Vendredi 11 septembre, à la veille d’une journée nationale des Gilets jaunes, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a anticipé de quelques jours la sortie publique du nouveau schéma du maintien de l’ordre. Parmi les changements, il a annoncé l’utilisation par les forces de l’ordre d’une nouvelle grenade « moins dangereuse » dans les manifestations. Une appréciation qui ne convainc guère.
La fiche technique ne prête pas à confusion. La grenade à éclats non létaux (GENL), qui remplacera maintenant les modèles de grenade de désencerclement DMP et BDB, est classée en catégorie A2 par son fabricant, la société Alsetex. C’est-à-dire en catégorie matériel de guerre, tel que défini par l’article R311-2 du Code de la Sécurité intérieure. De ce côté, rien ne change. Pourtant, le très contesté ministre de l’Intérieur a mis en avant « un nouveau modèle offrant moins de projectiles en hauteur » et donc « une moindre dangerosité » comparée aux grenades précédentes.
Qu’en est-il réellement ? À ce jour, il n’existe pas de tests comparatifs rendus publics. Ni par le fabricant ni par le ministère. Cependant, les caractéristiques techniques disponibles glanées ici ou là font bien apparaître quelques différences. Contrairement à la BDB, le corps de la GENL reste intact avec son bouchon allumeur lors de l’explosion. Autre changement, la vitesse de projection et la force cinétique de chacun des 18 plots en plastique dur sont inférieures. Par contre, le nombre de plots n’évolue pas. De même, le caractère assourdissant est sensiblement identique : 160 décibels (dB) pour l’une, 144 dB pour l’autre sur une distance de 10 mètres. Soit toujours nettement au-dessus des seuils de dangerosité ou de douleur fixé à 120 bB.
Moins dangereuse que le modèle ayant blessé 100 personnes ?
« L’argument selon lequel la nouvelle grenade limiterait les projections en hauteur est tout bonnement fallacieux et mensonger », explique le collectif Désarmons-les. Pour ses membres, « la grenade une fois lancée rebondit et tourne sur elle-même, peut retomber dans n’importe quel sens ». De plus, elle n’est « jamais lancée par les policiers selon le protocole théorique défini ». Pour éviter les blessures graves, notamment à la tête elles doivent être lancées au ras du sol, indique le journaliste Maxime Reynier sur son blog Maintien de l’ordre. « Elles ne sont théoriquement utilisées que “dans le cadre d’autodéfense rapprochée et non pour le contrôle d’une foule à distance” », précise-t-il. Elles sont censées permettre à des policiers de se sortir d’une « situation d’encerclement ou de prise à partie par des bandes armées » explique leur code de déontologie.
Mais il ne nous a fallu que deux minutes pour trouver sur Twitter des vidéos dans lesquelles des policiers font un usage de grenades de désencerclement ne rentrant pas dans ce cadre. Lancé en cloche et donc potentiellement à hauteur de visage, usage offensif et non défensif, lancé en direction de journalistes ou de personnes filmant des affrontements entre la police et des manifestants : les exemples sont nombreux et concernent la plupart des unités engagées dans le maintien de l’ordre. De son côté, le journaliste David Dufresne a répertorié une centaine de personnes blessées gravement par des projectiles de grenade de désencerclement pendant le mouvement des gilets jaunes et celui contre la réforme des retraites.
Des blessures qui ajoutées à celles produites par les lanceurs de balles de défense et les grenades lacrymogènes explosives GLI-F4 sont responsables de milliers de blessés, dont 29 personnes éborgnées. Les nouvelles grenades feront-elles moins de blessés à l’avenir ? Les prochaines manifestations tendues répondront probablement à cette question. Mais d’ors-et-déjà, le collectif Désarmons-les en doute. « Encore une fois, on essaye de nous vendre ce mythe selon lequel une bonne formation et un bon protocole d’utilisation pourraient faire d’une arme autre chose que ce pour quoi elle a été conçue : blesser, voire tuer » écrit-il sur son site internet.
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