Selon la CGT, elles sont près de 700 000 dans le secteur du soin, de l’accompagnement ou du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie. D’ici 2030, les aides à domicile pourraient être 300 000 de plus, selon le ministère de la Santé. Pour la première fois, une journée de grève baptisée « 24 heures sans aide à domicile » leur est consacrée ce jeudi 23 septembre. Objectif : dénoncer des salaires indécents et des conditions de travail déplorables.
« On est les ouvriers du 21e siècle. On fait un remake de Germinal », s’exclame Laetitia Mouré, aide-soignante dans un service d’aide à domicile de la fédération des organismes sociaux dans les Pyrénées-Orientales. Et syndicaliste CGT. Assurément, les ouvrières de l’aide à domicile ont remplacé les mineurs. Ici, il s’agit d’un métier quasi exclusivement féminin : 96,4 % des aides à domicile sont des femmes, selon les données de La Branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile. Une structure qui regroupe plus de 226 000 salariés répartis dans 5022 structures prestataires. Soit un tiers du secteur.
Signe d’une précarité érigée en norme : 89 % des aides à domicile travaillent à temps partiel. Le plus souvent imposé, avec une moyenne de 108 heures par mois. Et un salaire brut moyen de 972 euros pour 15 ans d’ancienneté dans La Branche rappelle Laetitia Mouré. Une autre particularité de ce secteur est sa division en une multitude d’activités, de qualifications, de statuts et de conventions collectives, mais aussi de financeurs et d’employeurs. Sous le terme commun d’aide à domicile se retrouvent des activités de ménage, d’aide aux repas, mais aussi des toilettes ou des soins infirmiers. Des activités pouvant être fournies ou commandées par des associations à but non lucratif, des entreprises privées, des particuliers employeurs ou diverses structures publiques rattachées à l’hôpital ou à des Ehpad.
Fédérer des aides à domicile éclatées
« Une aide à domicile ou une auxiliaire de vie peut se retrouver dans tous ces secteurs. Elle fera le même travail, mais elle n’aura ni les même statuts ou conventions collectives ni les mêmes garanties en termes de financement ou de prise en charge des trajets », explique Mireille Carrot, qui pilote le collectif national aides à domiciles de la CGT. Une diversité qui ne favorise ni l’action collective ni les revendications communes. D’autant qu’une autre particularité de ses salariés sous-payés est l’isolement professionnel. « Dans le public, elles peuvent arriver à se rencontrer, mais pour la plus grande partie qui travaille directement auprès de la personne ou dans le milieu associatif, elles n’ont pas de temps d’échange collectif », prévient Mireille Carrot.
Pour autant, la syndicaliste assure que de très nombreuses salariées confrontées à des difficultés dans leur travail se déplacent dans les permanences des syndicats pour connaître et faire respecter leur droit. Une des raisons de cette journée « 24 heures sans aides à domicile ». L’autre étant que, de longue date, des militantes du secteur souhaitaient rendre visible la spécificité leurs réalités de travail et leurs revendications. Et ce, en dehors des journées plus larges dans la santé auxquelles elles sont associées. Une journée à elles pour rassembler toute la profession, quels que soient les statuts et types d’employeurs.
« Il est plus dangereux de travailler dans l’aide à domicile que sur un chantier »
Pour ce 23 septembre, les revendications des aides domiciles tournent autour de trois grands axes. D’abord une revalorisation des salaires, particulièrement bas pour ces invisibles de la première ligne pendant de la pandémie. Si quelques augmentations salariales ont été concédées récemment dans le secteur associatif, celles-ci sont à la fois réduites et inégales. De même, la prime liée à la Covid-19 n’a pas été accordée partout. En conséquence et avec leur temps partiel imposé, la plupart des aides à domicile ont toujours des rémunérations inférieures au SMIC.
Autre revendication : la prise en charge des frais réels de l’activité professionnelle, notamment les frais kilométriques, les aides à domicile utilisant leur véhicule personnel pour travailler. « Souvent, les filles ont des plannings gruyère. Elles font une intervention de 8 heures à 10 heures, elles ont un creux et reprenne de midi à 14 heures. Souvent, elles mangent dans des horaires décalés et dans leur voiture », explique Laetitia Mouré. La question des conditions de travail est donc aussi centrale que celle des salaires pour ces femmes dont l’amplitude horaire de travail est importante, accroissant la pénibilité de leurs métiers. Une pénibilité qui se retrouve dans les chiffres : « L’âge moyen d’un licenciement pour inaptitude est de 49 ans et demi après 5 ans d’ancienneté. Le taux de sinistralité est quatre fois supérieur à la moyenne. Aujourd’hui, il est plus dangereux de travailler dans le secteur de l’aide à domicile que sur un chantier », avance la militante CGT des Pyrénées-Orientales. Enfin, les aides à domicile réclament des formations qualifiantes.
Si les revendications posées par la CGT sont en phase avec les réalités vécues par les aides à domicile, la grève de ce jeudi ne sera pas pour autant une grève de masse. Les freins sont nombreux. D’abord, des payes très basses rendant difficile la perte d’une journée de salaire. Mais aussi des zones blanches syndicales dans certains départements et une information qu’il n’est pas aisé de faire parvenir jusqu’à ses salariées très isolées. Mais la grève devrait être plus large qu’une simple journée militante. « Quand l’info passe, on nous appelle pour savoir comment faire pour se mettre en grève », constate Mireille Carrot. Ce 23 septembre sera donc l’occasion de rendre visible nationalement ce secteur extrêmement précaire et de poursuivre le travail d’organisation d’un secteur qui pourraient regrouper bientôt plus d’un million de salariées sous-payées.
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