Selon un premier recensement du syndicat Sud-éducation de Paris, 61 % des élèves venant des filières technologiques n’ont obtenu aucun de leurs vœux pour accéder à l’enseignement supérieur. Ce chiffre grimpe à 65 % pour ceux issus des lycées professionnels. Le syndicat dénonce une inégalité entre lycéens et un tri social par une sélection en défaveur des jeunes des classes populaires.
L’échantillon est encore mince, mais regroupe tout de même 1500 classes de terminale sur l’ensemble du territoire en date du 25 mai. Une tendance s’y dessine : le nombre de refus ou de placements sur liste d’attente est supérieur à la moyenne pour les terminales des filières professionnelles et technologiques. Il est en augmentation par rapport à l’année dernière. Une inégalité touchant aussi les élèves inscrits dans les filières générales d’établissements de quartiers populaires.
Les réponses « non » ou « en attente » concernent 87 % des lycéens d’une classe de terminale économique et sociale du lycée Maupassant à Colombes, selon le décompte du syndicat Sud. Même taux pour ceux d’une classe scientifique à Goussainville dans le Val-d’Oise. Les résultats sont encore plus édifiants dans certains lycées professionnels. Ainsi, 94 % des élèves ont vu leurs vœux refusés dans une classe à Asnières-sur-Seine, et même 100 % pour une terminale de la commune de Saint-Denis.
Le syndicat enseignant avance un taux moyen d’élèves sans aucune réponse positive atteignant 61 % dans les filières technologiques et 65 % dans les professionnelles, sur 1500 classes répertoriés. Une tendance confirmée par le collectif Touche pas à ma ZEP qui évoque sensiblement les mêmes chiffres. En tout cas, bien supérieur à la moyenne générale de 46,24 %, sur les 812 000 candidats au baccalauréat postulant à des études supérieures. Au soir des premiers résultats de Parcoursup, le 22 mai, 436 500 candidats au baccalauréat avaient vu au moins un de leurs vœux validé, même s’il s’agissait d’un vœu de secours.
Tri social
« Dans les établissements fréquentés par les classes populaires, il est possible de parler de tri social », affirme Brendan Chabannes, un des secrétaires fédéraux de Sud-éducation. S’appuyant sur les premières remontées en provenance des lycées, il enfonce le clou : « l’établissement d’origine compte encore plus qu’avant ». Pour appuyer son propos, le syndicaliste enseignant avance l’exemple du lycée Paul Éluard en Seine-Saint-Denis, où selon lui, 35 % des élèves ont une proposition pour l’année prochaine. Un chiffre qui tombe à seulement 23,5 % dans les filières technologiques.
Des résultats en recul qui s’expliquent en partie par les vœux de ces lycéens vers les filières sélectives que sont les BTS. « Ils n’ont pas le choix puisqu’on leur explique qu’ils ne pourront jamais aller à l’université. Par autocensure, ils demandent automatiquement les filières professionnelles courtes sélectives », explique Brendan Chabannes. Pour un nombre important de lycéens, la réponse est non pour chacun des vœux.
« À partir du moment où l’État gère la pénurie, ce sont toujours les mêmes qui sortent de l’entonnoir. Le budget étant insuffisant pour l’ensemble des gamins », dénonce Marie Buisson, enseignante en lycée professionnel et secrétaire générale de la fédération de l’éducation de la CGT. Au mois de mars, le gouvernement a promis la création de 22 000 places supplémentaires dans l’enseignement supérieur pour la rentrée, pour 28 000 nouveaux étudiants estimés. Pas de nature à résoudre un manque de places récurrent.
Bombe à retardement
Le nombre d’élèves de terminale sans place pour la rentrée prochaine se réduit au fur et à mesure que des lycéens reçus sur plusieurs de leurs vœux en valident un et se désinscrivent des autres. Mais si le gouvernement parie sur la longueur du processus, le manque structurel de places ne peut que le rattraper. Un mouvement des sans-facs pourrait voir le jour au mois de septembre ou octobre. À moins que, malgré l’approche des épreuves du baccalauréat, les lycéens décident de bousculer le calendrier.
Plusieurs établissements scolaires ont été perturbés depuis le 22 mai au soir et l’annonce des premiers résultats de Parcoursup. « En région parisienne, les élèves sont vraiment en colère. Nous avons des classes où il n’y a aucune réponse positive pour aucun élève », annonce Brendan Chabannes de Sud-éducation, relatant des débrayages à Toulouse, au Blanc-Mesnil (93) et à Gonesse (95). « Tous les professeurs qui ont pris leur classe mercredi matin disent que c’était super dur », relate Marie Buisson.
Elle évoque un système anxiogène pour toutes les filières et des lycéens découragés qui baissent les bras dans les établissements professionnels. « Dans les lycées de banlieue, des élèves ayant 15 ou 16 de moyenne en terminale scientifique nous disent : pourquoi on se bat, de toute façon il n’y a pas de place pour nous. » Mais, les résultats de Parcoursup ne produisent pas que du découragement, avertit-elle. La colère pointe aussi le bout de son nez.
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