loi immigration

Avec la loi immigration, au moins 110 000 personnes, dont 30 000 enfants, basculeront dans la pauvreté en perdant leurs droits sociaux

Prime à la naissance, allocation familiale ou de rentrée scolaire, aides et droit au logement décent, allocation personnalisée d’autonomie, avec la loi immigration toutes ces prestations sociales et bien d’autres seront conditionnées à cinq ans de résidence sur le territoire national, ou à 30 mois d’activité professionnelle. Ce vendredi, le collectif « Nos services publics » édite une note pour détailler les conséquences concrètes de cette « préférence nationale » inscrite dans la loi.

 

À situation égale : 1621 euros de revenus mensuels pour Yasmine, 651 euros pour Sana. Pourtant toutes les deux ont 27 ans, vivent dans un logement social, sont aides-soignantes à mi-temps depuis deux ans et mères célibataires d’un enfant de un an.

Qu’est-ce qui les différencie ? Yasmine est française, alors que Sana ne l’est pas et réside depuis moins de cinq ans sur le territoire français. De ce fait, à cause de la loi immigration, bien qu’elle travaille et cotise, Sana perdra les allocations de soutien familial pour parent isolé, l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant ou encore l’allocation de logement social qui l’aide à payer son loyer. Elle basculera en dessous du seuil de très grande pauvreté. De même que son enfant. Les situations de Yasmine et de Sana sont des cas-types construits par le collectif « Nos services publics », dans son étude rendue publique ce vendredi 19 janvier, pour rendre compréhensibles les conséquences concrètes de la loi immigration.

 

 

Autre situation, autre inégalité. Deux jeunes célibataires de 21 ans, Mathieu et Amar, sont embauchés dans un fast-food. Ils y travaillent à temps partiel (70 %) pour un salaire net de 912 euros par mois. L’un est français, l’autre Égyptien. Bien que tous les deux contribuent au budget de l’État et de la Sécurité sociale pour un montant de 277 euros par mois de cotisations et contributions sociales, ils sont également assujettis à une inégalité de traitement. Mathieu bénéficie de 393 euros de prime d’activité et de 112 euros d’APL, portant ses revenus à 1412 euros mensuels. Amar qui ne touchait déjà pas la prime d’activité et voyait ses revenus ne pas dépasser 1024 euros, perdra ses droits à l’APL et ne pourra plus compter que sur son maigre salaire de 912 euros par mois. Alors qu’il était déjà sous le seuil de pauvreté, il passera désormais sous le seuil de grande pauvreté.

 

Tous égaux, mais certains moins égaux que d’autres avec la loi immigration

 

À travers les différents cas-types étudiés dans la note, le collectif « Nos services publics » montre l’étendue des droits qui deviendront conditionnés pour les étrangers du fait du seul article 19 de la loi immigration. Les prestations sociales coupées ressemblent à une liste à la Prévert : prime de naissance ou d’adoption, allocation de base versée jusqu’aux 3 ans de l’enfant, complément d’activité, complément au libre choix du mode de garde, allocations familiales, complément familial à partir du 3e enfant, allocation journalière de présence parentale pour les enfants malades, allocation de rentrée scolaire, allocation personnalisée d’autonomie pour les plus de 65 ans, aides personnalisées au logement (APL), droit au logement décent, allocation de soutien familial.

Pour le collectif : clairement « une préférence nationale » qui « aura des conséquences immédiates importantes » et qui « cible de facto les personnes les plus précaires et les enfants ». Des mesures qui devraient affecter au moins 110 000 personnes, selon une contribution adressée au Conseil constitutionnel par les économistes Elvire Guillaud, Antoine Math, Muriel Pucci et Michaël Zemmour. Au sein des ménages concernés : « au moins 30 000 enfants devraient subir une diminution des ressources disponibles pour leur logement, leur alimentation, leur santé et leur éducation ». Parmi eux, le nombre d’enfants vivant en situation de très grande pauvreté devrait doubler.

De plus, il s’agit d’estimations basses, basées sur les ménages dont les deux conjoints sont étrangers. En ajoutant les familles monoparentales et les couples dont seul l’un des conjoints est français – dont on ne sait pas encore exactement comment ils seront considérés par la loi – cela pourrait représenter jusqu’à 700 000 personnes privées de certaines prestations sociales en hypothèse maximale. Et 210 000 enfants touchés par une baisse de niveau de vie, dont 19 000 basculeraient dans la pauvreté, et 55 000 basculeraient de la pauvreté à la très grande pauvreté.

« Cette loi, c’est la pire régression, pas depuis 20, 30 ou 40 ans, c’est la pire régression tout court. C’est effrayant de constater que le RN n’a pas besoin d’être au pouvoir pour que soit introduit la plupart de leur programme présidentiel », s’alarmait auprès de Rapports de force, la juriste membre du GISTI Anna Sibley, au lendemain du vote de la loi le 19 décembre dernier. L’étude du collectif « Nos services publics », réalisée avec l’appui d’agents publics, d’économistes et de statisticiens spécialistes du système de protection sociale, en donne une illustration glaçante. À moins que la loi immigration ne soit censurée par le Conseil constitutionnel le 25 janvier prochain ou qu’un sursaut remplisse les rues de manifestants dimanche 21 janvier.