Samedi 19 novembre, la manifestation contre les violences faites aux femmes, organisée par le collectif Nous Toutes aura lieu pour la cinquième fois. Si d’année en année, les participantes et participants sont chaque fois plus nombreux, le problème ne semble pas considéré à sa juste valeur par les pouvoirs publics. La faute à un budget insuffisant.
« Il y a des choses qui ont changé, mais ce n’est pas suffisant ». En évoquant les maigres progrès accomplis dans la lutte contre les violences de genre, Diane Richard est amère. Depuis 2018, le collectif Nous Toutes dont elle est l’une des coordinatrices nationales, organise une manifestation, en amont de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes qui a lieu le 25 novembre. Alors qu’il s’agira cette année de la cinquième édition, le bilan qu’elle dresse de l’action du gouvernement sur ce sujet est peu flatteur.
Des lois ont certes été votées, notamment pour mieux accompagner les victimes. Mais elles restent insuffisamment appliquées. « Par exemple, 4 femmes sur 10 demandant un hébergement d’urgence n’en ont pas », rappelle-t-elle d’emblée.
Ce qu’Emmanuel Macron avait présenté comme la « grande cause du quinquennat » ne paraît pas justifier qu’on y accorde suffisamment de moyens. Selon l’association Nous Toutes, 2 milliards d’euros seraient nécessaires pour lutter contre les violences faites aux femmes. Mais pour Diane Richard, le compte n’y est pas du tout. Or, « Ce qu’il faut pour appliquer une loi, c’est du budget et de la volonté », souligne-t-elle.
Des services publics en détresse, des violences qui continuent
Louise Delavier, responsable des programmes pour l’association En Avant Toutes, dresse le même constat. « Il y a eu beaucoup de communication sur le sujet de la part de l’État. Le côté positif, c’est que cela anime le débat public à ce niveau et que cela permet un meilleur financement des associations. Mais la plupart des services manquent de personnel. Il y a un appauvrissement du service public ».
Faute de moyens, les actions de sensibilisation de son association dans les établissements scolaires, sont difficiles. « Les professeurs n’ont pas le temps pour ce sujet, et on ne peut pas les en blâmer ! », regrette-t-elle. Depuis 2001, une loi impose trois séances d’éducation à la sexualité par an. « Mais ce n’est pas appliqué puisqu’il n’y a que 13 % des séances qui sont véritablement dispensées », souligne Diane Richard.
Ce manque de moyens a également des conséquences sur la prise en charge des victimes. « Dans les hôpitaux, les médecins ont moins de temps avec les patientes et donc moins de temps pour repérer des signes », s’agace Louise Delavier.
La violence au travail, autre grande oubliée des politiques publiques
Sur leur lieu de travail, les femmes sont loin d’être épargnées par la violence. « 30 % des femmes sont victimes de harcèlement sexuel au travail » pointaient les autrices d’une tribune parue dans Libération en juin 2021. Elles y soulignaient que « 70 % des victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur. Et pour cause, quand elles le font, 40 % estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée, voire un licenciement ». Elles proposaient ainsi plusieurs mesures concrètes comme l’interdiction du licenciement des victimes de violences conjugales, une augmentation des moyens attribués aux référents harcèlement ou des aménagements d’horaires pour permettre à ces femmes d’effectuer des démarches juridiques ou sociales.
Un an et demi plus tard, la situation ne semble pas avoir évolué. « On peut republier la tribune telle quelle », s’insurge Sophie Binet, dirigeante confédérale de la CGT en charge de l’égalité femmes-hommes. Pire : l’une des maigres consolations des signataires de la tribune paraît s’être envolée. À l’époque, le gouvernement travaillait en effet sur un projet de loi visant à ratifier une convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour lutter contre les violences faites aux femmes dans le cadre du travail. Le texte enjoignait ses signataires à « respecter, promouvoir et réaliser le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement ». Cette ratification était avant tout symbolique puisque le gouvernement n’envisageait pas de modifier la loi pour atteindre ce but, considérant qu’à moyen égal, l’objectif pouvait être rempli. Mais finalement, l’effort a dû lui sembler encore trop important : « il n’est même pas allé jusqu’au bout du processus de ratification ! », s’exaspère Sophie Binet.
En 2022, 110 femmes ont été assassinées en raison de leur genre, selon le Collectif Féminicides, qui a entrepris un recensement de ces meurtres. Dans l’immense majorité des cas, le meurtrier était un compagnon ou un ex-compagnon de la victime. Des manifestations auront lieu dans toute la France ce samedi 19 novembre. À Paris, le rendez-vous est donné à la place de la République à 14 h.
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