Le bras de fer se poursuit entre les salariés de 20 laboratoires d’analyses médicales du Sud-Ouest de la France et la direction d’Inovie (anciennement Labosud). Au moment où nous écrivons, les négociations n’ont pas abouti. Pour l’Auvergne, où une grève reconductible a également éclaté la semaine dernière sur plusieurs sites du « 1er groupe libéral indépendant de biologistes médicaux », une réunion se tiendra mercredi matin.
À l’origine de la grève dans le Sud-Ouest : une décision jugée méprisante de la direction de Biofusion, une entreprise du groupe Labosud, devenu Inovie en 2017. À savoir, le versement d’une prime de Covid-19 de 250 € aux salariés des vingt laboratoires d’analyses médicales que compte l’entreprise dans le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne et le Lot. À peine de quoi compenser les pertes de revenus liées à la mise en chômage partiel d’une partie des employés pendant le confinement, période où la capacité de tests pour le coronavirus était insuffisante. En tout cas très loin d’un niveau correspondant au travail supplémentaire effectué depuis mi-juillet à cause du rebond de la crise sanitaire et de l’augmentation des capacités à tester.
Un mouvement de grève se prépare. Il commence le mardi 15 septembre avec le débrayage de trois quarts des 200 salariés de Biofusion et un rassemblement à Montauban devant le plateau technique de Biofusion. Les vingt laboratoires sont fermés au public, seuls les drives fonctionnent. Soutenus par Force ouvrière, la CGT et la CFDT, les grévistes réclament une prime de 1000 €, mais aussi et surtout une augmentation des salaires de 10 %. Et des embauches supplémentaires, à l’occasion de la première grève de l’histoire de cette entreprise qui emploie essentiellement un personnel féminin qui n’a pas été intégré dans les mesures du Ségur de la santé.
À quelques centaines de kilomètres de là, une grève très suivie démarre le 17 septembre dans les dix laboratoires Oxylab, propriétés également d’Inovie. Avec un préavis de grève déposé par la CGT et la CFDT, les salariés d’Auvergne et de Lozère réclament eux aussi une augmentation de salaire de 10 % et des embauches. Là aussi, c’est une première et huit sites sur dix sont fermés. « La goutte d’eau qui fait déborder le vase, c’est les prélèvements Covid et une surcharge énorme de travail, sans embauches ni primes », expose Corinne Fuziol, technicienne chez Oxylab depuis 30 ans. En plus de salaires faibles, autour de 1400 € par mois à l’embauche pour des titulaires d’un bac+2 assure-t-elle : « on se fait insulter par des patients parce qu’on n’a pas les résultats en temps et en heure. » La saturation du système de tests et la peur du coronavirus agissent à plein.
La grève dure
En Auvergne comme dans le Sud-Ouest, le mouvement est reconduit le lendemain. Avec 75 à 80 % des grévistes le premier jour, et sans réponses satisfaisantes de la direction, la mobilisation s’installe dans la durée. Des piquets de grève fleurissent à Brassac-les Mines (Puy-de-Dôme), Saint-Flour (Cantal) et Brioude (Haute-Loire). À Montauban, l’assemblée générale décide quotidiennement des suites à donner au mouvement, au regard des discussions avec les directions de Biofusion et Inovie. Mardi 22 septembre, les salariés ont revoté la grève pour mercredi après l’échec d’une nouvelle longue séance de négociation dans les locaux de la Dirrecte en fin de journée. La direction a certes accepté de gonfler la prime Covid à 1000 € depuis la fin de semaine dernière, et même à 1300 € net lundi soir, mais bloque toujours sur les augmentations salariales. Pour l’heure, elle ne serait pas prête à concéder plus de 2 % au lieu des 10 % demandés par les grévistes.
En Auvergne, la grève a pris fin mardi matin : « ils avaient envoyé des réquisitions, on a donc repris nos postes », explique Corinne Fuziol qui évoque également des raisons financières à ce choix. Mais il s’agit d’un arrêt temporaire de leur mobilisation. Dès ce mercredi, des débrayages surprises devraient concerner une partie des dix sites auvergnats, alors qu’une négociation au siège social d’Oxylab à Marvejols (Lozère) s’ouvre à 10 h, en présence d’un membre de la direction d’Inovie. Cette journée pourrait donc être cruciale pour les deux conflits. « Nous leur avons fait une proposition de sortie de crise », explique Christophe Couderc de la CGT du Tarn-et-Garonne qui espère une nouvelle rencontre au plus tard mercredi. Pour lui, si la direction accepte une augmentation de 3 % et ajoute la prise en charge à 100 % de la mutuelle et des jours de carence pour maladie, le travail pourrait reprendre. Par contre, le conflit pourrait faire tache d’huile ailleurs, auprès des 4500 employés d’Inovie.
D’autant que depuis le début du mois de septembre, les grèves se succèdent dans différents laboratoires d’analyses médicales partout en France. À Limoges, les salariés d’Astralab ont cessé le travail les 17 et 18 septembre pour réclamer une augmentation de 200 € et une prime Covid de 1500 €. Ils ont obtenu 1000 € de prime et quatre embauches. En Mayenne, ce sont les laboratoires Biolaris qui ont dû fermer leurs portes le 17 septembre. Ici, la grève a été suspendue et une réunion est programmée le 6 octobre avec la direction. En Franche-Conté, une cinquantaine de salariés de l’entreprise BioAllan se sont mis en grève également le 17 septembre pour demander des moyens. Le même jour, à Figeac le personnel du laboratoire Sylab débrayait, tout comme celui de Baugé-en-Anjou. Et la série est probablement loin d’être terminée, alors que le chiffre d’affaires de toutes ces entreprises est boosté par les tests Covid-19 pratiqués en masse.
Mise à jour : un accord a été trouvé hier soir entre la direction et les salariés en grève de Biofusion. Celui-ci porte sur une augmentation de salaire de 3%, une prime de 1500 €, la prise en charge de la mutuelle à 100 % et l’obtention de 3 journées d’absence pour enfant malade.
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