CDD

Assurance chômage : l’explosion des CDD de moins d’un mois coûte un pognon de dingue

 

Au cours des négociations sur l’assurance chômage, le patronat a mené une guerre de tranchées pour écarter toute forme d’accord sur l’instauration d’un bonus-malus sur les contrats courts. Ceux-ci coûteraient pourtant au moins deux milliards d’euros chaque année à l’Unédic, dont le déficit en 2018 est estimé à 2 milliards d’euros, contre 3,6 milliards en 2017.

 

Décrétera ou ne décrétera pas sur une taxation des contrats courts ? En tout cas, cette promesse d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle est toujours sur la table, comme l’a indiqué Édouard Philippe le 26 février au lendemain de l’échec des négociations sur l’assurance chômage entre syndicats et organisations patronales. Difficile en effet d’évacuer la seule mesure un tant soit peu favorable aux chômeurs et précaires parmi toutes celles envisagées. Et ce, même si le Medef y est farouchement opposé.

Le gouvernement avait exigé des « partenaires sociaux » une économie de 3 à 3,9 milliards d’euros sur trois ans pour réduire le déficit de l’Unédic, dont la dette a décollé après la crise de 2008. Elle est aujourd’hui estimée à 35,6 milliards. Au-delà de la question des contrats courts, que l’exécutif avait inscrit à son agenda, les pistes retenues sont toutes synonymes de reculs sociaux pour les demandeurs d’emploi. Au milieu de celles-ci, la révision des règles permettant de cumuler emploi et chômage, ou de celle fixant l’indemnisation des périodes chômées entre deux petits boulots, sonne comme une double peine.

Ainsi, celles et ceux qui subissent ces contrats courts, de plus en plus fréquemment imposés par les employeurs, seront sanctionnés par une précarité accrue pendant leur inscription à Pôle emploi entre deux CDD. Une précarité venant s’ajouter à celle de leurs contrats de travail lorsqu’ils sont en activité. Sur les 2,8 millions de chômeurs indemnisés par l’assurance chômage en 2017, environ 900 000 personnes sont concernées par ces dispositifs selon les chiffres de l’Unédic.

 

Plus 166 % de CDD de moins d’un mois depuis l’an 2000

 

L’explosion du nombre de personnes indemnisées par Pôle emploi entre deux contrats ne doit rien au hasard. Si la part des salariés en CDI par rapport à la totalité des emplois ne baisse que modérément – passant de 94,13 % en 1982 à 89,53 % en 2002 et 87,68 % en 2017 – le nombre d’embauches en CDD explose ces dernières années. La part de ceux-ci dans le flux d’embauche atteint 87 % selon les dernières données disponibles. En cause : la durée moyenne de ces contrats. Elle était d’un peu plus de 100 jours en 2005. Douze ans plus tard, elle est de moins de 46 jours. Et encore, ces chiffres ne révèlent que la partie immergée de l’iceberg de la précarité.

« Les périodes d’emploi de moins de trois mois sous CDD et intérim, qui ne représentaient qu’un peu plus d’une embauche sur trois en 1982, en représentaient en 2011 près de neuf sur dix », indique une note de l’Insee de 2014. Une tendance qui ne se dément pas aujourd’hui. Pire, la moitié des CDD ont une durée égale ou inférieure à 5 jours alors qu’un contrat sur trois ne dure qu’une journée selon le pôle études et statistiques du ministère du Travail. Ainsi, 17,6 millions de CDD ont été signés en 2017 contre 6,6 millions en l’an 2000. Soit une progression de 166 %. Le recours à l’intérim progresse dans le même temps avec 20,6 millions de missions contre 14,9 millions.

C’est surtout le secteur tertiaire qui est à l’origine de l’explosion des CDD de courte durée, et même de très courte durée. L’hébergement médico-social, l’audiovisuel et la restauration arrivent en tête des secteurs à emplois précaires. L’industrie et la construction, loin d’être vertueuses, ont plutôt recours à l’intérim qu’aux CDD comme types d’emplois temporaires. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) attribue à plusieurs facteurs cette augmentation dans un rapport de décembre 2018 commandé par le Sénat.

Outre la multiplication des types de contrats, citant l’introduction des CDD d’usage dans plusieurs secteurs d’activité, l’OFCE pointe en guise d’explication « la politique de baisse de cotisations sociales ciblée sur les bas salaires ». En effet, CDD et bas salaires fonctionnent bien ensemble. Le rapport signale que ces aides aux entreprises sont passées de 5 milliards en 2000 à 21 milliards d’euros en 2008.

 

Précariser plus sans payer plus !

 

Malgré les avantages qu’il a tiré des politiques publiques en matière d’emploi, le patronat ne veut toujours pas entendre parler d’un système de bonus-malus sur les contrats courts, dont il abuse et sur-abuse. Il préfère de loin la réduction, sous une formule ou une autre, des allocations pour les demandeurs d’emploi. Pourtant l’explosion des contrats courts n’est pas étrangère au déficit de l’Unédic, même si la conjoncture économique, et le taux de chômage qui y est associé sont la variable principale de l’état des caisses.

« L’assurance chômage est très exposée à la fréquence accrue du chômage induit par les contrats courts et raccourcis », indique l’OFCE dans son rapport, en précisant que le nombre de réembauches chez un même employeur est fréquent et « symbolise un usage rationnel du chômage temporaire ». Rien de totalement choquant pour elle : « l’assurance n’est pas réservée à des sinistres improbables, mais à des risques effectifs ». Mais, malgré un ton largement libéral, l’organisme de recherche n’oublie pas de signaler que le coût pour l’assurance chômage des contrats courts est excessif.

Sur ce point, l’OFCE rappelle qu’il est difficile de calculer le coût des contrats courts et reprend les chiffres de l’Unédic, dont la méthodologie est inconnue. Deux estimations circulent cependant : une basse et une haute. La première fait état d’un maximum de 9 milliards d’euros pour l’année 2016, la seconde d’un minima de 2 milliards. Un pognon de dingue au regard par exemple des montants que le gouvernement propose d’économiser en rabotant les indemnités des cadres. En tout cas, pour ce qui est d’inclure, ou non, le bonus-malus sur les contrats courts parmi les propositions du gouvernement, la réponse sera connu avant l’été. Par contre probablement pas avant les élections européennes.