Grève Teleperformance écart salarial centres d'appel, Portugal, février 2024

Débrayage à Teleperformance, entreprise du CAC 40 championne de l’écart salarial


Une journée de grève et de mobilisation a été lancée par Sud PTT ce jeudi, jour de l’assemblée générale de Teleperformance, leader mondial des centres d’appel, dont le siège se trouve en France. Le syndicat dénonce des négociations salariales au point mort, alors que l’écart salarial à Teleperformance est tel que le PDG y gagne 1 400 fois plus que les employés, selon l’ONG Oxfam.

 

Ce jeudi, à l’entrée de l’assemblée générale de Teleperformance, la direction et les actionnaires ne seront pas tout à fait tranquilles. Le syndicat Sud PTT a lancé un appel à la manifestation sur les lieux, dans le cadre d’une journée de grève des employés du leader mondial des centres d’appel.

Pas de quoi assombrir non plus la journée de ces actionnaires : le groupe, membre du CAC 40, se félicitait fin avril d’une croissance de +26,7%. Pas moins de 244 millions d’euros leur seront donc reversés cette année sous forme de dividendes, expose un communiqué de Solidaires et Sud PTT.

Malgré ces résultats florissants, la direction a en revanche informé les organisations syndicales « qu’elle ne souhaite pas d’augmentation des salaires », épingle Sud PTT. Les NAO (négociations annuelles obligatoires) sont en cours dans l’entreprise depuis le 26 mars. Or, cette année, leur budget a été divisé par trois, « passant d’un million d’euros à 350 000 euros », précise Issam Baouafi, délégué syndical central Sud à Teleperformance.

« La direction nous a bien fait savoir qu’elle ne ferait pas beaucoup d’efforts pour nos salaires cette année », abonde encore Issam Baouafi, plus de vingt ans d’expérience dans l’entreprise au compteur. « Pour nous c’est impensable, au regard de l’inflation et des petits salaires dans l’entreprise ».

 

Record de l’écart salarial chez Teleperformance : le PDG gagne 1453 fois plus que les employés

 

Le salaire moyen mensuel chez Teleperformance est en effet inférieur à 1200 euros. Le PDG Daniel Julien, lui, gagne 19 millions d’euros par an. Soit 1453 fois plus que les salariés, d’après une étude d’Oxfam parue fin avril. Teleperformance remporte ainsi le titre de l’entreprise du CAC40 championne de l’écart salarial, selon l’ONG. Et « de loin ».

Contactée par l’AFP, Teleperformance s’est défendue en dénigrant un calcul « purement théorique et non réel » de la part de l’ONG, dans la mesure où la rémunération du PDG inclut des « actions de performance » dépendant des objectifs réalisés et du cours de la Bourse – où le groupe voit sa cote baisser.

En moyenne, les patrons du CAC 40 ont gagné 130 fois plus que le salaire moyen dans leurs entreprises en 2022, synthétise Oxfam. Cet écart salarial a augmenté d’environ 17 % depuis 2019. « Il est urgent de lutter contre cette injustice salariale et de mobiliser les salarié·e·s pour des conditions plus équitables », insiste Sud PTT dans son communiqué.

Centres d’appel : de la Grèce à la France, les téléconseillers précaires en grève

La séance de NAO lors de laquelle la direction de Teleperformance devait donner sa position finale aurait dû avoir lieu hier, mercredi. Elle a finalement été reportée au 6 juin.

En 2022, les syndicats avaient obtenu 80 euros d’augmentation des salaires. En 2023, les syndicats étaient plus divisés – contrairement à d’autres, Sud PTT n’avait pas signé : « il y avait trop de différenciation dans les augmentations », explique Issam Baouafi. « Certains avaient obtenu 25 euros, d’autres 120, d’autres rien du tout . Cette année, son syndicat exige 100 euros d’augmentation. « Pour tout le monde », insiste-t-il.

 

Des débrayages depuis le début de l’année

 

Mi-mars et fin janvier, les téléconseillers des centres d’appel français, notamment chez Teleperformacnce, avaient débrayé à l’appel d’une intersyndicale (CFDT, CFTC CGC, FO, CGT Sud-Solidaires). À l’issue de la grève de janvier, les employeurs de la branche avaient proposé « près de 2% d’augmentation, pour remonter juste au-dessus du SMIC les plus bas salaires », nous racontait Frédéric Madelin, négociateur de branche P2ST (prestataires de services du secteur tertiaire) pour Sud PTT.

Pas de quoi rattraper le décrochage : depuis 2005, les salariés du secteur ont perdu « entre 60 et 300 euros mensuels », par comparaison avec l’évolution du SMIC, estime le syndicaliste. « Il nous faut la mise en place d’une grille suffisante pour les prochaines augmentations du SMIC, pour faire face à l’inflation, à la hausse des prix de l’énergie… On ne demande pas juste à être au SMIC : on demande un vrai salaire ».

La journée de mars, ensuite, a pris une dimension internationale, avec de fortes mobilisations en Grèce. Les grévistes de Teleperformance, comme de Concentrix – autre acteur majeur du secteur – y avaient obtenu, sur les sites les plus mobilisés, l’ouverture de négociations sur des revalorisations salariales.