Et si une grande grève de l’éducation dans le 93 venait arracher plus de 2000 postes en 2024 ? Après avoir établi précisément les besoins de leur département grâce à des questionnaires pendant toute la fin d’année 2023, la CNT, FSU, SUD et la CGT s’y préparent. Il y a 25 ans, en 1998, les enseignants du 93 avaient obtenu 3000 postes après plusieurs mois de lutte.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, Simon Duteil, co-secrétaire général de Solidaires. Si, ce jeudi 21 décembre, les syndicats ont fait appel à leurs principaux dirigeants pour tenir un meeting ayant pour thème « un plan urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis (93) », c’est bien que quelque chose se prépare.
Depuis plusieurs mois, les équipes enseignantes des écoles, collèges et lycées de Seine-Saint-Denis ont reçu un questionnaire établi par les syndicats de l’éducation CGT, FSU, SUD et CNT de Seine-Saint-Denis. Et en cette fin de mois de décembre, ils en analysent les résultats.
« On a envoyé un questionnaire par établissement. Ils ont souvent été remplis en heure d’information syndicale. On sait depuis longtemps que nos conditions de travail se dégradent. Mais établir un diagnostic précis, c’est une première étape avant de commencer à exiger des choses », résume Louise Paternoster, co-secrétaire de la CGT Éduc’action 93.
Leur ambition ne se borne pas à tirer un – triste – état des lieux. En réalité, ces syndicats ne souhaitent rien de moins qu’organiser, début 2024, une grande grève de l’éducation dans le 93. Objectif : obtenir au moins 2000 postes supplémentaires, enseignants et autres travailleurs de l’éducation compris, dans le département le plus pauvre de France.
« Ça n’est pas inaccessible. En 1998, une grande grève de l’éducation a été menée en Seine-Saint-Denis », rappelle Émilie Benoît, co-secrétaire de Sud Éducation 93. En effet, à l’époque, les enseignants du 93 avaient arraché 3000 postes supplémentaires sur trois ans des mains du ministre Claude Allègre après plusieurs mois de lutte.
Le 93, un territoire éducatif sinistré
« La question scolaire est au cœur du département, contrairement aux idées reçues. C’est un département qui compte énormément de jeunes, plus de 1300 établissements scolaires et où de nombreux et nombreuses travailleurs et travailleuses sont formés chaque année », continue la syndicalistes. Pour autant, diagnostiquent les syndicats, le département souffre d’être le moins bien doté en matière d’éducation.
« C’est le territoire où il y a les plus d’enseignants contractuels. Au collège on est à 29 élèves par classe, alors qu’avant le seuil était de 25. En lycée pro, dans le tertiaire, on a des classes à 32. On pâti également d’une pénurie de profs, dans 8 établissements sur 10 on a au moins un personnel manquant. On a des besoins évidents dans les vies scolaires ou encore des AESH, des ATSEM, mais aussi en terme d’assistance sociale ou de médecine scolaire. Exemple concret : on a des élèves qui restent sans lunettes pendant des mois parce qu’ils n’arrivent pas à consulter…pendant ce temps c’est peu dire que la qualité de leur apprentissage en prend un coup », assure Louise Paternoster.
Les questionnaires diffusés par les syndicats dans les établissements scolaires du 93 font également remonter des problèmes de bâti… ou d’infestation de nuisibles. « C’est évident qu’il faut rénover le bâti. Dans les classes on fait parfois cours sous 40 degrés… ou 12 ! », dénonce la cégétiste.
Construire la grève de l’éducation dans le 93
« Le questionnaire va permettre de créer une plateforme commune à partir de laquelle mener une lutte. Ce qu’on va chercher, on le sait, c’est une enveloppe budgétaire supplémentaire pour le 93 », résume Émilie Benoît de Sud Éducation 93. Depuis le mois de novembre, les tournées syndicales ont déjà permis de prendre la température des collègues. « Les collègues sont fatigués, oui, ils ont subi trop de réforme pourries dont celle des retraites. Mais les équipes sont toujours prêtes à se mobiliser quand c’est important et à emporter les autres », continue l’enseignante. La syndicaliste estime que le mouvement devrait toucher en premier lieu l’enseignement secondaire. « Les collèges, les lycées généraux et les lycées professionnels seront sans doute les premiers à se mobiliser. C’est plus difficile de faire grève dans les écoles, où les équipes sont plus petites, où il y a donc moins de collectifs militants et de plus en plus de contractuels », continue-t-elle. Les enseignants pensent aussi pouvoir compter sur les parents d’élèves pour les soutenir. « En 1998, lors de la grande mobilisation du printemps, ils avaient été nombreux à se mobiliser. Nous espérons reproduire la même chose », affirme Louise Paternoster.
La première date de grève de l’éducation dans le 93 pourrait arriver dès la fin janvier. D’ici là il faudra multiplier les tournées syndicales et réunir des assemblées générales d’établissement, de ville « et au moins une à l’échelle du département, l’idée c’est que cette grève appartienne avant tout aux grévistes », conclut Émilie Benoît.
Crédit photo : Serge d’Ignazio
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.