs du secteur sont Palestiniens, estime l’Association des constructeurs israéliens. Dix pour cent d’entre eux seraient originaires de Gaza, le reste proviendraient de Cisjordanie.

Des chiffres largement contestés par les syndicats Indiens qui estiment que le simple nombre de travailleurs Palestiniens engagés dans la construction serait de 130 000. Et qu’ils pèseraient 65% à 75% des effectifs totaux de ce secteur. L’emploi massif de main-d’œuvre illégale pourrait en partie expliquer cette différence de données.

Mais quels que soient les chiffres les deux parties s’accordent : le secteur du BTP tourne au ralenti depuis le 7 octobre. Pour le patronat israélien, la solution est simple : il faut faire venir massivement des travailleurs indiens.

 

Front uni des syndicats indiens

 

L’idée n’est pas neuve. Cette pratique est déjà systématisée puisque les gouvernements israéliens et indiens ont signé, le 9 mai 2023, un accord cadre facilitant l’emploi de 42 000 Indiens en Israël (dont 34 000 dans la construction et le reste dans la santé). Pour les patrons du BTP, il s’agirait tout simplement d’amplifier ce mouvement.

L’idée glace évidemment les syndicats indiens. Ces derniers s’y sont d’ailleurs largement opposés dans un communiqué publié le 9 novembre. « Rien ne pourrait être plus immoral et désastreux pour l’Inde que cette « exportation » de travailleurs vers Israël », écrivent les dix syndicats signataires du communiqué. « Le fait que l’Inde envisage même d’ « exporter » ses travailleurs montre à quel point elle a déshumanisé et marchandisé les travailleurs indiens », continuent-ils.

Les syndicats dénoncent également la politique israélienne et ses impacts sur l’économie palestinienne. « Dans l’état actuel des choses, l’occupation coloniale de la Palestine a décimé son économie, provoquant des niveaux élevés de pauvreté et de chômage. Elle a eu pour conséquence de rendre les Palestiniens dépendent d’Israël en matière d’emploi », estiment-ils.

Ces derniers considèrent enfin qu’une telle initiative reviendrait à soutenir la politique du gouvernement israélien. « Une telle mesure équivaudrait à une complicité de la part de l’Inde avec la guerre génocidaire en cours menée par Israël. » Depuis le 7 octobre et le bombardement de Gaza, l’armée israélienne a tué plus de 11 500 personnes, dont une écrasante majorité de civils.

Les syndicats indiens demandent donc un cessez-le-feu immédiat ainsi que l’annulation de l’accord cadre sur l’exportation de main-d’œuvre signé le 9 mai par les deux pays.

 

Le gouvernement indien botte en touche

 

A quel point la requête du patronat israélien de la construction a-t-elle été entendue au sein des gouvernements israélien et indien ? Difficile de le savoir. Interrogé par la presse, le ministre des affaires étrangères indien, Arindam Bagchi, a déclaré, le 9 novembre, que son gouvernement n’était pas au courant d’une telle demande. « Un certain nombre de travailleurs indiens sont déjà employés, notamment en tant que soignants (ndlr : 20 000 personnes). Depuis 2022, nous discutons d’un cadre bilatéral dans les secteurs de la construction et des soins, mais il s’agit d’une initiative à long terme et je n’ai connaissance d’aucune demande spécifique ni de chiffres qui circulent ».

Côté Israélien, aucune déclaration officielle n’annonce que le gouvernement soutiendra l’initiative du patronat de la construction. Même si l’on peut constater que cette dernière est totalement en phase avec la politique économique mise en place par le gouvernement Netanyahu.

 

 

Crédit photo : Serge D’ignazio.