Vous avez complètement ou partiellement décroché pendant les fêtes de fin d’année ? De l’assurance chômage en passant par les grèves qui ont connu des résolutions victorieuses, Rapports de force revient sur quelques-unes des infos importantes d’une trêve des confiseurs qui n’en a pas été vraiment une.
Pour les chômeurs, le père Noël est une ordure
Le vendredi 23 décembre en fin de journée, veille du réveillon de Noël, le gouvernement a envoyé son projet de décret sur la réforme de l’assurance chômage aux syndicats et au patronat. Ce dernier réduit encore les droits des chômeurs. Alors que le ministre du Travail avait annoncé fin novembre, une baisse de 25 % des indemnités à partir du 1er février, dès lors que le chômage passe sous la barre des 9 % au sens du Bureau international du travail, le texte présenté pendant les fêtes prévoit une coupe de 40 % si le taux de chômage passe en dessous des 6 %. Dans ce cas de figure, un salarié qui aurait eu droit à 24 mois d’allocation en perdant son emploi, avant le 1er février, n’aura droit après cette date qu’à 14 mois et quelques jours. Et l’addition sera encore plus salée pour les plus de 55 ans qui, au lieu de 36 mois d’indemnités, ne pourront plus bénéficier que d’un peu plus de 21 mois.
Ce nouveau coup de couteau dans le dos des chômeurs pendant les fêtes, intervient moins d’une semaine après la parution d’une note de l’Unedic présentant le bilan de la précédente réforme de l’assurance chômage. Celle-ci confirme un net recul des droits, avec moins d’ouverture à l’indemnisation, notamment pour les jeunes travailleuses et travailleurs et pour les intérimaires. Ainsi, le pourcentage de chômeurs indemnisés chute à 36,6 %, en recul de 4 points en un an. Pour ceux qui bénéficient d’une allocation, celle-ci baisse en moyenne de 16 %, et même de 20 % à 50 % pour 15 % des demandeurs d’emploi. Les économies réalisées de cette façon sur le dos des chômeurs sont estimées par la CFDT à 6,5 milliards d’euros sur la période 2022-2024. Et devraient augmenter avec la nouvelle réforme qui entrera en vigueur le 1er février 2023.
Pourtant, la perception du chômage et des chômeurs par les Français prend à rebrousse-poil ces réalités. Il ressort du « Baromètre de la perception du chômage de l’emploi » de l’Unedic, publié en décembre 2022, que 50 % des Français jugent les chômeurs responsables de leur situation. En hausse de 7 points. Alors que parallèlement la responsabilité des entreprises baisse de 2 points à 45 %. Également à rebours du nombre record de radiations à Pôle emploi au mois de novembre 2022 (58 000), en progression de 19 % par rapport au mois précédent, un quart des personnes interrogées pointent un « trop faible contrôle des chômeurs fraudeurs » comme cause du chômage. Et malgré l’effondrement du niveau des allocations, 24 % des Français pensent encore que c’est le montant des allocations versées aux chômeurs qui en est en cause. En hausse de 5 points.
Seul rayon de soleil dans ce flot de mauvaises nouvelles, des chômeurs ont occupé temporairement plusieurs agences Pôle emploi à Montreuil, Lorient, Lille et Marseille le 28 décembre, pour dénoncer la réforme en cours. Peut-être enfin les prémisses d’une mobilisation des demandeurs d’emploi pour défendre leurs droits. Et changer le regard sur leur situation.
Attaque terroriste contre les Kurdes à Paris
Des violences exercées contre des civils, hors temps de guerre, avec des motivations idéologiques, ici le racisme, nous font retenir le terme de terrorisme pour qualifier le meurtre de trois membres de la communauté kurde, devant le Centre démocratique kurde à Paris le 23 décembre. Ce jour-là un homme de 69 ans de nationalité française, muni d’un Colt 45 et de plusieurs chargeurs, a tué trois personnes et en a blessé trois autres. La première victime est Emine Kara, responsable du mouvement des femmes kurdes en France qui avait combattu contre l’État islamique et dont la demande de protection avait été refusée par l’OFPRA. La seconde victime est Miran Perwer, un chanteur kurde réfugié politique en France. La dernière victime, âgée d’une soixantaine d’année et également réfugiée, est Abdulrahman Kizil.
L’assaillant a été maîtrisé par plusieurs personnes, arrêté par la police, placé en garde à vue puis présenté devant un juge d’instruction le 26 décembre. Il est mis en examen pour « assassinat en raison de la race, l’ethnie, la nation ou la religion », « tentative d’assassinat en raison de la race, l’ethnie, la nation ou la religion », « acquisition et détention non autorisée d’arme de catégorie B » et « port d’arme de catégorie B prohibé ». Le parquet national antiterroriste ne s’est pas saisi de l’enquête pour l’heure. Le septuagénaire avait déjà été mis en examen, un an plus tôt, après avoir blessé, muni d’un sabre, des migrants vivant dans un campement à Paris.
Une manifestation a réuni 5000 personnes le samedi 24 décembre dans les rues de Paris. Le Centre démocratique kurde, qui incrimine la Turquie derrière ces assassinats, y a dénoncé un acte « terroriste et politique », alors que l’attaque a eu lieu au moment où devait se tenir dans ses locaux une réunion des femmes kurdes, pour préparer les manifestations du 7 janvier prochain, à l’occasion des 10 ans d’un autre assassinat. Celui de trois militantes kurdes de premier plan dans les locaux de l’association en 2013, pour lequel le secret défense n’a toujours pas été levé et l’implication d’Ankara toujours pas confirmée officiellement.
La grève des contrôleurs SNCF à Noël débouche sur un accord
À contre-pied de la frilosité à qualifier l’assassinat de trois militants kurdes à Paris de terroriste, la grève des contrôleurs SNCF a été l’occasion d’un retour massif des reportages sur les quais de gare invoquant une prise d’otage des usagers. Mais aussi d’un acharnement gouvernemental juste avant les fêtes : « À Noël, on ne fait pas la grève, on fait la trêve », pour ne citer que la sortie du porte-parole du gouvernement Olivier Véran le 21 décembre.
Mais le « cheminot bashing » d’avant réveillon s’est un peu renversé depuis. D’abord parce que l’accord conclut dans la nuit du 22 au 23 décembre entre la direction de la SNCF et quatre syndicats, qui prévoit des embauches supplémentaires et des mesures spécifiques pour les contrôleurs, aurait pu être signé plus rapidement. En réalité, l’annonce d’une grève à Noël était connue depuis plus de trois semaines et la direction aurait pu lâcher du lest plus tôt. En tout cas avant que les contrôleurs ne déposent leur « déclaration individuelle d’intention », obligatoire à la SNCF, deux jours avant la grève. Soit la veille de l’accord. Ensuite parce que les 2,2 milliards d’euros de bénéfices historiques du groupe ferroviaire, annoncés dans la presse trois jours après Noël, éclairent différemment les réticences de la direction à satisfaire les revendications de ses contrôleurs.
Une grève victorieuse à GRDF avant les fêtes
Après Enedis, GRDF ! La CGT revendique d’avoir obtenu 200 euros bruts d’augmentations pour l’ensemble des salariés de l’entreprise gazière, filiale d’Engie. Un accord a été signé le 20 décembre mettant fin à six semaines de conflit et améliorant un précédent accord signé le 18 novembre par la CFDT, FO et la CFE-CGC. Si la CGT n’obtient pas à proprement dit les 2,3 % d’augmentation de salaire supplémentaire qu’elle réclamait, elle arrache un « complément salarial mensuel compris entre 50 € (plancher minimum) et 87 € permettant une augmentation mensuelle de 200 € minimum sur l’année 2023 ! » applicable dès le mois de janvier. Un complément que la première organisation syndicale chez GRDF (48 %) compte pérenniser à l’occasion des négociations salariales pour l’année 2024.
Éducation : une grève en ordre dispersé en janvier ?
Nous vous en faisions part sur notre canal Telegram le 30 novembre dernier, quatre syndicats enseignants avaient annoncé une journée de grève en janvier. Celle-ci devait porter sur des revalorisations pour l’ensemble des personnels et s’opposer à la réforme du lycée professionnel et à celle des retraites. Sans donner de date précise à ce moment-là, pour cause d’attente du calendrier de mobilisation contre la réforme des retraites qui aurait dû être connu avant les fêtes. Mais l’annonce, le 12 décembre par Emmanuel Macron, du report au 10 janvier des conclusions gouvernementales sur la réforme a légèrement compliqué la situation.
Du coup, le 13 décembre, la FSU, premier syndicat dans l’Éducation nationale, a inscrit une journée d’action à l’agenda de rentrée. Ce sera le 17 janvier, afin de poursuivre et faire exister la mobilisation contre la réforme des lycées professionnels et celle pour de meilleures rémunérations. Une date qu’ont finalement décliné les syndicats CGT et SUD de l’éducation. Ces derniers préférant attendre une date interprofessionnelle attendue en janvier contre la réforme des retraites. À moins que l’intersyndicale sur les retraites, qui se réunira dans les heures suivant les annonces d’Élisabeth Borne, ne choisisse elle aussi le 17 janvier comme première journée de grève sur le sujet.
fêtes, fêtes
Faisons face ensemble !
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