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Dans les ports, la grève pour les retraites reprend

Annulée en juin 2024 pour cause de dissolution de l’Assemblée nationale, la grève nationale lancée par la CGT ports et docks a repris début février 2025. La fédération annonce une lutte de haute intensité pour obtenir que la réforme des retraites ne s’applique pas aux salariés des ports.

Depuis le début du mois de février 2025, la fédération CGT des ports et docks (FNPD-CGT) a déclaré de nombreuses dates de grèves. Les dockers et portuaires annoncent quatre heures d’arrêt de travail deux à trois jours par semaine, ainsi qu’une grève de 48 heures les 26 et 27 février. En plus de la grève, le 27 février sera marqué par une opération « port mort », soit le blocage total de plusieurs ports partout en France.

Cette mobilisation de grande ampleur n’est autre que la poursuite d’une première mobilisation avortée en juin 2024. A cette époque, la FNPD-CGT, qui syndique 80 à 90% des dockers et portuaires, avait déjà appelé à 14 dates de grève pour obtenir des mesures propres à leurs professions annulant les effets de la réforme des retraites. Mais deux jours après la première journée de mobilisation, Emmanuel Macron annonçait la dissolution surprise de l’Assemblée nationale. Le ministre des transport Clément Beaune, que la CGT ports et docks tentait de faire plier, devenait un ministre « démissionnaire » incapable de mener une négociation. La grève était reportée. Depuis, l’instabilité gouvernementale n’a pas laissé de réelle fenêtre de tir aux syndicats pour remettre en place un rapport de force. D’abord annoncée en décembre 2024, la grève des dockers a finalement été repoussée en février 2025.

Après la réforme du statut des cheminots en 2018 et la réforme des retraites en 2023, nombreuses sont les professions (cheminots, énergéticiens, employés de la RATP ou encore de la banque de France) à avoir perdu leur régime spécial de retraite. S’ils ne disposent pas de régime spécial, les dockers et portuaires* partent généralement à la retraite aux alentours de 55 ans grâce à différents dispositifs. Soumis à la dernière réforme des retraites, ils refusent donc de voir leur âge légal de départ repoussé de deux années. 

« Notre objectif, dans la profession, c’est le départ à 55 ans. On n’en déroge pas. On sait qu’au-delà un docker commence à fatiguer et que le travail devient dangereux pour lui. C’est un métier très dur, on a 8 ans d’espérance de vie en moins en moyenne », expliquait déjà Jérémie Julien, secrétaire général adjoint du syndicat CGT des dockers du Havre, rencontré en juin 2024.

Si les dockers et certains travailleurs portuaires ont pour habitude de partir à 55 ans, c’est notamment parce qu’ils sont éligible à la préretraite dite « amiante ». Celle-ci abaisse l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans moins le tiers de la durée de travail effectuée dans l’établissement exposé à l’amiante. Mais les salariés entrés le plus récemment dans la profession n’en bénéficient pas.

« Concrètement, un docker exposé à l’amiante pendant 15 ans peut partir à la retraite à 55 ans », continuait le syndicaliste. Mais ce dispositif ne s’applique pas à tous les dockers. « Tous les gars qui sont entrés après 2004, donc qui ont moins de 20 ans d’ancienneté, ne sont pas éligibles. Cela représente la moitié de nos effectifs. Or il y a toujours de l’amiante dans nos conteneurs ! ».

Les dockers bénéficient également d’un dispositif de pénibilité qui permet de partir à la retraite jusqu’à 4 années plus tôt s’ils cumulent 21 ans d’ancienneté en 2025. « Mais c’est 4 années en moins par rapport à 64 ans. Donc ça fait toujours 60 ans et c’est trop », tranchait le syndicaliste. À noter que l’amiante, la pénibilité, ou le cumul des deux, ne permettent pas à un docker de partir avant 55 ans. Ainsi, la FNPD-CGT exige que la reconnaissance de l’exposition à l’amiante soit reconnue jusqu’en 2027 et qu’une cinquième année de pénibilité soit accordée pour amortir les effets de la réforme.

Les enjeux de cette bataille des ports ne se limitent pas à leur seule dimension corporatiste. Alors que François Bayrou a (très légèrement) rouvert le dossier de la réforme des retraite, une victoire des dockers et portuaires sur leur retraite serait un signal positif envoyé à tout le mouvement social.

Photo de Une : Jérémie Julien, secrétaire général adjoint de la CGT des dockers du Havre lors du lancement de la grève de juin 2024. Crédit photo : Guillaume Bernard.