Dépôt par dépôt, accord après accord, la direction de Transdev est parvenue à suspendre la grève qui perdurait depuis presque huit semaines au sein de la société de transport. Dernier accord en date : celui de Vulaines-sur-Seine, signé à l’issue d’une ultime réunion, le 28 octobre. Depuis, l’ensemble des conducteurs de bus ont repris le travail. Mais rien n’est tout à fait fini : selon les syndicats, les salariés envisagent de relancer la lutte en début d’année.
C’était l’un des dépôts les plus combatifs, et le dernier encore en lutte : celui de Vulaines-sur-Seine. Les conducteurs de bus y entamaient leur septième semaine de grève. Mais ce mardi 2 novembre, « tout le monde a repris le travail » décrit Jamel Abdelmoumni, délégué central Transdev Île-de-France Sud Rail. La lutte au sein de la société Transdev, initiée début septembre, a été longue et lourde à porter pour le moral et les finances. Certains salariés n’étaient déjà plus déclarés en grève, mais en arrêt maladie.
Le 28 octobre, une ultime réunion à Vulaines a donné lieu à la signature d’un accord de sortie du conflit. Il s’agit du dernier d’une série d’autres accords, signés successivement dans chaque dépôt en grève. Les syndicats espéraient des négociations communes ; mais la direction a joué sur la division. Le contenu des accords varient donc selon les établissements.
« On est loin d’avoir obtenu tout ce que l’on voulait garder »
L’accord obtenu à Vulaines ne satisfait pas complètement les grévistes. « On est loin d’avoir obtenu tout ce qu’on voulait garder », explique Jamel Abdelmoumni. Mais ici comme dans les autres dépôts de Seine-et-Marne, la lutte n’aura pas été vaine. Entre 180 et 200 euros mensuels, qui auraient été perdus avec l’application de l’accord socle, ont pu être préservés pour les conducteurs de Vulaines, estime le syndicaliste. D’autres enjeux, dont celui des amplitudes horaires, n’ont pas obtenu de réponses positives.
Vaux-le-Pénil fait également partie des accords les mieux négociés. Certaines primes qui devaient disparaître ont été maintenues. « Au niveau des revenus net, les collègues ne sont pas trop perdants », détaille Alexis Louvet, de Solidaires groupe RATP. « Parmi les points d’achoppement, il y avait le paiement des repas uniques : ils ont réussi à maintenir l’ancien accord, plus favorable. Ou encore, le déclenchement des heures supplémentaires après la 38ème heure de travail : là aussi, ils ont obtenu des choses ». En revanche, les conditions de travail resteront, là aussi, « fortement impactées ».
Dans ce bilan pour le moins mitigé, un soulagement demeure : les accords conviennent tous de l’abandon des poursuites judiciaires ou disciplinaires intentés contre des grévistes. Un point non-négligeable, dans un bras-de-fer qui fut marqué, dès le début, par une assignation au tribunal de deux grévistes.
Au cours de ces négociations, la mission de médiation confiée le 11 octobre par Ile-de-France Mobilités à Jean-Paul Bailly (ancien Président de la RATP et de La Poste) n’aura pas été constructive, de l’avis des syndicats. Ce fut même « un coup d’épée dans l’eau », juge Jamel Abdelmoumni. Après une première réunion mi-octobre, la mission avait repoussé à quinze jours plus tard sa nouvelle rencontre avec les responsables syndicaux. Celle-ci aurait dû avoir lieu dans la semaine du 25 octobre. Mais d’après les syndicats, elle ne s’est pas tenue. Et aucun échange n’a encore eu lieu concernant les accords obtenus.
Le moral des grévistes de Transdev toujours « combatif »
Le moral des troupes ? Il est « intact, et combatif » affirme Jamel Abdelmoumni. Les syndicats l’assurent : la grève n’est pas finie. Il s’agit seulement d’une « suspension de grève. On va continuer les discussions à l’avenir », promet Jamel Abdelmoumni. La nouvelle production (nombre de services, amplitudes horaires journalières…) sera mise en oeuvre par la direction de Transdev à partir du 3 janvier 2022. Avec cet horizon en tête, « les collègues sont prêts à repartir dès que possible en grève, afin d’assurer leurs conditions de travail » témoigne le délégué central. Au fil des dernières semaines, des liens « quasi familiaux » se sont créés entre les différents dépôts. De quoi mieux « nous connaître, nous souder ».
La coordination sera précisément un des axes d’amélioration, en cas de nouveau départ du mouvement. « Tout le monde a conscience que le rapport de forces a payé. Maintenant que l’on sait de quoi l’on est capable, il faudra une meilleure coordination », insiste Alexis Louvet. « Nous avons été surpris par le niveau de détermination sur certains dépôts, et avons peu anticipé le travail auprès des autres. Si c’était à refaire, on ferait davantage de boulot sur ces dépôts qui se sont mobilisés de manière moins forte, sans grève reconductible ». Les syndicalistes le reconnaissent : « on a mis du temps à se coordonner entre les différents dépôts, à faire des actions ensemble », admet Jamel Abdelmoumni.
Certaines amertumes demeurent. Les caisses de grèves n’ont pas été remplies à la hauteur des attentes. Pour tenir dans la durée, « il nous faudra aller chercher davantage de fonds », souligne Jamel Abdelmoumni. Enfin, les divergences entre syndicats pèsent. La CGT, qui n’est signataire ni de l’accord socle à l’origine de la grève, ni des protocoles de fin de conflit, « aura été invisible du début à la fin. Que ce soit en matière de communication, de présence sur les piquets de grève, d’animation du mouvement…» fustige Alexis Louvet. Ce retrait « interroge » le syndicaliste, à la veille des nouvelles élections syndicales. Surtout, il a eu pour effet un manque de relais de la lutte des Transdev au sein de la RATP. Alexis Louvet assure y avoir essuyé une « fin de non-recevoir » de la part de la CGT RATP.
Pourtant, le sujet est plus que jamais d’actualité en Ile-de-France. Le conseil d’administration d’Ile-de-France Mobilités a lancé, le 11 octobre, l’application des nouveaux accords à d’autres dépôts de Transdev. À terme, c’est tout le réseau de transports francilien qui est concerné par l’ouverture à la concurrence, impulsée par Valérie Pécresse. Dans d’autres régions aussi, les salariés de réseaux de transport ouverts à la concurrence « subissent à chaque appel d’offre le rabotage de leurs conditions de travail et de leur salaire », rappelle Alexis Louvet. « Il s’agit d’un sujet national ».
Ce mercredi 3 novembre, les délégués syndicaux de Transdev Ile-de-France se réunissent, afin d’envisager la suite. Ils s’accorderont, dès que possible, sur une première date de mobilisation en janvier. Alexis Louvet espère se mettre en lien avec les autres salariés des transports en lutte – à Reims, Valenciennes, ou encore Toulouse -, pour co-construire une journée d’ampleur nationale.
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