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Réforme de l’assurance-chômage : « Les chômeurs ne peuvent pas donner leurs points de vue »

 

Jacqueline Balsan, la présidente du Mouvement des chômeurs et précaires (MNCP) regrette que les chômeurs ne soient pas consultés lors des discussions sur la réforme de l’assurance-chômage. Son mouvement, le MNCP, dénonce une réforme qui va augmenter la précarité.

 

« Ce ne sont pas des tricheurs, ce sont des personnes qui cherchent du travail », rectifie la présidente de l’association de chômeurs. Les déclarations de la ministre du Travail sur les fraudeurs, comme celles de Christophe Castaner et de Pierre Gattaz sur les chômeurs profitant de leur allocation pour partir deux ans en vacances, l’ont ulcérée. La mise en avant du chiffre de 300 000 emplois non pourvus, voire 500 000 certains jours, par le patron du Medef pour justifier plus de contrôles, n’est pour elle qu’un effet de propagande faisant porter la responsabilité du chômage aux demandeurs d’emplois. « Même s’il y a 300 000 emplois non pourvus, il y a 3,4 millions de personnes dans la seule catégorie A (personnes n’ayant exercé aucune activité dans le mois) », rappelle Jacqueline Balsan. Pas de quoi donner du travail pour tous et résoudre la question du chômage pour la militante.

Le gouvernement souhaite dans le cadre de la réforme de l’assurance-chômage contrôler davantage les chômeurs et renforcer les sanctions à l’égard des « fraudeurs ». Ainsi, Pôle emploi pourrait réduire de moitié l’allocation pendant deux mois en cas de recherche insuffisante d’emploi, de refus d’une formation ou de deux offres d’emplois raisonnables. La moyenne des allocations chômage était de 1019 € brut en mars 2016. Amputée de moitié, il ne resterait pas grand-chose. Lors des premières discussions avec les représentants du patronat et des salariés, l’exécutif a annoncé sa volonté de porter le nombre de contrôleurs à Pôle emploi à 1000 contre 200 aujourd’hui. Ceci, malgré une réduction d’effectif de 300 postes pour l’opérateur public, votée à l’occasion de la loi de finances 2018.

 

Dessine-moi une offre d’emploi raisonnable

 

« Il n’est pas défini ce qu’est une offre raisonnable ou une recherche effective d’emploi », s’inquiète Jacqueline Balsan. Selon elle, « près de 80 % des offres d’emplois sont des CDD, la plupart de moins d’un mois. Quand on vous envoie une semaine ici, trois semaines là, il n’y a pas de perspectives de vie ». Une des raisons pour la présidente du MNCP, outre la rémunération et le secteur d’activité de l’emploi, expliquant que des chômeurs refusent certaines offres ou se découragent. « Un emploi représente des dépenses. Il faut s’habiller, se déplacer. Des personnes refusent parce que l’emploi est trop loin et qu’ils n’ont pas de véhicule ». Pour elle, il est parfois plus pénalisant de prendre un contrat court que de rester au chômage. « Après avoir travaillé une ou deux semaines, ils ont des difficultés à retrouver leur allocation. Il faut se réinscrire, l’employeur peut ne pas donner, ou se tromper, sur l’attestation Assedic. Ils peuvent avoir un délai de carence ».

La présidente du MNCP craint que sous couvert de contrôle, il s’agisse en réalité de sortir des chômeurs de Pôle emploi. Et ainsi, de baisser artificiellement les statistiques du chômage sans changer la situation des personnes. Avec force d’exemples, elle pointe une réforme risquant de pénaliser les plus précaires en les sortant de Pôle emploi : « Un monsieur est venu nous voir parce qu’il avait été radié. Il avait perdu son code personnel et n’utilisait pas sa boîte mail. » La fracture numérique concernerait de nombreux privés d’emplois. Jacqueline Balsan indique qu’avec la dématérialisation, l’inscription à Pôle emploi prend 40 minutes et interroge : « Et si la personne n’a pas d’ordinateur, ne peut se payer un abonnement, ne sait pas utiliser internet. Au lieu de les accompagner, on les enfonce. Ce sont les plus précaires qui sont pénalisés. Pôle emploi devrait recruter des conseillers pour accompagner au lieu de contrôleurs. »

 

Plus d’indemnisés, moins d’indemnités ?

 

Parmi les mesures annoncées par le gouvernement, l’ouverture de droits à l’allocation chômage pour les démissionnaires et les indépendants. Une mesure pouvant apparaître comme un progrès social. Pourtant, lors de la dernière réunion des partenaires sociaux jeudi 11 janvier, les syndicats de salariés ont rejeté les propositions du gouvernement. En effet, celui-ci souhaite pour les démissionnaires une durée d’indemnisation plus courte ou une allocation réduite.

Le MNCP affirme ne pas être opposé à l’extension des droits au chômage à de nouvelles catégories de la population. Mais pas à n’importe quelle condition. « Si le gâteau est le même, les parts seront plus petites. Comment va-t-on indemniser plus de personnes avec le même pactole », interroge Jacqueline Balsan qui n’envisage pas une baisse des allocations. Avant de rappeler la mesure gouvernementale allant dans le sens d’une réduction des moyens de l’Unédic : la baisse au premier janvier 2018 des cotisations chômage salariées. Un manque à gagner compensé par l’État cette année. Mais aussi le début d’une reprise en main des cordons de la bourse. Un autre sujet qui fâche.

 

Assurance contre assistance. Socialisation contre étatisation.

 

La suppression en 2018 des cotisations à l’assurance-chômage compensée par l’État pourrait être la première marche menant à une étatisation de l’Unédic. Une volonté affichée par l’État, mais qui rencontre une forte hostilité des organisations syndicales de salariés comme des associations de chômeurs. La présidente du MNCP affirme son attachement à un système de cotisation pour couvrir le risque. « L’assurance maladie, c’est je cotise et si je suis malade, je suis assuré. Pour le chômage, c’est pareil. La personne qui a cotisé doit être couverte. »

Les propositions du gouvernement signifient « une disparition du système assurantiel du chômage au profit d’un système d’assistance », affirme la militante. Avec la crainte que l’État ne procède à des coupes dans les allocations au grés des difficultés budgétaires. Pour elle, pas question de passer « d’un système de répartition, de solidarité à un système où l’on est sous tutelle de l’État ». Les négociations entre les partenaires sociaux dureront jusqu’à la mi-février, mais le gouvernement entend rédiger la version finale du projet de loi qui sera présenté au printemps. Peu probable donc que le contrôle des chômeurs et l’étatisation du système en disparaisse, malgré l’hostilité des syndicats de salariés et des associations de chômeurs.