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Chômage : la réforme au 1er octobre peut-elle avoir lieu ?


 

Le 12 juillet dernier, Emmanuel Macron annonçait que la réforme de l’assurance chômage s’appliquerait entièrement au 1er octobre 2021. Est-ce bien raisonnable, après une deuxième décision défavorable du Conseil d’État et alors que la situation sanitaire reste instable, rendant le marché du travail incertain ? Et surtout, est-ce possible ?

 

Déni, volontarisme creux ou communication hasardeuse ? En réaction à la décision du Conseil d’État du 22 juin de suspendre, huit jours avant son entrée en vigueur au 1er juillet, l’application du nouveau mode de calcul des allocations chômage, Élisabeth Borne affichait un hypocrite satisfecit. Dans un communiqué, la ministre du Travail expliquait le jour même que « la décision de suspension du Conseil d’État porte uniquement sur la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles de calcul de l’allocation chômage et non sur ces règles elles-même». Après une invalidation en novembre 2020 du premier décret réformant l’assurance chômage, c’est donc la seconde fois que la haute juridiction administrative envoie dans les cordes le gouvernement.

Certes, le Conseil d’État ne le fait qu’à la marge cette fois-ci, mais la décision sur le fond n’interviendra qu’en fin d’année civile. Et rien ne dit qu’elle ne pourrait pas être plus sévère avec l’exécutif en mettant plus à mal encore une réforme imposée de bout en bout. Mais malgré les nuages qui s’amoncellent, la ministre du Travail a indiqué que celle-ci s’appliquerait. Le Conseil d’État n’en veut pas le 1er juillet ? Qu’à cela ne tienne. Ce sera le 1er octobre. Deux semaines plus tard, Emmanuel Macron lui emboîtait le pas à l’occasion de son allocution du 12 juillet. « La réforme de l’assurance chômage sera pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre, autour d’une volonté simple : en France, on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu’en restant chez soi », sermonnait-il en mobilisant un argument crapuleux au passage. Et cela, au milieu d’une réaffirmation de la nécessité de travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite et de l’annonce coup de massue de l’extension du passe sanitaire obligatoire.

 

Une troisième bataille au Conseil d’État

 

Mais comment enjamber la décision contraignante du Conseil d’État, alors que ce dernier n’a pas encore rendu son jugement sur le fond du dossier ? Le site du ministère du Travail fixe la méthode : ce sera par un nouveau décret fin août ou début septembre. Le plus probable serait que le gouvernement reprenne à l’identique le décret du 30 mars 2021, suspendu le 22 juin par le Conseil d’État, en ne modifiant que la date d’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence. Ce qui reviendrait à faire peu cas de la décision du Conseil d’État. À moins que l’exécutif ne procède à des modifications plus significatives pour présenter au Conseil d’État un nouveau décret. Une formule qui serait un peu moins cavalière pour la haute juridiction administrative.

Mais dans ce cas, selon l’étendue des modifications envisagées, c’est Pôle emploi qui pourrait être mis sous pression pour reprogrammer en urgence ses logiciels afin de les adapter aux nouvelles règles de calcul des allocations. D’autant qu’il serait étonnant que le nouveau décret soit dévoilé avant les rencontres que Jean Castex a prévues avec les représentants du patronat et des syndicats les 1er et 2 septembre.

Quel que soit le scénario retenu par le cabinet d’Élisabeth Borne, le nouveau décret ne manquera pas d’être attaqué de nouveau par les syndicats de salariés, unanimement hostile à la réforme. En effet, le dernier décret avait été contesté par sept d’entre eux, la CFDT et l’Unsa ayant eux aussi saisi le Conseil d’État, contrairement à la première fois. Celui-ci devra donc se prononcer encore une fois en urgence sur la légalité du nouveau texte. Si seule la date d’entrée en vigueur de la réforme est modifiée, il sera bien difficile au Conseil d’État de se dédire trois mois après sa décision du 22 juin. En effet, les raisons qui l’on conduit à suspendre la réforme sont toujours présentes : une situation sanitaire instable qui rend la situation économique incertaine et fragiliserait fortement les demandeurs d’emploi sans remplir les objectifs affichés par le gouvernement avec cette réforme.

La volonté d’affichage réformatrice d’Emmanuel Macron risque de connaître une nouvelle déconfiture. Il ne lui resterait alors qu’à abandonner la partie centrale de cette réforme engagée il y a trois ans ou affronter en pleine campagne présidentielle une question politiquement inflammable.