[Reportage photo] Plusieurs centaines de personnes ont défilé ce matin dans les rues du Puy-en-Velay. Parmi elles, Éric Durupt, un enseignant en grève de la faim depuis 19 jours pour que Madama obtienne un titre de séjour. Mais malgré l’urgence, la préfecture reste sourde aux demandes de régularisation du jeune malien, qu’elle veut maintenant expulser.
« Si nos demandes n’aboutissent pas, Madama sera arrêté et enfermé dans un centre de rétention en attendant une expulsion vers le Mali, ou condamné à la clandestinité. Nous ne l’acceptons pas », explique le texte d’appel à la manifestation de ce mercredi matin. Signé par des syndicats (Solidaires, FSU), des associations (RESF, LDH, Attac), un collectif de lycéens et des organisations politiques (UCL, EELV, FI, Génération.S), il réclame le « droit de vivre ici dignement » pour le jeune malien.
Madama est entrée en France en 2018. L’aboutissement d’un long et périlleux périple, alors qu’il était mineur. Depuis sa majorité, Éric et Véronique qui l’hébergent et l’accompagnent depuis deux ans se heurtent à un mur. Celui de la préfecture. Malgré la poursuite de ses études et la volonté d’un éleveur de le prendre en apprentissage, le préfet traîne des pieds depuis des mois. Inquiet après une convocation au commissariat par la Police de l’air et des frontières, puis las d’attendre une réponse qui ne vient jamais, Éric entame une grève de la faim le dernier week-end de janvier. Celle-ci dure depuis 19 jours aujourd’hui.
Ce mercredi matin, 300 personnes commencent à se rassembler à 10 h 30 sur place Cadelade. Elles seront bientôt rejointes par autant de jeunes, parmi lesquels de nombreux lycéens, mobilisés malgré les vacances scolaires. Une grande banderole blanche, sur laquelle est inscrit « Il vit ici, il reste ici, solidarité, régularisation pour Madama et les autres », ouvre la marche. Éric, Véronique et Madama suivent aux côtés des plus jeunes manifestants qui s’époumonent « siamo tuti antifascisti ». Direction la préfecture. Dans le cortège, de nombreuses personnes ont fabriqué leurs propres pancartes en carton.
Arrivés à destination, les organisateurs annoncent 800 manifestants (600 selon la presse locale). Une réussite dans cette commune de moins de 20 000 habitants. Les prises de parole s’enchaînent pour dénoncer le sort fait à Madama et à de nombreux jeunes comme lui. Une indignation ravivée par l’attitude du préfet en début de semaine. Lundi matin, la préfecture reçoit le jeune malien, non pour régulariser sa situation, mais pour lui proposer une aide au retour qu’il rejette, comme sa famille d’adoption. Le préfet considère que les documents reçu du Mali sur son identité sont faux.
Un moment de grande tension. Éric et Véronique ont été empêchés d’entrer pour l’accompagner, au prétexte de déclarations véhémentes faites dans la presse par le couple d’enseignants. Énervement, malaise et évacuation à l’hôpital pour Éric, victime d’un malaise, après deux semaines de grève de la faim. Ce qui n’a pas empêché le préfet d’annoncer qu’il prononcerait une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Mais le bras de fer est loin d’être terminé. Revigoré par les démonstrations de soutien ce matin, le combat d’Éric et Véronique se poursuit. Un recours sur la décision de ne pas régulariser Madama atterrira très prochainement au tribunal administratif. De même, qu’une autre sur l’OQFT. À moins que le préfet ne revienne sur sa décision.
En effet, la grève de la faim arrive dans une zone présentant des risques pour un homme âgé de 50 ans, à la veille de sa troisième semaine. De plus, les soutiens locaux se multiplient, la pétition demandant la régularisation de Madama atteint les 34 000 signataires et plusieurs syndicats de l’Éducation nationale ont pris position publiquement cette semaine en sa faveur.
Photos : Lucien Soyere
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