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Des bureaux de non-travail pour dénoncer la réforme du chômage et du RSA

Alors que le gouvernement modifiera les règles d’indemnisation de l’assurance chômage fin 2022 ou début 2023, le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) lance sa « guérilla médiatique ». Le but : sensibiliser et mobiliser les demandeurs d’emploi à travers l’installation de bureaux de non-travail. Mais aussi les allocataires du RSA pour qui le gouvernement lance une expérimentation de versement conditionné des minimas sociaux à 15 à 20 heures d’activité par semaine.

 

« Il faut que tu travailles absolument ! Mais qu’est-ce qu’on va offrir aux allocataires du RSA ? Du travail débile ? » s’agace Jean-Marc Talamoni. Le président de la Maison des chômeurs de Montpellier s’interroge sur le type d’activités auxquelles les allocataires seront contraints. « Ces 15 ou 20 heures seront-elles rémunérées ? » s’indigne-t-il également d’avance, alors que la question n’a pas été évoquée par le gouvernement, au lancement de l’expérimentation dans une dizaine de départements prévu début 2023. En effet, le revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule s’élève aujourd’hui à 598 € par mois. Or, 20 heures travaillées par semaine représenteraient 750 € si elles étaient rémunérées au salaire minimum.

Avant que le RSA conditionné ne se généralise, début 2024 selon les dires de l’exécutif, les membres de la Maison des chômeurs de Montpellier distribuent des tracts, ce mardi 25 octobre, devant la Sécurité sociale et ont installé leur « bureau de non-travail » sur la place d’un quartier populaire du centre-ville. En fait, une table avec des prospectus expliquant les intentions du gouvernement en matière de RSA et d’allocations chômage. Une opération reproduite le même jour dans toute la France par le MNCP.

 

« C’est toujours en défaveur de l’allocataire »

 

Pour ces militants des droits des chômeurs, il y a urgence à sensibiliser le public, particulièrement les demandeurs d’emploi, des projets imminents de réforme du gouvernement sur l’assurance chômage. Pour eux, la modulation des indemnités selon la bonne ou mauvaise santé de l’économie est une « réforme inhumaine ». Une de plus, après celles de 2019, qui s’applique intégralement depuis le 1er octobre 2021 et qui a pour conséquence que la part des demandeurs d’emploi indemnisés a diminué de 18,7 % en un an, selon les derniers chiffres de la Dares.

« C’est toujours en défaveur de l’allocataire dont l’indemnisation va baisser », assure Jean-Marc Talamoni qui se scandalise du fait que « le gouvernement s’est donné le droit de décider tout seul ». Au mois d’octobre, le Parlement a adopté une « loi travail » contenant la prolongation de la convention sur l’assurance chômage, mais surtout la possibilité de modifier les règles par décret après des concertations. Objectif affirmé par le gouvernement : inciter les chômeurs à reprendre un emploi pour répondre aux difficultés de recrutement dans certains secteurs.

« On va proposer aux gens des emplois précaires. Un travail mérite un salaire décent. Les chômeurs veulent un travail où ils se sentent respectés » explique le président de la Maison des chômeurs qui n’hésite par à invoquer la Constitution. Selon l’article 11 de son préambule : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

 

Des gens brisés, encore plus stigmatisés

 

À l’opposé « des moyens convenables d’existence » inscrits dans le préambule de la Constitution, la nouvelle réforme stigmatise encore un peu plus des chômeurs suspectés de se couler douce. « Cela ne peut que casser les gens davantage. Nous rencontrons des personnes fatiguées moralement. Le système les brise » se désole Hocine, un retraité qui donne de son temps à la Maison des chômeurs pour accueillir les demandeurs d’emploi en difficulté. « On a des chômeurs de longue durée qui ne sont que l’ombre d’eux même. Nous avons même pensé à monter une permanence psychologique », confie-t-il.

Une des multiples raisons pour laquelle les chômeurs sont difficiles à mobiliser, comme en témoigne le faible nombre de personnes qui viennent s’informer sur le « bureau de non-travail » installé à Montpellier ce mardi. Pourtant la pression exercée sur les chômeurs pour qu’ils prennent n’importe quel travail existe déjà. « Un chômeur de longue durée à qui j’ai distribué un tract, jardinier de profession, qui travaillait dans les espaces verts, m’a dit s’être vu proposer par Pôle emploi un emploi de poissonnier », témoigne Hocine.

Si la « guérilla urbaine » lancée par le MNCP ce mardi avec ses bureaux de non-travail démarre très modestement, les mouvements de chômeurs comptent se mobiliser de nouveau à Paris le 2 décembre. D’ici là, les concertations avec les syndicats et le patronat devraient avoir pris fin et le projet du gouvernement être dévoilé plus clairement.

 

Crédit photo : Ricardo Parreira