Grève Gênes 3 octobre 2025 soutien Gaza

Grève générale en Italie en soutien à Gaza : Gênes au coeur du mouvement social

Une intersyndicale italienne a mené une grève générale vendredi 3 octobre en soutien à Gaza et pour protester contre les arrestations de la flottille humanitaire mercredi soir. 40 000 personnes se sont rassemblées à Gênes, lieu fort de la mobilisation, selon les syndicats. Après des rassemblements massifs ces dernières semaines, le mouvement social italien poursuit sa dynamique en réunissant étudiants, familles, dockers et travailleurs de différents secteurs dans cette ville portuaire majeure.

Les routes qui surplombent le port de Gênes étaient pleines ce vendredi. De quoi bloquer un noeud autoroutier majeur de la sixième plus grande ville d’Italie. Un appel à la grève générale a été lancé pour ce 3 octobre par l’USB (Union syndicale de base), la CGIL (Confédération italienne du travail), la CUB (Confédération italienne de base) et le CALP (Collectif autonome des travailleurs portuaires). 40 000 personnes se sont rassemblées à Gênes, le coeur de la mobilisation, selon les syndicats. Partout dans le pays, le privé mais aussi le public a été touché par des grèves dans les transports (bus, avions, trains), les écoles, les crèches, les universités – près de 3 000 étudiants ont défilé rien qu’à Gênes selon la presse italienne -, les services de santé et bien sûr les ports.

Cela fait plusieurs semaines que la mobilisation à Gênes fait le tour du monde. Manifestations massives le 22 ou encore le 27 septembre, actions de blocage des livraisons d’armes vers Israël par les dockers… Côté français, certains syndicalistes tentent de faire des ponts avec cette lutte italienne. Une délégation de dockers CGT étaient à Gênes cette semaine. Par la suite, un appel à 4 heures de grève dans les ports français a été lancé pour le 2 octobre. Un nouvel appel à cesser le travail deux heures le 10 octobre vient d’être annoncé par la FNPD-CGT (fédération nationale des ports et docks).

« On espère que l’intersyndicale choisira une stratégie de lutte et non plus une simple stratégie de mobilisation », soutient Serge Coutouris, secrétaire général adjoint de la FNPD-CGT. En s’inspirant, donc, de la constance du mouvement social genevois : « c’est impressionnant ce qu’il s’y passe. Nous sommes en soutien total », abonde le syndicaliste.

Giorgia Meloni, la cheffe d’État italienne, a bien essayé de disqualifier l’appel à la grève générale de vendredi en le jugeant « illégitime », dans un discours prononcé la veille. La Commission de garantie, organe visant à garantir des services publics minimum en temps de grève, l’a dans la foulée déclarée illégale. Dans ce cas de figure, des réquisitions sont appliquées, ainsi que des sanctions et amendes pour les grévistes.

Mais les syndicats ont vite réagi pour faire appel. L’examen de leur recours nécessitant quelques jours, les travailleurs ne peuvent être sanctionnés durant ce laps de temps. Pas de quoi faire flancher le mouvement social, donc. L’ancien secrétaire général de la CGIL, Sergio Cofferati, cité par La Repubblica, dénonce tout de même « une attitude hostile envers les travailleurs et un manque de respect total (…) Ceux qui renoncent à des avantages matériels pour protéger les droits de tous devraient non seulement respectés, mais aussi aidés ».

Deux cortèges se sont donc élancés vendredi matin dans les rues de Gênes : l’un mené par la CGIL, l’autre par l’USB. Des étudiants et collectifs autonomes sont venus gonfler les rangs des travailleurs. Certains ont mené des actions de blocage spontanés, comme l’occupation des rails de la gare de Sampierdarena, la troisième plus importante de la ville.

Le CGIL, plus important syndicat du pays, a rejoint l’appel seulement tardivement, le 2 octobre. Le facteur déclencheur a été l’arrestation de la flottille Global Sumud Flotilla. « Un tel rassemblement des syndicats du pays, ça n’était pas arrivé en Italie depuis très longtemps », souligne Valentina Gallo, porte-parole de l’ONG Music For Peace.

Cette ONG italienne (créée dans les années 90 autour des guerres en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo) vise à « venir en appui, en tant qu’organisation humanitaire, de la grève générale ». Elle a permis d’organiser, à partir du soir du 1er octobre jusqu’au 2 au soir, un sit-in et une mobilisation permanente sur le port de Gênes pour donner de l’élan à la grève. « 3 000 personnes ont répondu présentes le 1er au soir. En majorité des jeunes : lycéens, étudiants… Une centaine est restée sur place le lendemain en journée, puis c’est remonté le 2 au soir », détaille Valentina Gallo.

Music For Peace est mobilisée continuellement depuis le 25 août en vue du départ de la flottille. L’ONG est chargée de l’envoi du matériel vers Gaza et de la coordination logistique. « Cinq jours après l’appel de la flottille, on a commencé à recueillir les denrées alimentaires via des appels à dons. On s’attendait à récolter 40 000 tonnes de vivres : on en a récolté 500 000 », s’enthousiasme encore Valentina Gallo.

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L’ONG humanitaire a ensuite été moteur et co-coordinatrice du mouvement social aux côtés de l’USB et du CALP ces dernières semaines, permettant une jonction forte entre société civile et travailleurs. Ses ancrages de longue date, notamment auprès de la jeunesse, ont été un levier : « Tout au long de l’année nos actions sont consacrées aux jeunes, aux familles, aux sans-abris. Notre objectif aujourd’hui c’est que tout ce monde descende dans la rue, comme le font déjà les jeunes. On espère voir plus encore de personnes âgées, de personnes en situation de handicap, de familles… ».

Les alliances du milieu humanitaire avec le monde syndical se sont, elles aussi, construites sur le long terme. « On organise des festivals dont la vente de billets est reversée pour des actions sociales ou d’accès au sport pour les plus précaires, et ça, c’est déjà en collaboration avec l’USB. On prête aussi nos espaces aux syndicats quand ils ont besoin de lieux de réunions ou d’expression », retrace Valentina Gallo.

Les syndicats, collectifs autonomes et ONG italiens espèrent maintenant construire une date de mobilisation européenne. Pour l’heure, bien que certaines sources évoquent le mois d’octobre, aucune date n’a été arrêtée. Les assemblées citoyennes tenues cette semaine sur le port de Gênes ont particulièrement portées sur cet objectif. « J’espère qu’il y aura une date qui portera toute l’Europe dans la rue : la prise de conscience est nécessaire », insiste Valentina Gallo de Music for Peace.

En France aussi, la FNPD-CGT réfléchit aux côtés des Italiens à une journée européenne de mobilisation pour Gaza. Le syndicat européen des dockers, l’EDC (European dockworkers council), est un cadre d’organisation utile pour les travailleurs des différents ports du continent. D’autant qu’au-delà de la situation à Gaza, « il y a des discussions à l’échelle de l’UE pour militariser nos ports : ce que nous ne voulons pas », précise Serge Coutouris, le secrétaire général adjoint du FNPD-CGT. L’appel à la grève du 10 octobre, qui sera communiqué aux autres ports européens, apparaît comme une première pierre posée.

avec l’aide de Valentina Camu pour la traduction de l’italien au français.