La CFDT remporte les premières élections au Comité social et économique (CSE) qui entérinent la fin des CHSCT à La Poste. Entre le 9 et le 14 octobre, quelque 165 000 postières et postiers ont voté pour désigner leurs élus dans de nouvelles instances représentatives du personnel. Déjà en 2022, au moment des élections CAP-CCP de la fonction publique, la CFDT avait chipé la première place à la CGT, dans un contexte de très forte progression de l’abstention.
En moins de quinze ans, l’addition des voix de la CGT et de SUD aux élections professionnelles à La Poste est passée de 51,55 % en 2011 à 36,65% en 2024. Moins 15 points. Aujourd’hui, les syndicats se revendiquant de la lutte sont bien loin d’être majoritaires dans les urnes.
Moins de postiers, moins de participation, plus de CFDT
Scrutin après scrutin, la baisse de la participation se confirme pour les élections professionnelles à La Poste. Elle était de 76,4 % – et même de plus de 80 % chez les fonctionnaires – en 2011, pour les élections au Comité technique national. Et encore à 73 % en 2018 sur l’ensemble du personnel, fonctionnaire et contractuel de droit privé. Depuis l’introduction du vote exclusivement électronique – à l’occasion des élections CAP-CCP de 2022 – la participation s’est écroulée à 52,39 %.
Le millésime 2024 confirme le phénomène, puisque un peu plus d’un postier sur deux a voté cette année. Une réalité encore plus marquée à la distribution du courrier et des colis, où les salaires sont plus bas qu’aux guichets ou à La Banque postale. En 2022 déjà : la participation de ses salariés aux élections était de 5 points inférieure à la moyenne, ce phénomène s’expliquant en partie par le fait qu’il est plus difficile de voter sur son temps de travail, en tournée, pour les 60 000 factrices et facteurs du groupe La Poste.
Il n’y a pas que la participation qui s’écroule. Le nombre de postiers inscrits (hors filiales) s’est littéralement effondré. De presque 240 000 en 2011, le nombre d’inscrits est passé à 202 000 en 2018, puis à 165 000 cette année. En 15 ans, l’opérateur postal a perdu 75 000 agents dans la maison mère, essentiellement à coup de départs non remplacés.
Dans ce contexte, les syndicats se revendiquant de lutte sont en fort recul. La CGT a perdu quasiment 9 points depuis 2011, alors que SUD a reculé de 6 points sur la même période, au bénéfice de la CFDT. Cette dernière est passée de 18,1 % à 22,7 % entre 2011 et 2024, et de quatrième organisation représentative à première. Autres bénéficiaires : un trio de syndicats (Unsa, CFE-CGC, CFTC) qui à eux trois cumulent plus de 20 % des suffrages exprimés. Parmi eux, la CGC profite d’un ratio de cadre en progression dans l’entreprise du fait des non-remplacements de départ à la retraite dans les classes 1 et 2, non-cadre et maîtrise.
Pour ces premières élections CSE, qui remplacent les Comités techniques et les CHSCT et fixent la représentativité de chaque syndicat, la CFDT s’ancre comme première organisation, devant la CGT qui réunit 20,59 % des votes. Suivent Force ouvrière avec 18,89 %, SUD à 16,04 %, puis la CGC avec 8,78 % (24,09 % dans le collège cadre). Les autres syndicats ne passent pas la barre des 10 % et ne sont pas représentatifs nationalement. Une fois pondérée, la représentativité des cinq syndicats est la suivante : CFDT 26,07 %, CGT 23,67 %, FO 21,71 %, SUD 18,46 %, CGC 10,10 %.
Une petite révolution à La Poste
La victoire de la CFDT à La Poste marque la fin d’une période syndicale. Celle où, comme dans d’autres entreprises publiques ou anciennement publiques, la CGT était majoritaire. Mais la véritable révolution n’est pas là. La mise en place des CSE à La Poste est « un séisme, car c’est la disparition des CHSCT », alerte Marie Vairon, secrétaire fédérale de SUD-PTT. Après ces élections, l’opérateur postal comptera 32 CSE pour 165 000 agents, couvrant l’ensemble des branches de son activité (courrier, colis, guichets…), contre plus de 600 CHSCT aujourd’hui. Malgré les ordonnances Macron de 2017, La Poste, détenue par des capitaux publics (Caisse des dépôts et consignation et État), conservait des survivances de droit public. Pourtant, sous l’impulsion d’une sénatrice du Modem, la loi postale a été modifiée le 22 novembre 2022 pour que l’opérateur bascule vers les instances représentatives du personnel du privé.
Concrètement, là où chaque département comptait plusieurs instances représentatives de proximité, les IRP (instances représentatives du personnel) s’éloignent considérablement des lieux de travail. Aux guichets, il n’y aura plus que 5 CSE pour toute la France, dont un pour l’Île-de-France. L’ensemble des plateformes industrielles courrier (PIC) seront réunies dans un CSE unique. Leurs élus géreront les centres de tri de Vitrolles (Bouches-du-Rhône) comme celle de Lesquin (Nord), très loin des personnels qu’ils représenteront, mais rencontreront rarement. Même chose pour les services financiers (La Banque Postale) réunis dans un seul CSE.
Par voie de conséquence, outre leur éloignement géographique, les représentants du personnel seront moins nombreux. Ils devront par ailleurs gérer bien plus de choses, ce qui exigera une montée en compétence qui accaparera leur temps et en laissera peu pour recueillir les revendications des personnels. Avec en corollaire, moins de droits syndicaux accordés par l’entreprise : « On avait un droit conséquent par rapport à beaucoup de boîtes du privé. Il permettait à la fois de participer à toutes les instances, d’organiser les collègues et de faire fonctionner l’interprofessionnel à Solidaires », explique Marie Vairon qui estime que les syndicats vont perdre 3/4 de leurs droits actuels. Ainsi le temps syndical dévolu à l’organisation des salariés sera en partie remplacé par du temps de représentation dans les instances. A froid, sans rapport de force construit avec les agents.
Une nouvelle donne qui inquiète SUD et la CGT qui réclamaient le maintien d’instances de proximité, mais qui contente la CFDT. Celle-ci estime qu’avec la mise en place des CSE, « son type de syndicalisme s’en trouve conforté ». Dans son magazine confédéral, elle explique y voir de nouvelles « opportunités de dialogue social » et valorise un changement de taille : les accords d’entreprise devront recueillir la signature de syndicats représentant 50 % du corps électoral, contre 30 % auparavant. Donc, avec les résultats des élections tombés hier, un accord national devra être signé par la CFDT, FO et la CGC pour être valide.
Ce qui en réalité ne devrait pas changer grand-chose signant la grande majorité des accords soumis à signature par la direction de La Poste.
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