La lutte contre l’A69, projet d’autoroute qui relie Toulouse à Castres, pourrait s’intensifier sous peu. Alors que la découpe des arbres pourrait reprendre à partir de ce 1er septembre, les opposants, parmi lesquels des associations écologistes locales mais aussi des zadistes, appellent à un rassemblement à Saïx (Tarn) ce 28 août.
La lutte contre la construction de l’autoroute A69, qui relie Toulouse à Castres, est loin d’être terminée. « Le 1er septembre c’est la reprise des coupes [d’arbres]. Nous restons déterminé•es et allons multiplier les actions, nous n’avons pas le choix », expliquent des zadistes opposés au projet, lors d’une conférence de presse numérique ce 27 août. Le 28 août, soutenu·es par des collectifs locaux comme La Voie est libre, ils et elles organisent un rassemblement intitulé « Les arbres contre leurs engins » dans la commune de Saïx (Tarn), à 18h30.
Car le temps presse, le constructeur affirme voir le bout du tunnel. « Nous avons déjà coupé 95% des arbres nécessaires au tracé de l’autoroute, il ne reste que quelques hectares à abattre », assure Martial Gerlinger, directeur général d’Atosca, dans une interview donnée au Journal Toulousain. La mise en service de l’autoroute est prévue fin 2025.
Depuis 2023, dans la foulée de la répression subie par les militants écologistes à Sainte Soline et la tentative de dissolution des Soulèvements de la Terre, le chantier de l’A69 est devenu un enjeu national pour le mouvement écologiste.
Les 22 et 23 avril, plus de 8000 personnes se rassemblaient sur la commune de Saïx pour l’événement « Ramdam sur le macadam », la lutte entamée depuis 1996 n’avait jamais connu un tel engouement. Forte d’une visibilité nouvelle, elle s’est depuis fortement ancrée sur le territoire, notamment avec la mise en place d’une Zad s’opposant à la découpe des arbres, et donc à l’avancée des travaux. Un combat mené jours après jours qui expose fortement les militants à la répression.
La lutte contre l’A69 marquée par la répression
Dernier événement en date : l’attaque de la Cal’arbre le dimanche 25 août. « Nos tentes et nos affaires personnelles ont été détruites sous le rire moqueur des gendarmes. La vigie de 6m a été détruite alors qu’une personne se trouvait dessus, sa chute aurait pu être mortelle. Vers 22h les gendarmes sont partis mais les zadistes étaient debout », résume une militante.
« Merci aux Soulèvements de la Terre d’avoir initié un nouveau mode de lutte »
Outre les interventions de la gendarmerie, les zadistes ont aussi été la cible d’actions particulièrement violentes, dénoncées comme « fascistes ». Le 13 août, vers 3h du matin trois « miliciens » ont incendié la tente et le véhicule d’un militant. Un des zadistes s’est fait menacer à la gorge avec un objet « vraisemblablement un couteau » et un autre a été « aspergé d’essence », expliquent les militants sur leur canal Telegram. Les zadistes indiquent ne pas avoir porté plainte, car n’ayant « pas forcément confiance en la justice », mais le parquet de Castres a annoncé l’ouverture d’une enquête pour tentative d’incendie.
Plus récemment, dans la nuit du 25 au 26 août, vers trois heures du matin, Alexandra, locataire d’une maison située sur le tracé de l’autoroute, et vendue au concessionnaire, a vu des arbres de son jardin s’enflammer. « L’intervention des pompiers et des militants présents a heureusement permis d’éviter le pire », constate l’association La voie est libre, qui s’est fendue d’un communiqué à la suite de ces événements. Si la maison d’Alexandra a été vendue au concessionnaire, elle reste locataire de plein droit jusqu’en novembre 2025. Face aux pressions du concessionnaire qui souhaite l’expulser au plus vite, son habitation accueille des militants et s’est transformée en Zad, comme le raconte Reporterre.
Enfin, ce même média a également comptabilisé les gardes à vue, les poursuites et les détentions subies par les militants. Bilan début août 2024 : 130 personnes poursuivies, 60 procès passés et à venir, 7 personnes placées en détention, 44 personnes sous contrôle judiciaire et 27 privées de territoire.
Recours au sabotage
Contre l’A69, les modes d’actions sont divers, allant du sabotage aux poursuites judiciaires, en passant par les manifestations. De fait, plusieurs éléments posent question quant à la légalité du chantier, comme l’a révélé Mediapart.
« Mais le recours sur le fond ne sera pas examiné avant décembre 2024, voire janvier 2025. C’est pourquoi nous menons des actions contre le chantier », explique un zadiste. De fait, le sabotage est une stratégie assumée par les zadistes, qui rendent publiques certaines actions sans toutefois les revendiquer systématiquement. « Certaines action sont revendiquées, d’autres non », complète une autre. Ainsi, dans la nuit du 23 août, un « incendie spontané » a atteint un ouvrage d’art à Saïx, écrivent les zadistes sur leur canal Telegram. « Suite à cette action anonyme, le retard de chantier sur cette section est estimé à 3 mois », précisent-ils. Ce même week-end, une voiture de police a également pris feu.
De son côté, le concessionnaire Atosca indique qu’un de ses salariés, agent de sécurité, aurait porté plainte à la suite d’une agression « par trois individus cagoulés ». Le parquet de Castres a ouvert une enquête pour violences aggravées. Les zadistes se disculpent néanmoins : « Nous sommes contre la violence envers les personnes et nous entretenons de bon liens avec les travailleurs du chantier. Nous n’oublions pas que ce sont aussi des précaires », assure une zadiste. En attendant, la lutte contre l’A69 continue.
En savoir plus : Une autoroute pour 12 minutes ?
Les arguments contre la construction de l’autoroute A69 ne manquent pas. « La terre est notre outil de production. Recouvrir les terres agricoles de goudron sur 60 km c’est douloureux pour nous, paysans », rappelle Laurence Marandola de la Confédération Paysanne. « 160 agriculteurs ont déposé des avis défavorables au projet d’A69 pendant l’enquête publique. Leurs contributions ont été passées sous silence », précise-t-elle.
Mais outre les considérations écologiques – artificialisation des sols, destruction de la biodiversité, atteinte aux nappes phréatiques… -, l’utilité même de l’A69 questionne. Ses opposant•es font valoir que le gain de temps sur le trajet Toulouse-Castres serait minime (12 minutes selon eux, 25 selon les constructeurs) puisque le trajet de l’autoroute est quasiment parallèle à celui de l’actuelle RN 126. Ils insistent également sur le coût particulièrement élevé du trajet : 17 euros l’aller-retour.
En revanche, le projet s’annonce juteux pour ses constructeurs, le groupe de BTP NGE. Selon Mediapart, le futur exploitant de l’autoroute a obtenu une concession d’une durée de 55 ans. Si les prévisions de trafic sont correctes (environ 9 000 véhicules légers et 800 poids lourds en moyenne par jour), l’A69 offrira une manne financière à ses gestionnaires privés malgré un coût d’investissement estimé à 389 millions d’euros.
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