Philharmonie de Paris : des salariés en grève virés du jour au lendemain

 

À la Philharmonie de Paris, trois salariés ont perdu leur emploi après avoir fait grève. Ils demandaient de meilleures conditions de travail. Du côté de l’entreprise sous-traitante City One comme de la Philharmonie, on nie tout lien entre la grève et la perte d’emploi.

 

Comment stopper une grève ? « En se débarrassant des grévistes » voudraient répondre certaines fractions du patronat. C’est en tout cas la méthode qui a été employée au sein de la Philharmonie de Paris. Les 20 et 21 octobre, plusieurs agents d’accueil travaillant au sein de cette structure musicale ont entamé une grève. Elles exigeaient de leur employeur, l’agence City One sous-traitante de la Philharmonie, une amélioration de leurs conditions de travail. La liste des revendications était longue, à la mesure des mauvaises conditions de travail de ces salariés. Majoration de salaire dès le premier dimanche travaillé, augmentation du montant du panier repas, meilleure organisation des plannings ou prime de langues, figuraient notamment parmi leurs demandes.

Depuis ce premier jour de grève, plusieurs demandes ont été, au moins partiellement, satisfaites. Ainsi, Thibaud de Camas, directeur adjoint de la Philharmonie, se réjouit par exemple qu’une majoration de 20 % dès le premier dimanche ait été obtenue. Mais les grévistes demandaient, eux, une majoration de 50 %. « On a fait un peu de benchmark et il n’y a pas d’autres structures avec des conditions aussi avantageuses que celle qu’on leur propose », rétorque Thibaud de Camas. Pour ce représentant de la Philharmonie, les demandes des grévistes seraient irréalistes. Il met par exemple en cause la demande d’augmentation de 10 %. « Il y a déjà eu une revalorisation de 8 % du SMIC », s’insurge-t-il, tout en reconnaissant que derrière ces demandes, se cache peut-être également « un contexte économique global » et un « sujet de précarisation de la jeunesse ».

 

Difficile de faire grève avec un contrat précaire

 

Le 30 octobre et le 19 novembre, les salariés lançaient deux journées de grève supplémentaire. Lors de cette dernière journée de grève, ils étaient 15 agents sur 17 à être mobilisés parmi ceux travaillant au sein du musée et des expositions. Seuls manquaient à l’appel les salariés travaillant pour assurer les concerts, un secteur pourtant clé. « Ce qu’on aimerait, c’est bloquer un concert, car ça aurait plus d’impact, souligne Léa, l’une des grévistes. C’est dur de les convaincre car les gens ont peur de ne pas être renouvelés ». Et pour cause : ces travailleurs enchaînent les contrats d’intérim d’un mois.

Dans une telle configuration, la grève du 19 novembre faisait donc office d’exploit. Une situation qui semble avoir déplu à City One puisque le contrat de travail trois grévistes n’a pas été renouvelé. Un licenciement qui ne dit pas son nom qui, selon leurs camarades, constituerait une mesure de rétorsion envers leur grève. Deux de ces salariés travaillaient depuis plus d’un an au sein de la Philharmonie. La troisième y était depuis plus de quatre ans. En guise de protestation, une grève spontanée a éclaté ce jeudi 24 novembre. Les salariés ont ainsi ajouté la réintégration immédiate de ces trois salariés, à la liste de leurs revendications.

Du côté de City One, les raisons évoquées pour justifier ce non-renouvellement ne sont pas les mêmes. « Les responsables ont dit que l’un des grévistes était viré car il était « avachis » un jour où il n’y avait personne. Ils ont dit qu’il ne faisait pas du bon travail. Mais il n’y a jamais eu aucun problème avec lui et que ça fait plus d’un an qu’il travaille ici », s’insurge Léa. Pour Thibaud de Camas, le fait que les salariés n’étant pas été renouvelés soit des grévistes « n’est pas le sujet ». Selon lui, les changements d’équipes seraient normaux et habituels. Le directeur adjoint de la Philharmonie dit regretter « un comportement assez agressif [qu’il] n’a jamais vu » de la part d’un « petit groupe de 10 personnes ».

« On ne discute pas avec un pistolet sur la tempe. Soit on négocie, soit on fait grève », assure-t-il. Un étrange dilemme auquel les salariés ne comptent pas se restreindre. Ils semblent plutôt bien déterminés à faire jouer le rapport de force pour obtenir gain de cause.