Samuel Paty, Covid-19, luttes, etc.

 

L’enquête, les hommages et les réactions politiques à l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine ont occupé l’essentiel de l’actualité cette semaine. À l’exception de l’aggravation de la crise sanitaire et des nouvelles mesures gouvernementales. Ces deux informations sont donc au cœur de ce huitième Récap Hebdo. Mais pas seulement.

 

Une semaine après le meurtre de Samuel Paty

 

Ce qu’on sait aujourd’hui

 

Sept personnes sont actuellement mises en examen dans l’enquête portant sur la décapitation de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) assassiné le 16 octobre, après avoir montré lors de ses cours des caricatures de Mahomet. Parmi eux :

  • Brahim C. le père d’une élève de 13 ans dont Samuel Paty était l’enseignant. Il est l’auteur de plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux demandant l’exclusion du professeur de l’Éducation Nationale pour avoir montré ces caricatures.
  • Abdelhakim Sefrioui, militant islamiste qui a encouragé Brahim C. dans sa campagne numérique et l’a même accompagné lors d’un rendez-vous chez la principale du collège le 8 octobre.
  • Trois proches de l’assaillant dont un qui l’aurait transporté jusqu’en région parisienne et un autre qui l’aurait accompagné acheter le couteau ayant servi pour l’attentat.
  • Enfin, la justice a déféré deux collégiens qui ont désigné l’enseignant lorsqu’il sortait de l’établissement contre de l’argent offert par le terroriste.

Depuis le début de l’enquête, 9 personnes placées en garde à vue ont pu sortir. Ils ne sont pas poursuivis pour l’instant. Abdouallakh Anzorov a-t-il agi de sa propre initiative ou sur l’ordre d’une organisation terroriste ? Pour l’heure, il est encore difficile de répondre à cette question. On sait qu’il avait échangé des messages avec deux personnes situées en zone irako-syrienne sans que leur contenu ne soit connu pour l’instant. On sait également que Brahim C. a eu des contacts téléphoniques avec le terroriste bien qu’il manque encore des éléments aux enquêteurs pour avoir une vision globale de leurs échanges.

 

Durcir le projet de loi sur le séparatisme

 

Après l’attentat de Conflans, le président de la République avait demandé aux ministres de la Justice, de l’Intérieur et de l’Éducation de réfléchir à des mesures qui pourraient « enrichir ou améliorer » le projet de loi sur le séparatisme. C’est chose faite : Jean Castex a annoncé vendredi 23 octobre deux nouvelles dispositions dans le projet de loi contre les séparatismes : la possibilité de sanctionner « ceux qui mettent en ligne des informations personnelles » menaçant « la vie d’autrui » et de celle de « pénaliser ceux qui font pression » sur les fonctionnaires. Le projet de loi devrait être présenté au conseil des ministres le 9 décembre.

 

Offensive contre les associations

 

Dans le viseur de l’exécutif : 51 associations que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qualifie « d’ennemies de la République ». Parmi elles, l’association Ummah Charity, l’ONG Baraka City ou encore le CCIF, collectif contre l’islamophobie en France. Ce dernier a jugé mensongères les accusations du ministre. Le collectif pro-palestinien Cheikh Yassine, auquel appartenait Abdelhakim Sefrioui a été dissout en Conseil des ministres mercredi 21 octobre.

 

Bilan du coup de filet de Darmanin

 

Après la vaste opération de contrôle annoncée par l’Élysée en fin de semaine dernière, Jean Castex a annoncé vendredi 23 octobre que « 56 visites domiciliaires sur 123 prévues » – préalables à une perquisition – avaient été effectuées au cours de la semaine. En outre, « 1 279 signalements à la plate-forme Pharos, service spécialisé chargé du recueil des signalements illicites sur Internet, ont permis 27 interpellations », a-t-il ajouté. Ces contrôles administratifs concernent des personnes déjà dans les radars des services de renseignement, d’après le gouvernement.

 

Observatoire de la laïcité

 

Matignon a annoncé mardi 20 octobre vouloir « renouveler » l’Observatoire de la laïcité. Dans le viseur : son rapporteur général Nicolas Cadène et son président Jean-Louis Bianco. Ils sont accusés de ne pas en avoir fait assez pour lutter contre l’islamisme et d’être « les premiers responsables des lâchetés et des compromissions » (notamment par Manuel Valls).

 

Des « ennemis intérieurs » de plus en plus nombreux…

 

Après l’extrême droite, puis le syndicat policier Synergie officier, ce sont Manuel Valls puis Bernard Cazeneuve qui ont ouvert le bal des accusations en responsabilité. Le premier très tôt, dimanche, pendant le rassemblement parisien de recueillement pour Samuel Paty. Le second lundi 19 octobre. Les deux anciens ministres de François Hollande tirant à boulets rouges sur la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon et une partie de la gauche accusées d’islamo-gauchisme par le premier et de faire « s’affaisser la République » par le second. Depuis, les vannes sont grandes ouvertes, et le nombre de personnes suspectées d’être des « ennemis intérieurs », des responsables, des complices, ne cesse d’augmenter. Après la France Insoumise, dans la bouche de plusieurs ténors du gouvernement, vient le tour de journalistes, notamment ceux du journal Mediapart. Mais aussi d’universités où l’islamo-gauchisme ferait des ravages pour Jean-Michel Blanquer, de l’Unef, de Sud Éducation, de la Ligue de l’enseignement, de celle des droits de l’homme. Et jusqu’à l’enseigne Carrefour, coupable aux yeux de Gérald Darmanin de favoriser le communautarisme avec ses rayons halal ou cacher. Rares voix un peu dissonantes dans le camp macroniste, celles d’Éric Dupond-Moretti ou d’Aurélien Taché, député ex-LREM, qui a eu des mots très durs à propos des déclarations de membres du gouvernement.

 

Choyés, les enseignants ?

 

« L’Éducation nationale, notre majorité l’a particulièrement choyée, et nous allons continuer de le faire », la déclaration de Jean Castex, moins d’une semaine après l’assassinat de Samuel Paty, illustre-t-elle le retour du bon vieux déni de réalité face à la condition des enseignants en France ? Alors qu’un mouvement de solidarité nationale a rassemblé des dizaines de milliers de personnes sur les plus grandes places de France à l’appel des organisations syndicales d’enseignants dimanche dernier, alors que Jean-Michel Blanquer a lancé, jeudi 22 octobre, un « Grenelle de l’éducation » afin de mettre davantage les professeurs « au centre de la société », les mauvaises habitudes ont vite repris le dessus. Car les enseignants, qui ont multiplié les mouvements de grèves depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron (contre les suppressions de poste, les retraites, la réforme du bac…) sont loin de se sentir choyés par le gouvernement. Et ce n’est pas le Grenelle de l’éducation, que Jean-Michel Blanquer remet au goût du jour depuis une semaine, et ses 400 millions d’euros posés sur la table pour revaloriser les salaires de près de 850 000 enseignants qui leur feront dire le contraire.

 

Crise sanitaire

 

Le point sur l’épidémie

 

La situation se dégrade nettement. La France a dépassé le chiffre record de 41 000 nouveaux cas positifs au coronavirus en 24 h le jeudi 22 octobre. Des contaminations qui touchent également de plus en plus les Ehpad. Le nombre de nouveaux clusters étant lui de 201 ce jour-là. Parallèlement, le taux d’incidence pour 100 000 habitants n’a cessé d’augmenter pour dépasser dans de nombreux départements et villes le seuil maximal d’alerte fixé à 250. Avec des records dépassant parfois les 1000 cas pour 100 000 dans les Hauts-de-France (Lille, Roubaix) ou la région Auvergne-Rhône-Alpes (Saint-Étienne, Grenoble, Lyon). De leur côté, les hôpitaux commencent à saturer dans certains départements. En cette fin de semaine, 40 % des lits de réanimation sont occupés par des malades Covid (2319 personnes), et même 75 % dans 15 départements.

 

Nouvelles mesures sanitaires

 

Le couvre-feu est étendu à 54 départements, a déclaré Jean Castex jeudi 22 octobre. La mesure, valable de 21 heures à 6 heures pour une durée d’au moins six semaines, sera appliquée à partir de vendredi à minuit. Désormais, 46 millions de personnes sont concernées. Depuis l’instauration des premiers couvre-feux le 17 octobre dans huit métropoles et dans la région Île-de-France, « 32 033 contrôles ont été effectués, pour 4 777 verbalisations », a également précisé le Premier ministre.

 

Les personnes vulnérables à nouveau reconnues vulnérables…

 

Un désaveu pour le gouvernement. Le 15 octobre, le Conseil d’État a suspendu le décret du 29 août qui réduisait la liste des critères de vulnérabilité au Covid-19 donnant accès au chômage partiel. Ainsi, le diabète, les pathologies chroniques respiratoires et l’obésité rejoignent de nouveau les catégories risquant de « développer une forme grave d’infection au SARS-CoV-2 ». Et ce tant que le gouvernement n’édicte pas un nouveau décret.

 

Les moins de 25 ans finalement concernés par l’aide de 150 €

 

Cafouillage et rétropédalage. Dimanche, Jean Castex a finalement expliqué dans le JDD que l’aide exceptionnelle de 150 € (plus 100 € par enfants) attribuée aux personnes les plus précaires serait également distribuée aux jeunes. À ceux bénéficiant des aides au logement comme aux étudiants boursiers. Matignon avait pourtant limité la portée de cette aide aux seuls bénéficiaires du RSA et de l’ASS quelques jours plus tôt. Seuls les 100 € par enfant devant être distribués aux personnes touchant les APL. Rarement les plus jeunes. Le Premier ministre a fait marche arrière après les protestations des associations de lutte contre la précarité et au lendemain de la journée mondiale de refus de la misère du 17 octobre.

 

Du côté des luttes

 

Mobilisation des Nokia

Les salariés du Nokia à Lannion étaient en grève lundi 19 octobre contre la suppression de 402 postes sur le site. Une centaine d’entre eux se sont rassemblés devant les portes de l’usine le matin avant d’aller ensemble déposer 402 CV à Pôle emploi l’après-midi. Le lendemain se tenait un nouveau comité social et économique central (CSEC) en région parisienne. Puis, ce vendredi, la direction de Nokia a annoncé réduire de 250 emplois son plan de licenciement initial calibré à 1233 suppressions de postes. Une partie de ces 250 emplois concernerait la création d’un centre de cybersécurité à Lannion.

 

Une prime chez STPI, un sous-traitant de PSA

 

Cinq jours de grève pour une partie des 200 salariés de la société de nettoyage industriel STPI du site sochalien de PSA et un accord mardi 20 octobre. En lieu et place d’une augmentation de salaire de 300 euros, ils ont obtenu une prime du même montant, l’avancée de 5 mois des négociations salariales annuelles et le paiement de deux de leurs journées de grève. Une prime qui sera renouvelée l’an prochain.

 

La marche des sans-papiers à Paris

 

Des milliers de sans-papiers, convergeant de plusieurs marches parties des quatre coins du pays un mois plus tôt, ont manifesté à Paris le samedi 17 octobre. Ils réclamaient la régularisation de tous les sans-papiers, la fermeture des centres de rétention administrative et un accès au logement. Lire notre article.

 

Eau, énergie, déchets : appel à la grève le 3 novembre

 

Cinq fédérations de la CGT (énergie, transports, construction, métallurgie, services publics) appellent à des arrêts de travail le 3 novembre pour défendre l’emploi et les services publics de l’eau, de l’énergie et des services des déchets. En toile de fond : les manœuvres dans le dossier Suez, Engie, Veolia. Et au moins un rassemblement à Paris devant le siège d’Engie, suivi d’un défilé dans le quartier de la défense.

 

Gilets jaunes : Amazon condamné

 

Licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». C’est le jugement du tribunal prud’homal d’Orléans lundi 19 octobre à propos du licenciement d’un salarié d’Amazon le 4 décembre 2018. Ce gilet jaune, employé à Saran dans le Loiret, avait appelé sur Facebook à bloquer l’économie et les entrepôts Amazon. C’était le 18 novembre 2018, au lendemain du début du mouvement des gilets jaunes.

 

Des soignantes en grève dorment dans leur Ehpad

 

La plupart des aides-soignantes d’un Ehpad du Val-de-Marne étaient en grève plusieurs jours consécutifs pour dénoncer la proposition d’accord de leur direction. Cette dernière souhaite introduire deux heures de pause obligatoire non payées au milieu du service des soignantes. Pause pendant laquelle elles pourraient intervenir à la demande. La direction invoque des problèmes financiers pour justifier sa proposition. Lire notre article.

 

Licenciements contestés dans l’informatique

 

Plusieurs rassemblements devant les sites de l’entreprise informatique ESI ont eu lieu cette semaine à Lyon, Aix-en-Provence et Rungis. En cause 9 « licenciements économiques », dont ceux d’un délégué syndical et d’une salariée en congé maternité, alors que l’entreprise de 320 salariés en France et 1200 dans le monde, a conservée toutes ses parts de marchés pour 2021, selon les dires de sa directrice générale. Le syndicats dénoncent des licenciements ciblés.

 

Protection sociale

 

Sécurité sociale

 

Alors que le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 44,4 milliards d’euros en 2020, l’Assemblée nationale a commencé l’examen du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) mardi 20 octobre. Malgré des dépenses de santé en hausse (+ 6 % pour l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie) pour faire face aux dépenses liées à la crise sanitaire (Ségur de la santé, masques etc.), à la création symbolique d’une cinquième branche autonomie ou à l’allongement du congé paternité, des économies sont encore prévues pour les hôpitaux. Et ce, à hauteur de 805 millions d’euros. À ce stade, les députés ont déjà voté dans la nuit de jeudi à vendredi l’instauration d’un forfait de 18 € en remplacement du ticket modérateur pour les patients dont le passage aux urgences ne déboucherait pas sur une hospitalisation.

 

L’Unédic encaisse la crise sanitaire

 

Un déficit « d’une ampleur inédite », selon les dernières prévisions de l’Unédic publiées mercredi 21 octobre. Les comptes de l’assurance chômage plongeraient de 18,7 milliards d’euros en fin d’année au lieu 25,7 milliards précédemment pronostiqués avant l’été. Mais bien plus que le 0,9 milliard projetés pour 2020 avant la crise du Covid-19. En cause : le report ou la disparition de nombreuses cotisations sociales côté recettes, et côté dépenses, l’indemnisation de 420 000 personnes supplémentaires liées à la crise économique et le financement délégué à l’Unédic de 8,3 milliards, pour la mesure d’activité partielle sans cotisations décidée par le gouvernement.

 

Et aussi

 

L’IVG toujours plus illégale en Pologne

 

Déjà extrêmement restrictive, la loi polonaise a encore réduit le droit à l’avortement. Au point de le rendre à peu près totalement interdit. Jeudi 22 octobre, le tribunal constitutionnel a rendu un arrêt rendant inconstitutionnelles les IVG dans le cas d’une « malformation grave et irréversible » du fœtus et d’une « maladie incurable ou potentiellement mortelle ». Ces deux motifs représentaient 98 % des 1100 avortements légaux pratiqués l’an dernier. Les seules raisons encore légales d’IVG en Pologne sont les cas de viols, d’incestes ou de menaces pour la santé et la vie de la mère.

 

Chili référendum

 

Quatorze millions de Chiliens sont appelés à se prononcer dimanche 25 octobre sur une nouvelle constitution. Celle-ci mettrait fin à la précédente, issue d’un référendum sous la dictature d’Augusto Pinochet en 1980, qui sacralisait le néolibéralisme. Le référendum à venir est la seule des revendications satisfaites du mouvement populaire commencé en 2019 (lire notre article).

 

Rapports de force censuré

 

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