Souvenez-vous ! La loi travail 2, c’est-à-dire les ordonnances Macron du 22 septembre 2017. Ses facilités de licenciements, ses accords de branche ou d’entreprise prenant le pas sur le Code du travail, la disparition des CHSCT, etc. Ce jeudi, la Cour de cassation a examiné un point de litige toujours d’actualité : les barèmes fixant les dommages et intérêts des salariés licenciés abusivement.
C’est une partie des ordonnances de 2017, promulguées au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, qui a atterri ce jeudi 31 mars devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Ou plutôt, sa contestation par plusieurs conseils des prud’hommes et cours d’appel qui se sont référé à des conventions internationales, comme celle de l’Organisation internationale du travail (OIT), pour ne pas appliquer le plafonnement des indemnités en cas de licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».
Depuis maintenant plus de quatre ans, les dommages et intérêts que peuvent percevoir des salariés victimes d’un licencient abusif ne peuvent dépasser 3,5 mois de salaire pour un employé ayant moins de deux ans d’ancienneté. Et 20 mois maximum pour celles et ceux dont l’ancienneté est égale ou supérieure à 29 ans dans l’entreprise. Avec pour résultat une baisse de près de 20 % des indemnités versées aux salariés : 6,6 mois au lieu de 7,9 mois en moyenne. En une chute plus marquée encore pour les indemnisations maximales : 20 mois contre 37,5 avant la réforme du Code du travail. Un cadeau aux entreprises, surtout celles de plus de 11 salariés, qui en 2017 était formulé par Muriel Pénicaud dans la forme suivante : « ce que nous avons voulu, c’est sécuriser le cadre juridique du licenciement ». Évidemment, la sécurisation évoquée n’est pas celle des salariés licenciés.
La loi ou les conventions internationales ? Ou les deux en même temps !
Cependant, cette sécurisation des employeurs est contestée par certaines décisions de conseils des prud’hommes qui considèrent que le nouveau barème n’est pas en conformité avec certaines conventions internationales ratifiées par la France. D’abord avec la Charte sociale européenne qui précise que « les États s’engagent à reconnaître le droit des salariés licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ». Ici, le terme important est « indemnité adéquate ». En fixant un plafond, le législateur limite les conseils des prud’hommes dans leur prise en considération de la réalité du préjudice pour fixer une réparation adaptée. Mêmes enjeux avec l’article 10 de la convention 158 de l’OIT qui stipule que « le juge devra être habilité à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». C’est d’ailleurs cette institution, dont un rapport a été versé ce matin pendant l’audience de la Cour de cassation, qui avait été sollicitée sur ce point par la CGT et FO.
Au-delà des concepts juridiques — peu explicites pour des non spécialistes – soulevés par les parties sur le « in concreto » des indemnités ou la « conventionnalité » des décisions prud’homales, l’enjeu de la décision de la Cour de Cassation sera de savoir si les juridictions pourront continuer de déroger au barème fixé par la loi. Si tel est le cas, cela rendra quelque peu caduque cette partie des ordonnances de 2017 et représenterait un désaveu pour le chef de l’État, sur une réforme emblématique de son mandat. Fort opportunément pour lui, la Cour de cassation rendra sa décision le 11 mai. Soit après le second tour des élections présidentielles.
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