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Concertations retraites : ça commence mal sur l’emploi des seniors


Le gouvernement dévoile à petits pas les contours de son projet de réforme des retraites. À l’occasion du premier round de concertations, les pistes sur l’emploi des seniors qui ont filtré sont loin d’être marquées du sceau du progrès social. Pourtant, selon plusieurs économistes, une augmentation de 10 points du pourcentage de salariés de plus de 55 ans restant en activité rapporterait plusieurs dizaines de milliards par an.

 

« Faire ça en trois semaines, ce n’est pas sérieux. On a l’impression qu’on nous occupe », estime Michel Beaugas en charge des dossiers sur les retraites et l’assurance chômage à Force ouvrière. Depuis mardi 11 octobre, Olivier Dussopt reçoit une à une les organisations syndicales et patronales pour un premier cycle de concertations sur la réforme des retraites. Habilement, le ministre du Travail commence par le chantier potentiellement le moins inflammable du travail des seniors, avant d’attaquer à partir du 7 novembre celui de « l’équité et la justice sociale », pour finir sur le cœur du projet d’Emmanuel Macron d’allongement de l’âge de départ à la retraite, avec un dernier cycle de discussions à compter du 28 novembre sur « l’équilibre du système de retraite ».

S’il ne fait pas grand mystère que la stratégie du gouvernement consiste à garder au moins une partie des syndicats le plus longtemps possible à la table des discussions, plutôt que de les voir tous ensemble défiler dans la rue, l’exécutif ne se donne pas vraiment la peine d’amortir la régression que représente le recul de l’âge de départ en retraite, par des contreparties significatives. Ce qui semble hypothéquer les espoirs, exprimés notamment par le négociateur de l’Unsa, d’obtenir suffisamment d’avancées sur les premiers dossiers pour rendre manifestement inutile la mesure d’âge que le gouvernement souhaite présenter à l’Assemblée nationale en janvier.

 

Faire payer l’Unédic, plutôt que les entreprises

 

« Si les seniors ne sont plus en emploi à partir de 50 ans, c’est bien parce qu’ils ont été licenciés et qu’ensuite plus personne ne veut les embaucher », clarifie au préalable Michel Beaugas. Le responsable de FO, qui doit être reçu vendredi matin rue de Grenelle, prône des mesures contraignant les entreprises à garder ou embaucher les plus de 50 ans. À l’opposé de ce souhait, Olivier Dussopt a évoqué dans la presse dès le week-end dernier un dispositif qu’il nomme « assurance-salaire ». En fait : la possibilité pour un senior au chômage de conserver une partie de ses indemnités s’il accepte un emploi à un salaire inférieur à son précédent travail. Une provocation ?

« On fait payer la caisse d’assurance chômage plutôt que l’entreprise » s’insurge le représentant de FO qui note que de surcroît cette baisse de salaire entraînerait automatiquement une baisse de la pension future au moment de partir en retraite. Sans compter que cette mesure exercera une pression à la baisse sur la rémunération du travail en permettant aux patrons d’être deux fois gagnants. Une fois en employant moins cher les salariés les plus âgés. Une autre fois en faisant payer la différence avec la rémunération antérieure par la collectivité.

 

Pas franchement de grain à moudre dans les concertations

 

Autre mesure qui aura du mal à convaincre les représentants des salariés : la réduction à 24 mois, au lieu de 36 mois, des indemnités chômage des plus de 53 ans, parce que selon le ministre, elle inciterait les employeurs à ne pas conserver les salariés les plus âgés. Une proposition qui agace pour le moins les syndicats : « Quelle est l’idée ? Que les seniors se retrouvent finalement sans emploi, sans retraite et sans indemnité chômage ? Toucher à ces règles, c’est uniquement prolonger et généraliser la précarité de cette tranche d’âge », déclarait Denis Gravouil de la CGT dans les colonnes du Monde en amont de la concertation.

Le reste des pistes avancées par Olivier Dussopt cette semaine est peu susceptible de déclencher l’enthousiasme des syndicats et de contrebalancer l’impression générale de reculs sociaux supplémentaires qui ressort des deux propositions déjà évoquées. Le cumul emploi-retraite que souhaite promouvoir le gouvernement, c’est-à-dire la possibilité pour un retraité de prendre un emploi et de continuer à cotiser pour améliorer sa retraite, illustre finalement le fait que de nombreuses pensions sont trop basses.

Enfin, ce ne sont pas les mesures à la marge sur la pénibilité permettant des départs anticipé à la retraite, appelé depuis cinq ans « compte de prévention », qui contrebalanceront le caractère régressif de la réforme à venir. À ce stade, le gouvernement ne souhaite pas revenir sur la décision prise au début du premier mandat d’Emmanuel Macron – vivement saluée à l’époque par le patronat du BTP – de supprimer quatre critères de pénibilité : manutentions de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques. Pourtant sans donner au moins des gages sur ce point, il sera difficile pour le gouvernement d’obtenir une sorte d’indulgence de la CFDT qui reste hostile à un allongement de l’âge de départ à la retraite.