Grève mondiale scolaire, marches pour le climat, manifestation contre le racisme et les violences policières, acte 18 des gilets jaunes et marches contre le pouvoir en Algérie : les dernières 48 heures ont été très chargées. Si vous aviez coupé la radio, la télévision et les réseaux sociaux, Rapports de force vous offre une séance de rattrapage sur les mobilisations nombreuses de vendredi et samedi.
Indéniablement un succès. La grève scolaire mondiale pour le climat a fait le plein en France dans plus de 200 rassemblements. Dans la matinée, 4000 lycéens, collégiens et étudiants ont arpenté les rues de Bordeaux et 5000 celles de Montpellier selon les chiffres donnés par les préfectures. Dans l’après-midi, 40 000 jeunes selon les organisateurs ont battu le pavé dans la capitale en criant : « Et un, et deux, et trois degrés ! C’est un crime contre l’humanité ». Ils étaient 29 000 selon la police, 12 000 à Lyon, 10 000 à Nantes ou encore 6000 à Lille. En plus de ces manifestations massives, une bonne centaine d’étudiants et lycéens ont occupé les bureaux du quartier de la Défense de la Société Générale dans la matinée. Objectif : dénoncer les investissements de la banque dans les énergies fossiles.
Des manifestations se sont aussi déroulées sur l’ensemble du territoire touchant des villes de taille réduite assez peu habituées à ce type de défilés. Ce 15 mars marque probablement l’irruption d’un mouvement de masse des jeunes sur les questions climatiques avec près de 200 000 d’entre eux mobilisés sur la journée. À l’échelle de la planète, la mobilisation dépasse largement le million dans 123 pays pour ce Friday’s for futur, lancé par la jeune suédoise de 16 ans Greta Thunberg à la fin de l’été 2018. De Sydney à Copenhague en passant par Mexico, Rome ou Berlin les jeunes ne sont pas allés en cours ce vendredi. Selon les organisateurs, ils étaient 150 000 jeunes à défiler dans 60 villes australiennes, 300 000 en Allemagne dont 20 000 à Berlin, 148 000 au Québec, 30 000 à Bruxelles, 100 000 à Milan, 15 000 au Luxembourg, 10 000 à Londres, 13 000 à Lausanne et 12 000 à Zurich en Suisse.
Au même moment de l’autre côté de la Méditerranée
Des manifestants par millions en Algérie. Le vendredi est aussi le jour des grandes manifestations depuis quatre semaines en Algérie. Ce 15 mars, c’est encore une marée humaine qui a déferlé dans les rues d’Alger comme la semaine précédente. Peut-être même plus selon certains observateurs. Des chiffres en centaine de milliers circulent pour plusieurs villes du pays, et une fois de plus les photos et vidéos publiées sur les réseaux sociaux sont impressionnantes. L’annonce la semaine dernière d’Abdelaziz Bouteflika d’annuler les élections du 18 avril et de ne pas se représenter pour un cinquième mandat n’a pas calmé l’ardeur des Algériens. D’autant qu’aucun calendrier de transition n’a été communiqué.
Pour la majorité d’entre eux, le résultat de ces annonces est inacceptable : le président reste en poste et son clan aussi. Ce, pour une durée indéterminée, le temps d’une conférence nationale devant déboucher sur de nouvelles élections dont la date n’a pas été fixée. « Dégagez tous », a crié la rue vendredi. Dans les cortèges, de nombreuses pancartes hostiles à Emmanuel Macron, accusé de soutenir le pouvoir algérien en place, ont été vues. Les manifestations monstres ont touché toutes les villes algériennes, notamment Oran, Constantine, ou Tizi Ouzou, où des centaines de milliers de personnes ont défilé selon le site d’information TSA Algérie.
Violences policières racisme d’État
Les conclusions de la contre-expertise médicale sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré au moment de son arrestation par des gendarmes le 19 juillet 2016 ont probablement donné du baume au cœur aux manifestants de la Marche des solidarités à Paris. Portées en début de semaine à la connaissance du juge d’instruction chargé de l’affaire, elles contredisent les conclusions de l’enquête et orientent la recherche des causes de son décès vers les conditions de son interpellation. Pour la manifestation parisienne contre le racisme d’État et les violences policières il y avait du monde derrière les trois banderoles de tête : 5000 selon le cabinet Occurrence qui compte certaines manifestations pour un groupe de médias, plus pour de nombreux participants.
Aux côtés du comité Justice pour Adama : des familles et proches d’autres jeunes tués par la police ou la gendarmerie, des sans-papiers, mais aussi des gilets jaunes venus dénoncer des violences policières qu’ils ont découvertes récemment pour nombre d’entre eux. Pendant la manifestation, des militants ont symboliquement mis un genou à terre en levant le poing pour entamer une minute de silence en hommage aux victimes. Un geste fort qui a été répété dans la marche pour le climat.
Marche climat en vert et un peu en jaune
Au lendemain de la grève scolaire, la marche du siècle pour le climat a de nouveau fait le plein. Quelque 100 000 personnes à Paris et 350 000 en France selon les organisateurs ont participé à cette cinquième marche depuis le mois de septembre. Un chiffre réduit à 45 000 à Paris par le cabinet Occurrence, et même 36 000 par la préfecture de police. Mais tout de même un indéniable succès et une mobilisation en hausse par rapport aux précédentes, quels que soient les chiffres retenus.
À Grenoble, 20 000 personnes ont défilé, alors qu’ils étaient 30 000 à Lyon ont annoncé les organisateurs. À Montpellier, 8000 marcheurs selon la police, plus de 10 000 selon le journal régional Midi Libre ont arpenté les rues pour réclamer « justice climatique et justice sociale ». Des cortèges imposants se sont formés dans de nombreuses autres villes : 8000 à Lille et Rennes, 5000 à Toulouse et Strasbourg et encore des milliers à Nancy, Rouen ou Clermont-Ferrand. Dans plusieurs localités, les gilets jaunes se sont joints aux marches pour le climat comme à Lyon et Marseille.
Acte XVIII des gilets jaunes
Fin du grand blabla, début des gros dégâts. Ce pourrait être le résumé d’une partie de la manifestation des gilets jaunes à Paris au lendemain de la fin officielle du Grand débat. Appelés à se mobiliser massivement dans la capitale pour l’occasion, 10 000 gilets jaunes ont répondu à l’appel et se sont regroupés sur les Champs-Élysées. Des affrontements violents avec les forces de l’ordre se sont produits sur l’avenue parisienne où plusieurs symboles du luxe ont été visés, dont le Fouquet’s qui a été pillé et incendié. Des appels pour un rendez-vous à Paris avaient également circulé dans les réseaux qui constituent habituellement les « Black bloc ».
Le ministère de l’Intérieur a communiqué en fin de journée le chiffre de 32 300 manifestants : en hausse par rapport au samedi précédent. Ils étaient environ 10 000 dans la capitale, et plusieurs milliers à Toulouse, Bordeaux ou Montpellier. Les chiffres du ministère pour mesurer la mobilisation des gilets jaunes ce samedi sont toutefois encore plus que d’ordinaire à prendre avec des pincettes : de nombreux gilets jaunes ont choisi de défiler dans les marches pour le climat. Le bilan sécuritaire de la journée à Paris est lui de 237 interpellations, 200 gardes à vue, et 42 blessés parmi les manifestants.
Suite aux affrontement dans la capitale, Emmanuel Macron a promis de nouvelles mesures et « des décisions fortes » en indiquant que pour lui toutes les personnes présentes se sont rendues « complices des violences ». La volonté du chef de l’État de faire porter une responsabilité collective aux 10 000 gilets jaunes présents sur les Champs-Élysées et le ton martial de ses déclarations, pendant le conseil de sécurité au ministère de l’Intérieur samedi soir, jette le trouble sur la nature des mesures qu’il pourrait prendre.
Après ces deux journées de multiples manifestations, un dimanche de repos s’impose avant de recommencer mardi. Le 19 mars, une journée de grève et de manifestations interprofessionnelles est appelée par trois organisations syndicales de salariés et trois organisations de jeunesse.
Faisons face ensemble !
Si les 5000 personnes qui nous lisent chaque semaine (400 000/an) faisaient un don ne serait-ce que de 1€, 2€ ou 3€/mois (0,34€, 0,68€ ou 1,02€ après déduction d’impôts), la rédaction de Rapports de force pourrait compter 4 journalistes à temps complets (au lieu de trois à tiers temps) pour fabriquer le journal. Et ainsi faire beaucoup plus et bien mieux.